
Judo: carnet de voyage de l’équipe de France en stage au Japon, par Marie-Eve Gahié

Marie-Eve Gahié - ICON Sport
L'équipe de France féminine de judo est en stage au Japon pour deux semaines. Seize Bleues dont les 9 sélectionnées pour le championnat du monde début mai au Qatar préparent ce rendez-vous au pays du judo. Championne du monde 2019 des moins de 70 kilos, Marie-Eve Gahié raconte la deuxième semaine d'aventures, avec un passage dans une base militaire.
Un tremblement de terre magnitude 4,5, "j’ai eu un peu peur"
"Je l’ai senti cette nuit (à 5h13 heure locale) ! Je suis très contente parce que je voulais savoir ce que ça faisait. J’ai eu peur. J’ai bougé dans mon lit car ça a bien secoué. J’en parlais avec le préparateur physique Christophe Delahaye et Audrey Tcheuméo, ils m’ont dit qu’ils dormaient. Maintenant je peux dire que je sais ce que c’est. Bien sûr que j’ai eu un peu peur car tu te sens balancée dans ton lit alors que tu es posée. Après je me suis rendormie."
A l’entraînement "c’est un judo plus précis"
"On s’entraînait dans une base militaire à 15 minutes en bus de notre hôtel. Il y avait les filles de l’équipe 1 japonaise, qui étaient déjà venues la semaine dernière. On a aussi retrouvé les filles de Tsukuba et des judokas d’autres universités. Dans ma catégorie, j’avais Saki Niizoe, qui est la numéro 1 japonaise et va participer aux championnats du monde. On a pu varier, c’est bien. Après une semaine à Tsukuba on commençait à se connaitre par cœur. C’est vraiment différent du judo européen. A l’échauffement, les filles sont plus précises dans leurs répétitions techniques (uchi-komi) et projections (nage-komi). Ce n’est pas forcément plus ouvert mais c’est plus précis malgré, peut-être, un plus faible nombre d’attaques. Ça nous permet d’être habituées à être concentrées sur où on pose les mains, où on se déplace, les balayages."
Les échauffements à la française, c’est un volley-ball
"Les Japonaises ne font pas du tout ça. Elles font plutôt des étirements, des uchi-komi. Nous les Françaises on est dans la détente. On a besoin de ça. Comparées à nous, les Japonaises sont un peu plus "coincées". Au restaurant, on nous a demandé de rigoler moins fort. C’était frustrant. On est Françaises, on souffre en stage, on rigole. L’échauffement c’est typique. Elles font des répétitions techniques et nous on rigole. On se reconcentre après. On a besoin de cette dose d’humour, de s’évader un peu. Le kimono, le kimono... ça va. Pour que le kimono ça aille, il faut un peu jouer."
"Envie de dire à l’entraîneur, laisse-moi dans mon lit" après ces deux semaines difficiles
"On s’est pris pas mal de fois avec Saki Niizoe. Je l’ai étudiée, elle m’a étudiée. On était plutôt dans de l’observation. Ce n’est pas ici qu’on règle nos comptes. Je suis très contente d’être de retour au Japon. A cause du Covid je n’y avais pas mis les pieds depuis les championnats du monde 2019. On a mangé et remangé des combats. Ça va vraiment nous être bénéfique. Faire 15 randoris ici (combat d’entraînement) ce n’est pas comme faire 15 randoris avec des Européennes. Ça fait du bien de faire cette grosse quantité de judo. On en avait besoin avant les Mondiaux (du 7 au 14 mai au Qatar). Même mentalement d’être ici ça nous a fait du bien. Une grosse quantité de judo c’était difficile physiquement et psychologiquement. En fin de semaine nos corps n’en pouvaient plus, nos doigts aussi. On a passé un superbe stage entre filles. On s’est battues jusqu’au bout pour donner le meilleur de nous sur le tapis. Il y a eu des moments durs, des moments où on ne voulait pas se dire bonjour. Tu n’avais qu’une envie, c’était de dire à l’entraîneur "laisse-moi dans mon lit". Les entraîneurs étaient très contents de nous. J’ai fait un bon stage, je suis heureuse."
Sa mère au téléphone, "ma petite touche de douceur"
"Ma mère travaille tard. J’ai eu la chance de l’avoir quand il était 4h du matin en France (12h au Japon). Ca fait du bien. C’était ma petite touche de douceur pendant les moments difficiles. Malgré le décalage horaire on a profité à fond de nos quelques heures en commun. C’est pour ça que l’on avait pris des puces téléphoniques pour avoir nos familles à tout moment et pas seulement lorsque nous étions à l’hôtel. C’est son anniversaire. Bien sûr que je lui ai acheté un gros cadeau."
Dernière soirée avant le départ, des pleurs après un discours d’Audrey Tcheuméo
"On a fait un barbecue, c’était très sympa et très bon. A un moment donné, ‘Tchoum’ a pris la parole comme elle est l’une des plus anciennes. C’était très sûrement ses derniers instants au Japon avec l’équipe de France, avant sa dernière année. Ça ne sera pas la seule, beaucoup arrêteront après les Jeux Olympiques. On s’y attendait pas du tout. C’est rare de sa part. On a dû être 5 ou 6 à pleurer dont moi. Elle nus a fait comme un petit ‘au revoir’ en nous parlant des choses de la vie, en parlant de la concurrence en équipe de France, que ce qu’elle vit en équipe de France va bientôt s’arrêter. On a une vraie équipe, se dire qu’un jour ça va s’arrêter ça fait un peu mal. J’aime les moments qu’on vit avec les filles. Ensuite on est allé dans un karaoké. On a rigolé, on a chanté comme des casseroles. C’était très marrant. C’est Coralie Haymé (+78kg, qui chante et joue dans un groupe folk) qui chante le mieux. Elle a une putain de voix. Ça me saoulait quand elle chantait en même temps que moi. Je lui disais ‘chante moins fort c’est trop bien’."
Balade à Tokyo, musée, shopping et… kebab
"Tout à l’heure j’ai été me balader à Akihabara où j’avais pris des photos à l’issue de mon titre mondial. Ça m’a rappelé des souvenirs. Ce matin, les filles se sont levées un peu tard. J’en ai profité pour aller dans un musée en immersion, le musée teamLab Planets. Je voulais absolument le faire. J’y suis allée toute seule. Dès que tu arrives, tout se passe pieds nus. C’est un musée sensoriel. Tout ce que j’aime. J’ai kiffé puis après shopping, shopping, shopping ! A Shibuya (quartier de Tokyo) j’ai acheté une paire de chaussures. Sur Takeshita Street (quartier de Harajuku), il y a tout. Des habits, du vintage, beaucoup de seconde main et au bout à droite de la rue, le kebab (rires). Si on avait des kebabs comme ça en France ça serait trop bien… Il est très bon, une viande très raffinée. Et aussi le magasin Don Quijote pour acheter les Kit Kat aux saveurs qu’on n’a pas en France. C’est une adresse très importante !"