Judo: Pont, Tassier, Meïté... La nouvelle génération qui veut se montrer au Paris Grand Slam

· Blandine Pont (-48kg) : à pleines dents
"Ouvrez la bouche". Blandine Pont manie la roulette presque aussi bien que uchi-mata. En quatrième année d’études d’odontologie (dentiste), elle ausculte des quenottes chaque après-midi à l’hôpital avant de filer vers son deuxième entraînement quotidien. "C’est épuisant", sourit-elle. Cours à rattraper puis entraînement le matin, clinique, entraînement et de nouveau études le soir, elle réalise l’un des grands défis du sport français: mener de front études de haut-niveau et sport aussi à haut-niveau.
"Je trouve un équilibre dans les études et le sport de haut niveau. Ça m’apaise. Ça me tenait à cœur d’avoir un après-carrière qui me plaisir. J’ai voulu le tenter plutôt que d’avoir des regrets", détaille-t-elle. Un choix difficile à faire accepter aux coaches et aux profs de fac. Sur le fauteuil, elle a déjà reçu sa coéquipière Priscilla Gneto et bientôt ce sera le tour d’Astride, la sœur: "Elle est très douce", apprécie la double championne d’Europe. "Judo et odontologie sont deux domaines très manuels. Ca se rejoint un peu sur l’aspect tactile, il y a de la précision dans nos gestes, il faut réfléchir à ce que l’on doit faire", décrit-elle.
La judoka de Champigny-sur-Marne régale aussi ses partenaires avec ses tapis faits main. En stage, elle embarque aussi un appareil photo et immortalise les détails du quotidien de ces villes où elle ne fait pas que poser le judogi. La petite sudiste reste sur deux médailles de bronze aux tournois de Paris 2021 et 2022. Elle est la troisième française des super-légères derrière Shirine Boukli, numéro un mondiale et double championne d’Europe, et Mélanie Legoux-Clément, 12e. L’espace est fin, mais il existe pour obtenir une sélection. Deux catégories peuvent être doublées sur un grand championnat: "C’est la difficulté de ce sport on peut être numéro deux et n’avoir jamais accès à un championnat de ce sport. C’est beau, ça nous tire vers le haut".
· Loris Tassier (-90kg) : quand la musique est bonne
À l’adolescence, le Vendéen a failli filer vers le Conservatoire de Paris plutôt que d’aller au Pôle France Judo d’Orléans. Ses doigts musclés de judoka ne l’empêchent pas de briller violon en main. Tassier, 25 ans, adore cet instrument depuis que sa grand-mère l’a inscrit au conservatoire des Sables-d'Olonne à l’âge de 7 ans. Le judo a pris le dessus. Le soir en rentrant de l’Insep, il répète ses gammes: "Je suis obligé car le violon se perd rapidement", explique-t-il.
Cette année, Tassier déboule. Ce fort droitier a satellisé le Géorgien Maisuradze, double médaillé mondial, sur un uchi-mata au tournoi de Riccione. Son passeport pour le gros tournoi d’Abu Dhabi où il rallie la finale. La semaine suivante, il prend son premier titre national avant d’être appelé dans l’équipe de France pour les Europe par équipe mixte (1er). Ce fort caractère a su dompter ses chevaux intérieurs. Romain Bacha, son entraîneur au pole espoir de Nantes se souvient de ce combattant à l’engagement jamais feint: "Au début de l’année, premier entraînement, j’ai dit «sois ça passe et il va beaucoup progresser, soit ça casse avant la fin de l’année». C’est passé".
Perturbé pendant un an par de lourdes blessures à une cheville et à un bras, il a trouvé l’élan nécessaire dans le discours de Vincent Massimino, son coach à Sartrouville: "Avec mon préparateur mental, ils m’ont dit il y a plein de choses à aller chercher, peut-être une place aux JO. Dans ma vie personnelle il y avait des problèmes, tout ça a été résolu, c’est pour ça que je me sens mieux". Dans une catégorie des moins de 90 kilos revigorée avec Maxime-Gaël Ngayap Hambou, Alexis Mathieu et Axel Clerget double médaillé mondial et de retour de blessure, il y a de quoi être optimiste.
· Amadou Meïté (+100kg) : sortir du silence
L’homme a le sourire bien large. Une première sélection au Paris Grand Slam a de quoi combler le judoka de Sainte-Geneviève âgé de 21 ans. Meïté franchit une barrière ce week-end. Ce judoka malentendant va participer à ce qui se fait de mieux en tournoi senior chez les valides : "C’est une grande fierté il y a eu beaucoup de travail. Je me suis acharné pour pouvoir être sélectionné. J’étais en stage quand j’ai appris ma sélection. Je me suis senti libéré", a-t-il expliqué au site de la fédération française de judo.
Les handis poussent chez les valides à l’image du mal-voyant Hélios Latchoumanaya, champion du monde dans sa catégorie, plusieurs fois qualifié pour les France 1re division et premier pensionnaire de son genre à l’Insep. Meïté a signé deux médailles de bronze consécutives aux championnats de France senior, son sésame pour Paris. En combat, son handicap ne se voit pas. Il lui demande seulement un surplus de concentration : "Il n’y a pas grand-chose qui change, je dois être plus attentif sur le matté (arrêt provisoire du combat) et le hajime (reprise du combat) annoncés par l’arbitre. Je lis sur les lèvres et sinon il y a des codes." Vainqueur des Deaflympics, la plus grande compétition réservée aux sourds, Meïté espère que son arrivée dans le grand monde des valides va donner une ouverture pour les handis et médiatiser davantage les compétitions pour les sourds. Public le plus bruyant du monde, celui de Bercy pourrait bien se faire entendre par l’homme aux oreilles d’argile et lui donner des ailes.