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Les coachs de club, les coachs cachés du judo

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Quelles sont les relations entre les judokas français et leurs entraîneurs nationaux à l'INSEP ? Benjamin Axus et Sarah-Léonie Cysique témoignent pour RMC Sport.

Engagés ce vendredi à Tashkent en moins de 57 kilos et en moins de 73 kilos, Sarah-Léonie Cysique et Benjamin Axus sont suivis par les entraîneurs nationaux de l’INSEP mais aussi par des entraîneurs de club tout au long de l’année. Si le référent de l’équipe de France est assis sur la chaise au bord du tatami, comment est-ce que cela fonctionne avec l’entraîneur, bloqué en France ou sur un siège en tribune?

· Avant la compétition

"C’est simple, il prend mon cerveau, il le retourne". Benjamin Axus se marre quand il explique la préparation mentale façon Alexandre Borderieux, son entraîneur à l’AJA Paris 2020. Ancien international français et serbe, Borderieux est immanquable avec sa carrure aussi forte que sa voix. "Ce n’est pas certain qu’il soit là à Tashkent mais quoi qu’il arrive il sera avec moi", ajoute Axus.

Romain Poussin devrait être en Ouzbékistan. Entraîneur de la vice-championne olympique Sarah-Léonie Cysique à l’AC Boulogne-Billancourt, il ne manque jamais d’appeler sa protégée la veille de son entrée en lice : "Il m’enverra un petit message pour me donner de la force déroule Cysique. Par contre, on ne parle jamais de mon tableau car je ne le regarde le matin de ma compétition. Personne ne doit l’évoquer dans mon entourage".

· Avant un combat

Il y a la méthode cahier. Barbara Harel (Red Star Champigny-sur-Marne) noircit des pages d’un cahier sur chaque adversaire. Stéphane Auduc, ex-coach de Sucy Judo (Val-de-Marne) préférait la version numérique, un message avec vidéo pour ses protégés. "Avec Romain, on sait ce qu’on a travaillé, il me fait confiance, raconte Cysique. Quand je suis dans la compétition il peut être amené à m’envoyer des infos sur des filles qui ont changé leur judo. Il peut m’envoyer le profil de la personne. Mais quoi qu’il arrive on discute de tout ça avec moi, Romain et l’entraineur national. Il faut que tout le monde réussisse à travailler ensemble".

Lors du tournoi de Paris 2022, les coachs de Benjamin Axus avaient noté que l’Azerbaïdjanais Orujov, médaillé olympique et mondial, était un diesel sur son premier match de la journée. Le longiligne Axus a appliqué la tactique d’agression immédiate avec succès : "Alexandre me dit comment je dois me positionner. Les points forts et les points faibles de l’adversaire. Ça me permet de me focaliser sur l’essentiel. Ça m’aide, car je n’ai pas forcément une bonne vision des combattants, ça me permet d’ajuster mon niveau".

· Pendant le combat

"Celui qui coache c’est celui qui est sur la chaise", tranche Sarah-Léonie Cysique. Posté sur une chaise, l’entraîneur national n’a le droit d’intervenir que lors des "matte", les courtes interruptions du combat. Interdiction de coacher quand l’action bat son plein sinon c’est risque d’exclusion et de laisser son athlète tout seul. "L’entraîneur national est celui que je vais écouter. Si mon oreille entend des choses que les entraineurs ne peuvent pas me dire, je ne dirais pas non, on peut me donner certains tips mais celui que j’écoute c’est celui qui est sur la chaise", rajoute la vice-championne d’Europe 2022.

En tribune, l’entraîneur de club a toute latitude pour s’époumoner sans risquer le carton rouge : "Parfois je l’entends et je me dis «il est sur le tapis ou quoi», plaisante encore Axus. Quand on reconnaît une voix comme ça. Quand on est sur le tatami on est dans une bulle mais on arrive à récupérer certaines infos. Il peut y avoir 5.000 personnes et la voix d’Alex, je vais l’entendre parmi les 5.000 personnes".

Les Forces Spéciales, la génération des grands espoirs français
Après Romain-Valadier Picard, jeudi en moins de 60 kilos (défaite au 2e tour), et avant Kenny Livèze mardi en moins de 100 kilos, Joan-Benjamin Gaba est le deuxième membre de la génération junior surnommée Forces Spéciales aligné en Ouzbékistan. Agé de 21 ans, Gaba est déjà passé senior depuis un an alors que Livèze et "RVP" vivent leurs derniers moments juniors. Cette génération a bien moissonné en championnats d’Europe et du monde dans les catégories d’âge jeunes. Un indispensable pour ceux qui rêvent des Jeux Olympiques.

Cornaqués à l’époque par Stéphane Frémont et Richard Melillo, ce groupe garçon a hérité du surnom Forces Spéciales, trouvé par les coachs: "La mentalité qu’on nous inculquait, c’était qu’il fallait toujours plus s’entrainer, faire plus que les autres, rembobine Gaba. Quand les autres s’arrêtaient on en faisait encore plus. Les gens nous prenaient comme des fous… mais ça porte ses fruits".

Le groupe WhatsApp de cette génération porte aussi le nom Forces Spéciales. Frémont envoyait de drôles de messages : "C’était des trucs de motivation poursuit Gaba. Du genre des casques de gladiateur pour dire c’est la guerre". Les résultats sont prometteurs: Gaba compte une médaille senior, Valadier-Picard deux et Livèze va se jauger sur ce premier rendez-vous planétaire. Ils portent de grands espoirs en eux comme la génération en or de 2007, celle de Teddy Riner, Cyrille Maret, Axel Clerget, Ugo Legrand. "Et d’autres arrivent", promet Gaba.

Morgan Maury