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Mondiaux de judo: la famille Abe n’est plus tout à fait à l’or

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Comme aux Jeux olympiques la fratrie terrible constituée d’Uta, la moins de 52 kilos, et de Hifumi, le moins de 66 kilos, n’a pas fait main basse sur les deux médailles d’or. A l’inverse de Paris, c’est la sœur qui s’impose, dans une journée où Amandine Buchard a été la seule à contester sa domination. Le frangin a dû se content du bronze.

Hifumi Abe s’appelle ainsi parce que ses parents ont voulu lui apprendre l’art de la patience jusqu’à dans les idéogrammes qui composent son prénom. Hifumi s’écrit simplement avec les caractères du 1, du 2 puis du 3. Mais le garçon est du genre pressé et surtout glouton. Avec lui, tout va vite. Tout lui réussit ou presque. Aujourd’hui, il va pouvoir repenser à cette leçon: si tu es pressé, va lentement.

Aussi fort soit-il, le judo est parfois impitoyable. Le Tadjik Obid Dzebhov a fracassé l’idole dans un contre de uchi-mata qui a glacé l’assistance. Un lever de jambe de danseuse du Crazy Horse avant de plaquer le double champion olympique sur le dos. L’arbitre française Mélanie Percheron a d’abord donné un waza-ari avant que la table ne le transforme en un ippon justifié. Abe a été arbitré comme tout le monde. Dzebhov, vainqueur ensuite de Walide Khyar pour la médaille de bronze, a mis fin à plus de 5 ans d’invincibilité d’Abe sur le circuit en compétition individuelle. En gagnant une cinquième couronne planétaire, il aurait pu devenir le Nippon masculin le plus victorieux sur des Mondiaux. Il repassera dans un an. Star de ce sport, il est allé prendre tout de même une médaille de bronze: "Je devais être sur la troisième marche du podium. Après la défaite mon but a totalement changé. Être en bronze ou pas c’est totalement différent", a-t-il concédé.

Une preuve de modestie pour un garçon parfois critiqué sur cet aspect de son caractère. Invincible l’été dernier à Paris chez les moins de 66 kilos, ventilant avec une classe d’écart le tableau, il a vu sa sœur le doubler au total d’or en championnat du monde alors qu’il mène aux JO. Après les Mondiaux 2019 à Tokyo, les JO l’an passé, c’est la troisième fois que les frangins terribles ne font pas le doublé frère-sœur le même jour.

La détresse d’Uta après sa défaite face à Diyora Keldiyorova au Champ-de-Mars avait ému beaucoup de monde. Au Japon, elle avait essuyé un flot de critiques pour avoir montré ses émotions et avoir mis du temps à quitter le tatami. Elle est en voie de guérison au terme d’une journée comme elle en administrait avant la claque parisienne. Personne n’a abîmé la petite japonaise. Sauf Amandine Buchard. La seule à mettre de l’impact physique et à pouvoir délivrer son judo: "Buchard est vraiment coriace reconnaissait Abe au micro de RMC Sport. Elle a vraiment de très belles techniques." L’arbitrage un peu trop interventionniste a privé le public d’un spectacle encore plus fou. La Française a plusieurs fois mis Abe dans l’étau. Mais le petit format n’est pas seulement une technicienne de génie. Dans le battement de cil où Buchard aurait pu attaquer elle avait le chic pour réajuster sa posture et préserver sa position. Abe s’en sort aux pénalités. "C’est positif", retenait Bubuche après son élimination aux pénalités. "Je me suis moins sentie en danger que lors de précédents combats. Il faudra tout de même que je la batte une fois avant Los Angeles 2028."

Abe a scotché ses quatre autres adversaires sur trois mouvements différents. "Sa journée était parfaite", a salué Hifumi. Jamais aucune n’a montré autant de résistance que Buchard, signe que malgré le 9-1 en faveur de son adversaire, elle est peut-être la seule à pouvoir la renverser. Avec l’apport de sa nouvelle coach, Jane Bridge, elle a de quoi potasser jusqu’à leur prochaine rencontre. L’échec olympique avait traumatisé la benjamine de la fratrie. Sa santé mentale n’intéressait personne alors qu’elle était visiblement dans le mal. La championne olympique 2012 des moins de 57 kilos, Kaori Matsumoto, l’a interrogé à ce sujet lors d’une émission ii y a quelques semaines Abe avait avoué qu’elle avait réussi à remonter la pente. Son "Je vais bien" et ses remerciements avaient soulagé ses fans: "J’ai été faible aux JO et après mais j’ai essayé de me sortir de là", nous a-t-elle confié. "Pour devenir une meilleure version de moi-même."

A 24 ans, elle n’est plus qu’à un titre mondial de Clarisse Agbégnénou et deux de la recordwoman, sa compatriote Ryoko Tani (née Tamura). Elle peut rêver d’exploser tous les records. Mais elle ne nous en a pas parlé. Elle ne veut que redevenir championne olympique dans 3 ans. Et que son frère l’emporte le même jour. La famille en or n'est pas celle du bronze.

Morgan Maury à Budapest