RMC Sport

Riner en forme olympique

Teddy Riner

Teddy Riner - -

En gagnant le Tournoi de Paris pour la cinquième fois, le Guadeloupéen continue de creuser le fossé qui le sépare de la concurrence. Riner est bien lancé sur l'autoroute qui mène à Londres, et n’en peut plus d'attendre.

Il a fini par demander grâce. Serré en étranglement comme on tord le cou à un poulet, le Brésilien Rafael Silva a préféré taper sur le tatami jaune de Bercy pour que Teddy Riner abrège son martyre en finale des plus de 100 kilos. En 51 secondes et un souffle presque coupé pour le judoka de Sao Paulo, Teddy Riner a remporté son cinquième titre à Bercy. Mieux, il est resté sur sa lancée des Mondiaux 2011 –déjà à à Bercy- où il avait atteint un niveau jamais vu chez lui. Ce dimanche, il a vitrifié tout son tableau avec 5 ippons en autant de combats. « C'est encourageant pour la suite. Je n'ai pas beaucoup montré et j'ai beaucoup senti », reconnaissait un Riner qui a placé 4 o uchi-gari (un grand fauchage intérieur, ndlr). « Ce qui m'a plu, c'est le mental, retenait Benoît Campargue, son entraîneur. Il y avait aussi la précision et le jugement. Parfois, pour un coach, la meilleure communication est de ne rien dire. Là, c'est lui qui a fait les choix. C'est la maturité du champion. »

La demi-finale face à l'Ouzbek Abdullo Tangriev est un modèle de gestion. Face à l'homme qui lui a coupé la route olympique en quart de finale des JO de Pékin, il a pris une revanche éclatante. Gêné par le schéma tactique très restrictif du matois asiatique, Riner s'est creusé les méninges pour se tirer de ce piège avec brio (ippon). On pouvait s'interroger sur sa capacité à réagir face à l'inconnu. On est rassuré. L'homme qui a le potentiel pour le battre à Londres ne s'est pas montré. L'Allemand Andreas Toelzer, le plus sérieux rival du français (absent à Paris), affirme travailler le schéma qui fera tomber la montagne noire. Peut-être. C'est en tout cas l’ultime mystère qui entoure la quête d'or olympique du garçon de 22 ans.

32 victoires consécutives

Riner, qui doit notamment bosser sa mise en action (un peu lente), reste maintenant sur une série de 32 victoires consécutives en compétition officielle et s'entoure d'une aura d'intouchable. « Je veux arriver invincible aux Jeux », lance-t-il. Le Guadeloupéen, qui a pris à Bercy « sa dernière bouffée d'air avant Londres », ne devrait plus sortir qu'une seule fois en compétition d'ici les Jeux olympiques . Ce sera aux championnats d'Europe (du 26 au 28 avril à Chelyabinsk en Russie) ou au début du mois de mai. Et après, rideau jusqu'au 3 août et son entrée dans l'Excel Center de Londres.

Dans sa tête, Riner est déjà à Londres. « Je ne pense qu'à ça, martèle-t-il. Même aujourd'hui, je ne pensais qu'à ça. Ca va arriver très vite. On a le temps mais pas trop. Ca fait quatre années que j'attends. C'est super long. On approche, il ne faut pas se louper et travailler. » En descendant du podium, le meilleur poids lourd de la planète n'avait d’ailleurs que le mot travail à la bouche, plutôt que d’aller parader ou rouler des mécaniques. Mais une chose est sûre : pour espérer rattraper un surdoué qui ne se contente pas de son talent, la concurrence a intérêt à ne pas faire l'école buissonnière.

Le titre de l'encadré ici

Décosse-Tcheuméo : l’une joue, l’autre pas|||

S'il y avait un jour pour perdre, c'était peut-être ce dimanche. En pensant à Londres, Lucie Décosse (-78kg) et Audrey Tcheuméo (-78kg) se consoleront avec cette leçon. Décosse (2e en moins de 70kg)  n'avait plus perdu un match (en dehors de sa disqualification à l'Euro 2011) depuis le 17 janvier 2010 au Masters en Corée du Sud. Etre battue, c'est rare, ça fait mal, et encore plus quand, comme elle, on est la Reine de Bercy avec 7 trophées. « Ca m’embête de perdre, en plus je n’aime pas perdre à Bercy, mais vraiment pas, s'agace-t-elle. Mais ça ne changera rien au niveau de ma préparation pour les JO. Cette défaite ne m'inquiète pas. » Depuis 2008, Décosse tourne à une défaite par an. Cela ne l'a pas empêchée de coiffer deux couronnes mondiales (2010 et 2011). Sa rage de Bercy se transformera peut-être en sourire à Londres. Mais en montrant une faille dans sa carapace contre la Japonaise Haruka Tachimoto, Décosse a redonné de l'espoir à des adversaires qui auront de quoi bûcher jusqu'au 1er août.

La problématique est un peu différente pour Audrey Tcheuméo, 3e en moins de 78 kilos. La championne du monde 2011 relevait d'une blessure à l'épaule qui l'avait laissée en rade quatre mois. Un peu à court de jus, elle paye son manque de travail dans une catégorie où elles sont quatre fantastiques (l'Américaine Harrison, la Japonaise Ogata, la Brésilienne Aguiar et elle) à tout rafler  depuis 2010. « Je dis que je préfère perdre là que perdre aux Jeux, relativise ‘’Tchoumi’’. Cette bonne raclée me fait donc du bien. J'ai pris un bon coup dans la tronche, mais c'est reparti pour les jeux ! Ca ne sera pas pareil. » Après sa couronne mondiale, elle avait promis qu'elle serait une machine de guerre à Londres. L'armure du tank a pris une petite éraflure.

R.M. et M.M.