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Agnel : « L’ascenseur émotionnel à son paroxysme »

Yannick Agnel

Yannick Agnel - -

Intégrale Sport - les Tops sports de l’année. Yannick Agnel revient sur une année 2013 riche en émotions. De sa séparation avec Fabrice Pellerin à son départ pour les Etats-Unis, en passant par ses titres mondiaux à Barcelone, le nageur français n’a éludé aucun sujet.

Yannick, 2013 a été une année mouvementée avec le départ précipité de Nice, l'arrivée aux Etats-Unis quelques semaines avant les Mondiaux, les titres sur 200m et 4x100m à Barcelone. Comme qualifiez-vous cette année ?

Je dirai pleine de rebondissements ! J’ai l’habitude de dire que les années sont riches en émotions et elles sont plus riches les unes que les autres. Cette année, l’ascenseur émotionnel a été à son paroxysme.

Avec du recul, comment jugez-vous votre départ à la hâte de Nice ?

Cela a été plein de réflexions, de questionnements sur moi-même, sur mon entourage et sur ce dont j’avais besoin. Je pense tout simplement le couple d’entraîneur-entraîné qu’on formait avec Fabrice (Pellerin) est arrivé à saturation. J’avais besoin de repartir sur quelque chose d’autre, de nouveau et de différent.

Est-ce que, à un moment, vous avez eu envie de tout plaquer ?

Cela m’est passé par la tête. Mais j’aime profondément la natation, la sensation de nager. C’est quelque chose que je n’aurais pas pu quitter. Il y a quelque aussi qui ne m’a jamais quitté, c’est l’âme de compétiteur, l’œil du tigre. J’avais simplement besoin de faire un break et de repartir sur quelque chose de nouveau. Connaître une autre aventure, une nouvelle façon d’aborder la natation, la compétition, la performance en général. Et quoi de mieux que de faire le voyage outre-Atlantique ?

« J'ai pris énormément de risques »

Comment s'est passée votre expérience américaine, à Baltimore ? On a l'impression que la greffe a tout de suite pris là-bas...

Ça s’est super bien passé. J’ai été en immersion totale pendant quelques mois. J’avais besoin d’une nouvelle philosophie. C’est quelque chose qui me convient totalement dans la manière d’aborder la natation et le sport en général. Je suis tombé dans une équipe où il y a vraiment une osmose et une atmosphère vachement saines. On ne se connaissait absolument pas avant septembre et il s’avère qu’on s’entend finalement tous à merveille. On est tous très potes. Il y a aussi une sacrée émulation parce le niveau est vraiment très relevé dans ce groupe. On se retrouve avec Connor (Dwyer) tous les jours ou avec (Matthew) McLean, par exemple, à se mettre dans les dents des séries monstrueuses. Ca travaille dur, bien et dans la bonne ambiance. Lors de notre première compétition à Minneapolis, on a fait des résultats honorables. C’est super.

A 21 ans, on a la sensation que vous vous êtes émancipé en partant pour l'Amérique...

Peut-être un petit peu. Il y a eu plusieurs stades différents. Je sais que ça m’avait aussi cette impression quand j’étais parti de Nîmes pour aller à Nice. Effectivement, il y a eu un moment où je me suis senti libéré de cette histoire et de tout ce qui s’était passé depuis mai. Peut-être que je me suis émancipé, oui. La dernière fois que j’en ai discuté, je faisais un peu de philosophie de comptoir en disant que, parfois, il faut arrêter d’être le spectateur de sa vie et en être l’acteur. Je pense que j’en étais acteur à Nice. Mais, maintenant, je suis passé à un stade différent. Je ne suis pas l’acteur, j’en suis devenu l’auteur. Tout simplement. Et ça, c’est encore une dimension supérieure et c’est très agréable à vivre. Je me régale en tout cas.

C'est un tournant qui s'est passé dans votre vie ?

Bien sûr. Avec ce qui s’est passé en mai, je pense avoir pris le risque de tout planter. J’ai pris énormément de risques mais ça a payé.

Viennent ensuite les championnats du monde à Barcelone où vous n'auriez jamais dû nager ce 200m...

Encore une fois, je suis passé par plusieurs stades. Je suis passé par le stade « bon, je ne fais pas les championnats du monde, je fais l’impasse » au stade « j’y vais pour aider les copains » parce que je considérais important de pouvoir participer au relais et de faire partie de l’équipe de France. J’étais vraiment là pour les soutenir. Puis, après, je me suis dit qu’en reprenant l’entraînement à Baltimore et en retrouvant les sensations que j’avais eues au cours de l’année, pourquoi ne pas tenter le 200 ? Coup de poker et on verra comment ça se passe. Au final, ça s’est super bien passé.

Ce titre sur 200m fait-il partie de l'ascenseur émotionnel dont vous nous avez parlé ?

En parlant d’ascenseur émotionnel, je crois qu’il n’y a rien de plus probant que lorsqu’on regarde ma semaine aux championnats du monde. Quand on voit la manière dont je nage les séries et les demies du 200, puis comment j’arrive à me remettre dans les clous en me disant « coup de poker, je vais partir à fond et faire ce que je sais faire. » La manière dont ça se termine, je crois que je suis le premier surpris. Disons que ça donne un bon coup d’envoi à toute cette aventure américaine.

« Je ne joue pas un rôle »

On vous a vu exulter, vous agenouiller et haranguer la foule lors de votre victoire. Est-ce que cela fait partie du nouveau Yannick Agnel ?

Oui, je pense. Il n’y avait rien d’arrogant à célébrer la victoire comme je l’ai fait. C’est quelque chose qui a été très naturel en fait. C’était simplement que j’avais vraiment l’impression d’être libéré, émancipé. Je l’ai vraiment vécu comme ça. Je ne joue pas du tout un rôle. C’est peut-être ma nouvelle manière d’être également.

Quel regard portez-vous sur Michael Phelps que vous côtoyez au quotidien à l'entraînement, à Baltimore ?

C’est un ami. De là à ce qu’il revienne s’entraîner véritablement, il y a quand même un grand pas. Il « nageote » plutôt. C’est juste pour garder la forme. Seul lui pourra dire s’il souhaite ou non revenir à la compétition pour faire quelque chose qu’il n’a pas encore fait. Le fait qu’il vienne juste « nageoter » avec nous, cela apporte déjà beaucoup au groupe. S’il revient à un moment donné, il apportera forcément quelque chose de très positif à notre équipe et au monde de la natation en général. C’est un grand monsieur. 

En dehors des bassins, qu'est-ce qui vous a marqué lors de cette année 2013 ?

La victoire de Marion Bartoli à Wimbledon, Teddy Tamgho ou les athlètes qui se sont pas mal débrouillés à Moscou.

Quels sont les espoirs de Yannick Agnel pour 2014 ? Relever le pari fou de remporter six médailles d'or aux championnats d'Europe, cet été à Berlin ?

Ce serait vraiment sympa. Ça passera tout d’abord par les qualifications aux championnats de France, il va falloir bien gérer ça. Après, on pourra effectivement faire du 100, 200, 400 et les trois relais. Je vais m’y adonner du mieux possible.

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La rédaction