Alain, Laure et les autres

Alain Bernard - -
Claude Fauquet a parlé de 10 médailles aux Jeux Olympiques de Pékin pour l’équipe de France de natation. Cet objectif paraissait un peu exagéré avec la seule Laure Manaudou. Mais après ce rendez-vous néerlandais, il ne semble plus aussi farfelu surtout avec un Alain Bernard roi du sprint mondial.
Car le nageur d’Antibes est bien la sensation de ces championnats d’Europe. Lui, qui progressait à grand pas avec un record à 48’’12 sur le 100m et un titre européen sur la distance en petit bassin, a relégué les cadors du sprint à leurs études, à des dixièmes synonymes d’années-lumière sur le sprint. L’élève de Denis Auguin a confirmé tous les espoirs placés en lui avec une série d’exploits majuscules. Un, deux, trois records du monde, un par jour, un exploit jamais réalisé par un grand du sprint. Alain Bernard a remisé au placard Matt Biondi et Alexandre Popov, et même VDH. Son chef d’œuvre néerlandais a commencé un vendredi après-midi par un premier record du monde sur le 100m nage libre en 47’’60 en demi-finale de l’épreuve reine. Une claque de 24 centièmes à l’un des plus vieux records de la natation moderne, celui de Pieter Van den Hoogenband le maître incontesté du sprint au 21e siècle avec deux titres olympiques sur 100m, vieux de 7 ans. Mais le Français n’a encore rien gagné. Du rang de favori, Bernard passe à celui de boss du sprint pour la finale du samedi. La pression est énorme face à Nystrand (recordman du monde de la distance en petit bassin) et Filippo Magnini (double champion du monde de la distance). Bernard réédite son exploit en rabotant dix nouveaux centièmes pour le porter à un supersonique 47’’50. Nystrand est deuxième à plus de sept dixièmes. La légende est en marche et le premier titre en grand bassin pour ce bonhomme d’1m96. Grâce à une technique impeccable, une puissance hors-norme et moulée dans la nouvelle combinaison Speedo, fantasme de tous les nageurs, (neuf records du monde ont été battus avec cette année) Bernard a repoussé les limites de sa discipline. Ce sera lui l’homme à abattre un matin d’août dans le bassin olympique de Pékin. Dimanche, il écrit une nouvelle page en battant son troisième record du monde en trois jours, celui du 50m nage libre en 21’’50 en demi-finale, propriété de l’Australien Eamon Sullivan. Il efface du même coup le nom d’Alexandre Popov des tablettes internationales et son dernier record, le record d’Europe du 50m. Dernière propriété du Russe. En finale lundi, il a encore martyrisé la concurrence avec la victoire en 21''66 mais pas de record. En l’espace de quatre jours, 2 titres, et 3 records du monde, Alain Bernard s’est placé aux côtés d’un Michael Phelps au sommet de la hiérarchie mondiale de la natation.
A côté du hors-bord Bernard, la reine Laure Manaudou navigue en mère peinard mais toujours aussi assoiffée de titres et de records. Sevrée de son épreuve de prédilection, le 400 m, Manaudou s’est essayé sur le dos à Eindhoven. En 200m dos, dans une discipline où elle n’a qu’une seule course derrière elle, elle a su apprivoiser la distance pour voler le record de France à sa copine Esther Baron en 2’07’’99 et remporter le titre continental sur la distance. Tous les espoirs lui sont permis dans cette course aux Jeux puisqu’elle n’est qu’à une seconde et trente centièmes du record du monde de la Zimbabwéenne Kristy Coventry.Sur 100m dos, Laure a repris son record d’Europe à la Russe Zueva avec un 59’’50 en demi-finale. Vice-championne du monde de la discipline, elle devient vice-championne d’Europe battue par cette même Zueva qui reprend au passage ce record perdu 24h plus tôt. Le match Zueva – Manaudou – Coughlin à Pékin sera un événement à suivre. La néo-Mulhousienne a terminé sur une très belle note avec la victoire dans le relais 4x200m avec Coralie Balmy, Mylène Lazare et Alena Pochanka, et un record de France amputée de trois secondes. Ces Bleues-là peuvent prétendre au podium olympique derrière Australiennes et Américaines mais attention les Allemandes n’étaient pas là. Coralie Balmy au terme d'une course très bien menée prend l'argent sur 400m nage libre avec un chrono de 4'04''15, meilleur chrono français de l'année devant Laure Manaudou. Mais, derrière la fusée italienne Federica Pellegrini, nouvelle girlfriend de Luca Marin, qui a relégué aux oubliettes le record du monde du 400m en 4'01''53, un record strastosphérique qui a du piquer Laure Manaudou devant sa télé à Mulhouse. Le 400m des Jeux sera LA course, Pellegrini, Manaudou, Hoff, Ziegler, pourquoi pas Balmy et les Australiennes se battront pour l'or. Cette barrière des 4 minutes dont parlait Philippe Lucas pour devenir championne olympique devra être cassée.
Toujours chez les filles, Camille Muffat a remporté sa première médaille en grand bassin avec le bronze sur 200m quatre nages. La jeune Niçoise a confirmé après son titre continental en petit bassin. Il faut croire que l’arrivée de Laure Manaudou à Mulhouse a donné des ailes à ses partenaires d’entraînement. Aurore Mongel a remporté le bronze sur 100m papillon devant Alena Popchanka, avant d’aller chercher la victoire sur 200m papillon avec un record de France en demi et en finale. Un chrono de 2'06''59, huitième meilleure performance de tous les temps. C'est elle l'invité surprise du festin de l'équipe de France. Sans son coach Lionel Horter, rentré en France avec Laure Manaudou, elle aussi s'est positionnée pour une médaille aux Jeux olympiques.
Idem pour Amaury Leveaux, le protégé de Lionel Horter dans le club du Haut-Rhin. Débarrassé de son rôle de leader avec l’arrivée de Manaudou il a assuré dans le 200m nage libre avec une belle médaille d’argent. Hugues Duboscq s’est rassuré et a impressionné en brasse. Le Havrais a cassé la mythique barre de la minute sur 100m brasse en 59’’78, titre de vice-champion d’Europe à la clef derrière le Norvégien Dale Oen. Une véritable barrière physique et psychologiue qui le propulse dans une nouvelle dimension. En panne de médailles internationales depuis presque trois ans, le médaillé olympique d’Athènes s’est rappelé au bon souvenir de l’Américain Hansen et du Japonais Kitajima, favoris en brasse aux Jeux. Sur 200m brasse, une course qu’il maîtrise beaucoup moins bien, il finit en bronze. Enfin sur 50m brasse, il rate le podium avec une 4e place malgré un beau retour dans les 25 derniers mètres. Le Duboscq nouveau est arrivé et il n'a rien changé. Satisfecit pour Fabien Gilot quatrième sur 100m nage libre, Christophe Lebon quatrième sur 200m papillon et Malia Metella quatrième sur 50m nage libre. La piscine d’Eindhoven, fief de VDH, a souri aux Français avec 12 médailles dont cinq en or, une très belle moisson. A quatre mois des Jeux olympiques de Pékin, l’équipe de France a passé la vitesse supérieure et s’affirme comme le plus gros pourvoyeur de breloques du clan français lors du rendez-vous chinois.