"Même avec un handicap on peut relever un défi fou": Théo Curin prêt pour son marathon aquatique en Argentine

Une course de 57 kilomètres. Entre la ville de Santa Fe en Argentine, et celle de Coronda. Une course... à la nage. "57 kilomètres, c’est beaucoup, ça fait peur, je n’ai jamais fait plus de 16 kilomètres", sourit Théo Curin, nageur français amputé des quatre membres, qui se prépare pour ce nouveau défi. "J’ai envie de battre ce record personnel, de nager autant et de marquer les esprits dans le sport, poursuit-il. C’est une course réputée aux yeux des nageurs. Elle fait rêver, c’est la plus dure au monde." Car elle se déroule dans des conditions extrêmes : "Là-bas il y aura plus de courant, des vagues, une température plus chaude. Et ce qui me fait flipper, c’est qu’il peut y avoir des crocodiles, des piranhas, des méduses, j’essaye de ne pas y penser".
L’an dernier, l’athlète de 22 ans avait déjà relevé un premier défi: la traversée du Lac Titicaca, en compagnie de la nageuse Malia Metella et de l’éco-aventurier Matthieu Witvoet. Cette fois, Théo sera seul dans l’eau : "C’est ce qui me fait peur. Je serai dans ma bulle et je redoute ça. J’ai des limites mentales, je vais surement les franchir sur cette course. Et on va tout faire pour les surmonter." Alors pour ça, il est accompagné de Bilal Bourazza, son préparateur physique et mental. "L’idée est de canaliser au mieux ses émotions, indique ce dernier. On isole des séances de préparation mentale avec des séances bien ciblées, comme de la visualisation. Ça permet de lutter contre la peur de l’échec, la peur de ne pas aller au bout." Bilal le suit depuis des mois pour le préparer au mieux à ce défi hors-norme : "Tous les jours il n’est pas confiant. Mais il a une force de caractère, d’abnégation et il a des qualités énormes."
"Ça va être de belles émotions"
Pour nager en eau libre, Théo s’est entrainé à Compiègne, dans l’Oise, chez son entraineur Stéphane Lecat. "L’objectif est de mettre Théo dans les conditions qui se rapprochent le plus possible de ce qu’il va devoir affronter lors des 57 kilomètres. C’est-à-dire du contrecourant dans un milieu naturel et le mettre à l’épreuve de la durée. La vitesse n‘est pas très importante mais on doit voir qu’il est capable de maintenir le rythme", décrit Stéphane, entraineur de l’équipe de France en eau libre. "Ça va, l’eau est bonne non ?", crie le technicien. Théo, bonnet sur la tête, combinaison de natation, enchaine les kilomètres, dans la rivière. "On a fait 4 kilomètres en remontant le courant, c’était assez difficile et sur le retour le courant était favorable", détaille le nageur.
Lors de cet entrainement de deux heures, Stéphane était dans un zodiac avec Bilal pour le suivre. "Il est très bien, régulier sur son rythme. Ça marche bien niveau cérébral. Malgré tout, la course va durer plus de 10 heures", rappelle l’entraineur. Et en Argentine, Théo pourra compter sur l’expérience de Stéphane, qui connait très bien ce marathon aquatique, pour l'avoir déjà gagné à quatre reprises : "Je sais ce qu’il se passe au départ. Il y a du monde autour, du bruit, de la chaleur humaine, tout ça. C’est le rendez-vous de la province. Ça va être de belles émotions, surtout à la fin. C’est unique. On a du mal à expliquer." Et il sait à quel point cette course est exigeante: selon lui, c’est "70% de mental et 30% de physique".
Premier nageur handisport à y participer
Participer à Santa Fe-Coronda est aussi un moyen pour Théo Curin de faire passer un message : "Etre le premier athlète handisport à y participer, je trouve qu’il y a un beau message à délivrer. Et pourquoi pas aller au bout. Même si ça va être difficile. J’aurais en tête cette envie de prouver aux sportifs et aux Argentins, que même avec un handicap on peut relever défi fou."
Amputé des quatre membres à la suite d’une méningite foudroyante à l’âge de 6 ans, Théo fait de son handicap une vraie force. "Le but est d’aller au bout de cette course. Je n’ai pas la prétention d’essayer de battre certains valides, ce n’est pas possible. Ce sont des nageurs réputés mondialement dans la natation en eau libre et ils sont valides, ils ont leurs mains et leurs pieds, ça va être difficile d’en dépasser quelques-uns". Pendant les heures de nage en Argentine, Théo sera suivi par Stéphane Lecat, qui se chargera de lui faire ses ravitaillements : "Mon rôle est de l’accompagner, de trouver les clés dans les moments difficiles. C’est une course qui demande de se surpasser mentalement. Il faut aller au-delà des douleurs, trouver des solutions. Mon rôle est d’apporter ces clés-là et qu’il passe ce mauvais moment." L’équipe ne se fixe pas d’objectif horaire, mais Théo devra tout de même terminer la course Santa Fe–Coronda en un temps imparti, défini par les organisateurs.