Natation, championnats d'Europe petit bassin: la première Marseillaise pour Kirpichnikova

En 2021, Anastasiia Kirpichnikova avait réalisé le triplé 400m, 800m, 1500m sur ces mêmes championnats d'Europe. Mais elle portait à l'époque le bonnet russe. En France depuis près de six ans où elle s'entraîne avec Philippe Lucas, la nageuse de demi-fond de 23 ans a connu un arrêt net et brutal des compétitions internationale avec la guerre en Ukraine et la suspension des nageurs russes. Un an et demi sans pouvoir défendre ses chances. La voilà, avec son nouveau bonnet bleu-blanc-rouge qu'elle ne quitte plus, même à l'entraînement, de retour sur un podium international. Avec les JO de Paris en tête.
Ce moment-là, elle se l'était souvent imaginé. "Quand je nage à l’entraînement, parfois je pense à la Marseillaise, et j’ai des frissons, raconte dans un sourire Anastasiia Kirpichnikova. Parfois j’imagine que j’ai gagné, que j’entends ma première Marseillaise et ça me donne des frissons." Si elle "connaît un peu" les paroles, timide elle ne s'est pas risqué à les fredonner sur le podium, la médaille d'or autour du coup. Elle aura aussi eu le temps de se l'imaginer en finale de ce 800 qu'elle a largement dominé, devançant de six secondes l'Italienne Simona Quadarella, médaillée de bronze aux derniers JO sur cette distance.
"C’est incroyable pour moi. Je sais que Simona est forte, mais après 400 m, j’ai vu qu’elle était loin." A distance aussi de son record personnel établi dans sa vie d'avant. Avant que la Russie n'envahisse l'Ukraine et qu'elle se retrouve à quai, interdite de nager. Un changement de bonnet... Qui ne change rien dans les émotions de la victoire. "J'ai gagné, c’est tout, c’est le plus important", lance dans un sourire et dans un français qui s'améliore Anastasiia Kirpichnikova. Alors qu'elle quitte la zone d'interview. Philippe Lucas, son entraîneur, la félicite. Mais pas trop non plus. "Le chrono il est moyen, lance d'emblée l'ancien mentor de Laure Manaudou. Elle manque de courses internationales, ça se voit. C’est une fille qui a eu pratiquement deux ans sans nager à part cet été. Et dès qu’elle est dans une course où il y a des filles, elle monte d’un niveau et elle a besoin de nager comme ça. Elle en a besoin pour la motivation, la détermination, l’envie d’avoir des objectifs. Mais après il va falloir qu’elle s’entraîne beaucoup mieux."
Après des Mondiaux de Fukuoka où elle avait échoué au pied du podium sur le 1500m, Kirpichnikova a eu une remise en route délicate à la rentrée. "Parfois je suis dure mentalement à l’entraînement, je ne sais pas pourquoi, c’est comme ça." Et Lucas de renchérir. "Le demi-fond c’est compliqué quand tu nages beaucoup. Il y en a qui disent, tu nages beaucoup avec moi, c’est usant. Mais si tu veux gagner des courses comme ça à côté de Quadarella qui est médaillée olympique, qui a été championne du monde, ce n'est pas en enfilant des perles à quatre kilomètres par jour. Le demi-fond en France, ils savent pas ce que c’est!"
Le chrono moyen du jour (le 4ème de sa carrière tout de même à 4s de son record personnel qui est toujours le record de Russie), Anastasiia Kirpichnikova le doit peut-être aussi à son week-end au Portugal. Pas une histoire de plage et de farniente. De la bagarre (elle en porte encore quelques stigmates sur la peau) pour jouer la qualification pour les Mondiaux, et donc pour les Jeux de Paris, sur le 10km en eau libre. Mais les vagues de Funchal ont eu raison de ses ambitions. "Les vagues, c’est… (elle souffle). Je n’avais jamais nagé avec des vagues comme ça ! J’ai pleuré dans l’eau, j’avais mal partout, c’était très dur. L’eau libre, c’est fini, c’est sûr et là je suis concentrée pour le bassin et les JO."
Pas vraiment de son avis, Philippe Lucas pense au contraire que "tous les grands nageurs en eau libre sont des grands nageurs en bassin. Moi je veux la faire travailler en eau libre pour la dureté de la course, la mettre dans des situations plus compliquées."
"C’est une fille qui est très dure avec elle-même", décrit sa coéquipière d'entraînement à Martigues et capitaine de l'équipe de France Charlotte Bonnet. "Ça va avec son éducation et sa culture qui est très exigeante. Elle a un fort caractère et elle est bien tombée avec Philippe (Lucas) qui sait comment diriger ce genre de personne. Il avait l’habitude avec Laure et ça lui rappelle un peu. C’est quelqu’un de très méritant, elle fait des trucs incroyables à l’entraînement, je suis contente que ça paie pour elle."