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Philippe Auclair 03/05

Chelsea champion?

Tout sur la Premier League!

Chelsea champion?

Toute cette saison aura été un rappel salutaire que rien n’est jamais écrit en football, en Angleterre comme ailleurs. Non, Barcelone n’est pas ‘imbattable’ et ‘la meilleure équipe de tous les temps’; pas encore, en tout cas. L’Ajax de Cruyff avait remporté trois titres européens en trois ans, en pratiquant un jeu révolutionnaire, et en réalisant des matchs autrement plus probants que le 4-1 des Catalans contre Arsenal: je songe à un certain 4-0 face au grand Bayern en demi-finale de C1, dans lequel la supériorité des Néerlandais avait été telle que Sepp Maier avait été à deux doigts de prendre sa retraite. L’Arsenal d’Herbert Chapman était sans le moindre doute la plus grande équipe de son ère, là aussi en bouleversant les acquis tactiques de ses contemporains. Chacun aura ses exemples: le Brésil de 1970, le Dynamo Kiev de 1986, à la fois poème et machine – tiens, la ‘maquina’ de River Plate aussi, le ‘grande Torino’, le Milan forgé par Sacchi, achevé par Capello. Et la France de 1984, pendant qu’on y est.

Ce préambule n’est pas gratuit. En ces temps d’overdose d’information, d’obsession pour le passé immédiat et d’amnésie collective dès qu’on évoque autrefois, on s’emporte trop vite, on n’a plus le droit de se montrer prudent. Il faut trancher, se montrer péremptoire, quitte à se contredire le lendemain – que dis-je, 90 minutes plus tard! On dit ‘être’ quand on devrait dire ‘paraître’. Non, Chelsea n’est pas destiné à ‘être’ champion. C’est ce qu’on disait de Leeds en 1971-72, et de Liverpool aussi, en 1988-89; mais jetez un coup d’oeil au palmarès – leurs noms n’y figurent pas pour ces années-là. Wigan à domicile, dimanche prochain – c’est joué d’avance, non? Attendons. Je me souviens d’un certain West Ham – Manchester United en mai 1995. Quand Blackburn avait complètement bafouillé son script à Liverpool, on s’était dit, une oreille collée sur le transistor, que United serait champion. Mais ce jour-là, Ludek Miklosko avait tout arrêté, et les Hammers avaient pris un point. Ou, plutôt, en avaient coûté deux à Sir Alex. Et Blackburn avait raflé la mise. Alors – et si Chris Kirkland faisait son Miklosko dimanche prochain? Il en est capable. Un nul, United qui bat Stoke – et United est champion. Il y a toujours beaucoup de nervosité chez les Blues. On l’avait senti contre Bolton, on l’a encore senti contre Liverpool avant le cadeau de Stevie G. Plusieurs fois déjà cette saison, Chelsea a fait son grand méchant loup face à un petit cochon qui avait bâti sa maison en parpaings de béton, à West Ham, par exemple. Manchester United s’accroche avec le cran d’un vrai champion qui sait que, tant qu’il figurera dans le rétroviseur de son challenger, celui-ci a une chance, si c’est le mot, d’être paralysé par la peur.

Bien sûr, Chelsea est plus que jamais le grand favori. Il est fort probable que, dimanche prochain, lorsque je m’assierai pour écrire ce billet, Carlo Ancelotti pensera déjà au premier doublé de l’histoire de son club, dont il a jusque-là gérer les sautes d’humeur et les innombrables problèmes avec tact, intelligence et dignité. Il le mériterait bien, d’ailleurs. Six matchs contre Man U, Arsenal et Liverpool, six victoires. 95 buts marqués! Il serait beau, notre champion...Mais n’allons pas trop vite en besogne. Dégustons cette belle saison sans préjuger de ce qu’on servira au dessert; on se sera régalé, voilà ce qui compte.

Il n’a joué qu’une poignée de secondes contre Sunderland. Mais welcome back, Owen Hargreaves, sur la touche depuis septembre 2008; et quel dommage que ce ne soit pas quelques semaines plus tôt qu’il ait pu revenir. Avec lui, c’est United qui serait passé contre le Bayern, et l’équipe d’Angleterre ne se poserait aucune question sur l’identité de son arrière droit. Mais il est hélas trop tard.

Le titre de ‘manager de l’année’ reviendra, je l’espère, à Roy Hodgson. Mais il y a un autre candidat, dont je vous conseille de retenir le nom: Eddie Howe, le manager des ‘Cherries’ de Bournemouth AFC, qui, à 32 ans, après avoir sauvé son club d’une relégation quasi-certaine l’an passé, a assuré sa promotion en League One, avec la manière. C’était un authentique exploit, tout comme celui de Iain Holloway avec Blackpool, le club de Stanley Matthews et de Stan Mortensen, qui disputera les barrages pour la montée en Premier League avec un budget de misère. Tous deux mériteraient un 11 sur 10; à l’indice de performance, ils sont au football anglais ce que les Alpine étaient au rally de Monte Carlo du temps où il faisait encore rêver.

Rafa, merci pour tout – et au revoir, ou adieu. L’Italie lui tend les bras; la Juve pense tenir son homme, mais Milan pourrait le lui souffler, maintenant qu’il est acquis que Leonardo va faire les frais de la frustration de Silvio Berlusconi. Comment Rafa pourrait-il rester à Anfield? Réponse: si les Reds trouvaient ce fameux ‘acheteur’ dont tout le monde ignore le nom, et si cet ‘acheteur’ pompait des dizaines de millions dans la refonte d’un effectif qui ne croit plus en lui-même (et certainement pas en son entraîneur). Un scénario improbable dans l’immédiat. Or l’immédiat, ça compte, une année de Coupe du Monde, dans laquelle les grands clubs doivent prendre leurs décisions stratégiques avant que la FIFA monte son grand chapiteau – et fasse exploser les prix. L’histoire d’amour (car c’en fut une) entre Benitez et Liverpool a atteint son terme; autant en finir tout de suite. Martin O’Neill est disponible. Hodgson pourrait être tenté. Quoi qu’il en soit, 2010-11 sera une saison compliquée pour les Reds. Ouvrez la fenêtre, quelqu’un, on étouffe!

Mercredi soir, la finale que personne n’attendait: Manchester City-Tottenham, pour une place en C1. Et un scandale. City alignera Fulop dans sa cage, alors que son troisième gardien, Gunnar Nielsen, est en état de jouer. Il se peut par contre que les Spurs doivent aligner Ben Alnwick après la blessure dont a été victime Gomes. Attendez – lorsque Cech et Hilario ont été blessés, est-ce que Chelsea est allé invoquer un point de réglement auprès de la Premier League? Non. Ross Turnbull (0 match en championnat pour les Blues jusque-là) a joué. Lorsque Arsenal a perdu Alumnia, puis Fabianski, alors que Szczesny (exactement comme Hart) avait été prêté à Brentford, c’est Mannone qui était sur la feuille de match à Fulham. Pour cette raison, et quelques autres, j’espère de tout coeur que les Spurs, parfois brillants cette saison, iront botter les fesses de Mancini cette semaine. Je n’en suis hélas pas si sûr.

Chapeau Pompey (et ce n’est pas la première fois)! Pompey qui a offert un match superbe en cadeau d’adieu à ses supporters, en attendant, qui sait, un miracle à Wembley contre Chelsea. Ce serait magnifique. Et là, comment ne pas saluer Avram Grant, dont le discours avant le coup d’envoi de la victoire sur les Wolves était visiblement pétri d’une émotion sincère? Certes, ses joueurs n’ont plus rien à perdre, jouent relâchés, mais encore faut-il savoir les motiver et les organiser, et cela, l’Israélien l’a fait mieux que ses nombreux prédécesseurs. Il s’en ira sans doute dans un mois, mais il n’aura pas à rougir de son travail.

Pas un mot sur Arsenal? Non. Deux raisons à cela – je dois composer cette chronique dimanche soir, avant le déplacement des Gunners à Blackburn, que je ne pourrai suivre en direct. Et la saison d’Arsenal s’est achevée à Birmingham, comme en 2008. Il va falloir recruter. Chamakh – c’est fait. Et je sais également que les scouts de Wenger étaient à Fulham-West Ham dimanche (1ère victoire de Fulham sur les Hammers à domicile en 44 ans, au fait!). Hengeland? Probable. Mais quelque chose en moi préférerait que ce soit Scott Parker qui ait été dans leur collimateur: Ray Parlour, en plus technique. On peut toujours rêver!

Je ne serai hélas pas en mesure d’être avec vous sur le tchat comme d’habitude. Posez néanmoins vos questions: elles nourriront notre débat, et j’essaierai d’y répondre plus tard ce lundi. A tout de suite...