Philippe Auclair - 04/10

De Jong, l'assassin - Arsenal et Chelsea, 'comme d'habitude'...et tout le week-end du foot anglais, comme chaque lundi.
Bravo, Bert van Marwijk. “J’ai un problème avec la façon dont Nigel de Jong cherche à repousser les limites sans la moindre raison”. Et voilà l’assassin de Ben Arfa privé de sélection. Peu de managers ont eu ce courage dans le passé, suffisamment peu pour qu’on salue l’entraîneur des Oranje. Dommage que ce multirécidiviste qu’est le ‘dur’ de Manchester City (les crampons imprimés dans la poitrine de Xabi Alonso en finale du Mondial, vous vous souvenez?) n’ait pas été interdit de stade plus tôt. J’ai déjà parlé par trois fois à l’antenne des conséquences du ‘tacle’ de De Jong sur la carrière de Ben Arfa en Angleterre et au-delà (et le referai ce soir dans les ‘DDD’), aussi préférè-je vous confier mon malaise vis-à-vis de la liberté de manoeuvre dont jouissent à nouveau les assassins de la Premier League. Vendredi dernier, je leur consacrai un gros article dans France Football, sans me douter qu’on les verrait à l’oeuvre de pareille façon ce week-end, avec le détestable Karl Henry en vedette, comme par hasard (rouge direct pour un attentat sur Jordi Gomez – je sablerai le champagne le jour où les Wolves de McCarthy seront relégués!). Hier, après l’agression sur HBA, j’en discutais avec Patrick Barclay, l’une des voix les plus écoutées du football anglais, qui partageait entièrement mes craintes et ma désillusion. Les lois du football ne punissent pas assez les perpétrateurs. Une seule solution: la suspension du criminel doit être au moins égale à la longueur de l’absence du terrain de sa victime. ‘Mais je ne l’ai pas fait exprès!’, les entendez-vous bêler, ces lâches qui cassent par derrière. Peut-être bien. De la même façon que le poivrot qui se met au volant ne voulait pas faucher la petite fille qui traversait la route.
Le match du week-end – du point de vue de l’intensité du spectacle, du suspense et de la générosité des acteurs – aura été...non, pas Chelsea-Arsenal, mais la victoire 2-1 de Tottenham sur Aston Villa. C’est à cause de ce type de rencontre, et pas seulement des chocs entre prétendants au titre, que la Premier League a acquis sa popularité actuelle dans le monde entier, et j’invite quiconque aurait manqué ces 90 minutes de jeter au moins un coup d’oeil sur les ‘highlights’ de Match of the Day. On a eu la confirmation qu’avec Rafael van der Vaart, les Spurs avaient tiré l’un des billets gagnants du mercato. Quand on pense que le Néerlandais a coûté moins cher que Gignac ou Rémy...mais bref. Un doublé de grande classe pour l’heureux époux de Sylvie, qui s’est régalé sur les remises de Crouch, et a désormais marqué quatre fois en trois matchs à White Hart Lane. Gareth Bale a de nouveau été à la hauteur de ce qu’on attend de lui, c’est à dire énormément, et le seul sujet d’inquiétude de Tottenham doit être l’instabilité de leur défense: en 12 rencontres, Redknapp a déjà fait appel à 10 combinaisons d’arrières centraux différentes! Cette fois-ci, c’est Huddlestone qui a été associé à Bassong, et qui ne s’en est pas trop mal tiré.
Le tournant du match aura cependant été la sortie de Emile Heskey (béquille), qui est redevenu le monstre de ses vingt ans depuis que Gérard Houllier est arrivé à Villa Park. En fait, c’est Villa tout entier qui parait transformé, malgré cette défaite. Finis, les grands ballons balancés dans la surface adverse; on joue à terre, sans griller les transitions, mais à un rythme très élevé, comme il sied à une équipe qui possède un nombre impressionnant de joueurs de couloir disposant d’une grande qualité de centre: les deux Young, Downing, Warnock et l’épatant Mark Albrighton, déjà l’une des révélations de la saison. La saison promet beaucoup pour le vainqueur comme pour le vaincu de ce duel magnifique.
Chelsea-Arsenal, rebelote. Ce match, vous l’avez tous vu. Inutile de revenir sur son scénario. Supérieurs dans le jeu (ce que Ray Wilkins admettait après le match), les Gunners ont encore une fois oublié leurs chaussures de buteurs dans le vestiaire de l’Emirates. Les absences de Fabregas, van Persie, Walcott, Gibbs et Vermaelen ne peuvent être une excuse – pour cette raison toute bête que les occasions, Arsenal se les est créées, sous l’impulsion d’un Jack Wilshere dont le volume et la justesse de jeu sont tout simplement extraordinaires. Qui exhortait ses coéquipiers dans le rond central avant le coup de sifflet, qui les fouettait de quelques mots bien sentis ensuite? Pas les ‘anciens’, mais Jack, 18 ans, un patron, un vrai. Au fait, avec lui, Adam Johnson, Josh McEachran, Jack Rodwell et quelques autres, vous ne croyez pas que l’Angleterre aura bientôt une sacrée gueule?
Chelsea a fait du Chelsea, ce qu’on doit respecter, et même admirer. Pas flamboyant, hormis le coup de génie du Drog, certains enchaînements invraisemblables de Malouda dans des trous de souris, la ‘mine’ d’Alex, et une performance en tout point impeaccble de Ramires. Mais Chelsea sait le plus important: gagner. Cech est revenu à son meilleur niveau, et Terry a retrouvé beaucoup de sa sérénité. C’est beaucoup, sans doute assez pour conserver le titre si les caïds tiennent le coup, physiquement parlant. Pour Arsenal, en qui je continue de voir la seule équipe capable de stopper les Blues malgré leur retard actuel, la trêve arrive à point nommé. Tout est –presque – là pour que cette équipe explose. Rien à leur reprocher question combativité, ou créativité; mais, hormis Archavine, pourtant hors de forme, qui était prêt à assumer ses responsabilités devant le but? Personne.
Qui croit encore en Manchester United après un quatrième match nul consécutif en déplacement? Pas moi. Ok, Sunderland, c’est du solide: victoire sur Manchester City, nuls contre Liverpool (...), Arsenal et United. Mais, encore une fois, le manque d’imagination du midfield de sir Alex faisait pitié. Et pourquoi laisser Berbatov et Hernandez sur le banc avant une trêve internationale? C’est aberrant! Owen a reçu une note de 3 sur 10 des supporters des red devils, et la note était généreuse. Peut-être que United avait laissé beaucoup d’énergie lors de sa victoire à Valence (un résultat qui doit interpeller, vu que Valence demeure leader de la Liga). Mais match après match, on reprend la même scie. Pour trois-quatre joueurs au niveau, comme Fletcher, par exemple, combien de passagers qui semblent embarqués sur le mauvais train. Anderson n’est pas, ne sera jamais un joueur de Manchester United. Nani est d’une inconstance à rendre fou, malgré un talent qui crève les yeux. Etc, etc. Quand à la relève, je ne la vois pas venir.
Liverpool relégable. Cela ne s’était pas produit depuis novembre 1964. Catastrophe? Pas loin. Se faire taper par les smicards de Blackpool ne rehaussera pas la cote de Gerrard et cie. J’ai déjà beaucoup parlé du cas Torres – de nouveau blessé... -, aussi veuillè-je vous dire deux mots de Stevie G. Je m’excuse d’avance auprès de ses fans. Mais le fait demeure: il aurait été mieux, pour lui comme pour son club, qu’il parte d’Anfield cet été. Plusieurs collègues liverpudliens m’ont confirmé ce que je redoutais: Gerrard ne peut pas sentir Hodgson, et refuse de respecter ses consignes sur le terrain – alors que le talent no.1 de Roy est de savoir organiser une équipe, de lui faire respecter certains fondamentaux; ce dont Liverpool a besoin, après le foutoir laissé par Benitez à Melwood. Liverpool est une équipe, un club, qui fonctionne à l’émotion, c’est vrai. Mais vu la maigreur de l’effectif à la disposition de Hodgson, il faut aussi savoir être réaliste; Liverpool ne sera pas champion, mais il ne sera pas relégué non plus. En 1964-65, après ce début de saison désastreux, les Reds avaient fini 7ème, si je ne m’abuse, et dans un championnat à 22 équipes. Leur manager s’appellait Bill Shankly. On ne réclamait pas sa peau alors; on le laissa retrouver son chemin, ce qu’il fit superbement. A ceux qui disent que Hodgson n’a pas le gabarit pour manager Liverpool, je rappellerai que le même coach a emmené l’Inter en finale de la Coupe de l’UEFA (quand elle était peut-être encore plus dure à gagner que la C1), et n’était pas passé loin du scudetto. Mais la patience est une vertu qui se cultive difficilement de nos jours.
Je suis en retard, je le sais, aussi irai-je très vite pour signaler à tous ceux qui auraient manqué le Manchester City-Newcastle de dimanche qu’hormis l’assasinat de HBA, on a assisté à l’un des hold-ups du siècle, avec un arbitrage scandaleux. Les Magpies méritaient de repartir de Eastlands avec un point, voire trois. Mancini ne mérite pas Tevez. Ou Milner. Ou Adam Johnson, laissé sur le banc jusqu’à ce qu’il rappelle à son manager pourquoi il devrait être l’un des premiers noms sur la feuille de match. Mais ‘mériter’, qu’est-ce que cela signifie? Rien, tant qu’on gagne. Le football est bien l’un des reflets les plus exacts de la vie.