Philippe Auclair 10/05

- Cheslea champion,le tableau d'honneur de la 1ère league, Coupe du Monde.
- Philippe décripte pour vous le foot anglais!
Chelsea, digne champion
Je reviens tout juste de Stamford Bridge, les semelles incrustées d’éclats de verre – Fulham Road, toujours noire de monde deux heures après le coup de sifflet final, était un tapis de bouteilles brisées et de cannettes de bière écrasées. Aucun problème, pourtant. Partout, de grands sourires et, déjà, des vendeurs de t-shirts estampillés ‘Champions’ essayant de fourguer leur camelote aux passants.
Les images du jour: Didier Drogba furieux que Frank Lampard, sur les ordres d’Ancelotti, soit revenu sur sa parole et ait tiré le premier pénalty des Blues, et boudant tout le reste de la mi-temps. Le même Drogba, son fils dans les bras, s’excusant de son attitude après le match, pendant que Steve Atkins, le directeur de la com’ du club, portait le ballon de son hat-trick, dédicacé par tous les coéquipiers du Drog.
Mais surtout, Carlo Ancelotti arrivant à sa conférence de presse, médaille et écharpe du club autour du cou, et disant ceci en s’asseyant:
- “Des questions faciles aujourd’hui, s’il vous plait. J’ai du vin jusque là”, accompagnant la parole du geste. Et la main est placée à hauteur de la gorge...
A ses côtés, son interprète, coiffé d’un chapeau de fou du roi, plutôt bien allumé lui-même. Un journaliste pose un verre de vin rouge sur la table. Carlo goûte du bout des lèvres, et le repose. “Pas génial, Carlo?”. “De la merde”, répond-il. En anglais. Tout le monde éclate de rire, et applaudit. Car tout le monde, fan des Blues ou pas, est content pour Carlo, le grand architecte du 4ème titre de son club. Et le public a enfin chanté son nom. Il était temps.
Dieu sait qu’il a dû gérer l’ingérable, le Carlo. L’affaire Terry, entre autres. Il l’a fait à sa manière, chaleureux mais sans excès, passionné mais digne, humble toujours, mettant ses joueurs en avant quand il aurait pu tirer la couverture à lui. “Un homme bien”, nous disait Didier Drogba mardi dernier. On veut bien le croire. Christophe Lollichon, l’entraîneur des gardiens de Chelsea, passe saluer les deux Français de service en salle de presse (Jean-Michel Rouet de L’Equipe et moi-même), geste typique d’un type adorable doublé d’un grand professionnel. “On était nerveux”, admet-il. O combien. Mais tout est bien qui finit bien. Le titre. Peut-être le doublé (mais attention à Pompey!). Drogba soulier d’or. Petr Cech gants d’or, après que quelques imbéciles nous l’aient dit ‘fini’ à l’automne. Et vous savez? Je suis content pour eux, pour DD, pour Christophe, pour Ancelotti, pour Cech, pour Malouda, pour le magnifique Branislav Ivanovic. Oublions les allégeances un instant: Chelsea est un superbe champion.
Six matchs contre Man U, Arsenal et Liverpool, six victoires. 103 buts marqués en championnat, ce qu’aucune équipe anglaise n’avait fait avant eux, depuis que le championnat n’est plus disputé que par 20 équipes. Il faut en fait remonter à 1962-63 – et Tottenham – pour trouver une équipe qui marque davantage de buts en une saison que les Blues. Bravo!
Comme beaucoup d’autres, j’ai douté de Chelsea et, comme beaucoup d’autres, j’ai eu tort. Ce club – cette équipe – tire(nt) leurs forces des problèmes qu’il se créent pour eux-mêmes. Combien de temps cela durera-t-il? Difficile à dire. Une génération va s’effacer du devant de la scène. Ballack, Deco, Belletti, Ferreira, Carvalho, Joe Cole...on vous a peut-être vus pour la dernière fois au Bridge. On va apporter du sang neuf. On en a besoin. Un autre Chelsea va se construire. La différence est qu’après avoir couru après un successeur au divin José, on a fini par le trouver. Ancelotti, lui, va rester.
Pour le reste...Arsenal s’est enfin réveillé, mais contre un Fulham qui rêvait de la finale de mercredi. Ce 4-0 relève de l’anecdote. Liverpool est un désastre. 7ème...et encore. Si Everton y avait cru un peu plus ces dernières semaines, le club de la Mersey qui jouera en Ligue Europa en 2010-11 aurait porté un maillot bleu. Les Reds finissent avec 23 points de moins que la saison passée. Benitez a une réunion ‘positive’ avec son président, nous dit-il. Restera-t-il? No comment. Un ami italien me dit que Gerrard sera à l’Inter dans quelques semaines. D’autre disent Manchester City ‘à bloc’ sur Stevie G. Torres? A Manchester City, encore, ils ont déjà prévenu les floqueurs de maillots. Mamma mia...ou madre de dios.
Harry Redknapp a hérité du titre d’entraîneur de l’année. Quelle blague! Et Hodgson, gentlemen? Ancelotti? Tonton Harry et son staff ont fait un travail plus qu’honorable aux Spurs, personne ne le conteste; mais en commençant par signer des chèques. Davantage que Chelsea, Manchester United, Everton ou Arsenal. Félicitations à Tottenham pour leur jeu, et leur première qualification pour la C1 (à tout le moins le tour préliminaire, pour lequel ils devraient être tête de série) depuis la compétition de 1961-62. Lennon, Bale, Modric, Crouchinho, Defoe, Gomes, Dawson et King, vous avez bien mérité des supporters des Spurs. Mais la distinction de Redknapp est aussi un rappel de la protection dont jouit le fossoyeur de Southampton et de Portsmouth auprès de médias britanniques dont l’hypocrisie est insupportable par moments. On verra ce qu’ils écriront lorsque leur héros aura dû s’expliquer devant un tribunal, au mois d’août.
Demain, la liste des 30 Anglais pour le Mondial, qui deviendra une liste des 23 le 31 mai ou le 1er juin, au retour de la sélection de Graz, où les Capello’s boys auront rencontré le Japon. On parle de quelques surprises: Ledley King, le retour de Jamie Carragher (qui, très honnêtement, me semble plus être un coup de com’ de ses conseillers qu’autre chose), voire celui de...Gary Neville et de Owen Hargreaves, qui n’était même pas sur le banc contre Stoke hier. Rooney – les nouvelles sont plutôt rassurantes. ‘Une mesure de précaution’, a dit Sir Alex. C’est ce qu’on espère.
La saison, cela dit, n’est pas complètement finie. Samedi, à Wembley, Portsmouth, cette équipe d’expatriés de Ligue 1 (Belhadj, Piquionne, Utaka, Dindane...et pensez à tous les autres qui sont passés par là!) va tenter d’empêcher Chelsea de devenir la 7ème équipe anglaise à faire le doublé, après Preston, Villa, Spurs, Arsenal, Liverpool et Manchester United. L’occasion sera belle, et ce sera alors que je ferai un bilan plus complet de cette belle saison. En attendant, honneur à Chelsea, qui n’a ni volé, ni acheté son titre.