Philippe Auclair, 10 mars 2010

Tottenham se prend a rever tout haut - et retour sur certains commentaires...
L’Europe, ça s’apprend. Demandez plutôt à Manchester United...ou à Arsenal, pour ce qui est des clubs anglais. Et Tottenham est en passe de la faire à la vitesse grand ‘V’. Souvenez-vous: il s’agit bien de la même équipe qui avait failli se prendre les pieds dans le tapis contre les Young Boys de Berne au tour préliminaire. Et qui vient de sortir le vainqueur de 2007, le favori pour le scudetto, le (justement) légendaire Milan.
OK – ce n’est plus celui de Sacchi, qui était incomparable. Mais tout de même: 180 minutes sans encaisser de but contre une ligne d’attaque qui, sur le papier, a de quoi faire frémir, c’est une sorte d’exploit.
Les Spurs étaient pourtant crispés hier soir. Assis suffisamment près de la pelouse pour en renifler le parfum, j’ai vite senti qu’il y avait comme un blocage. Les passes fusaient moins bien, les ballons n’arrivaient pas dans le sens de la course. Même Modric, cette perle, semblait déboussolé par l’enjeu. Car, pour la première fois de cette aventure en C1, les Spurs partaient favoris, et ce n’est pas un rôle qui leur convient. Sauf que la défense a répondu – cette défense qui avait pris six buts en deux matches contre Blackpool et les Wolves! Gallas et Dawson, énormes. Sandro...une révélation. Et c’est là où je me sens optimiste pour ce Tottenham. Il grandit sous nos yeux. La verve offensive sur laquelle ils avaient bâti leur qualification, nous ne l’avons vue que par bribes. Elle reviendra, quand van der Vaart et Bale seront 100% aptes au service, ce qu’ils n’étaient pas mercredi. Le capital-confiance acquis lors de ce 0-0 ‘à l’italienne’ (Gallas dixit) les libèrera.
Il est impossible de ne pas se poser des questions sur la santé du football italien. Il vieillit, et pas en bien. Milan a retrouvé des couleurs à White Hart Lane, et contrôlé la majeure partie des échanges. Certes. Mais les rossoneri n’ont pas su, ou pas pu, exploiter la nervosité si palpable de leurs adversaires. Le Milan d’Ancelotti l’aurait fait. Celui d’Allegri a essayé, mais sans jamais convaincre complètement. Comme Didier l’a si justement relevé pendant le match, ils voulaient aller trop vite dans les trente mètres, cherchant les fantômes de Zlatan et de Robinho, encore une fois si décevants dans une grande soirée européenne. Autour de moi, des confrères italiens trépignaient, insultaient, frappaient du poing, au mépris des règles les plus élémentaires du sang-froid journalistique. Dieu sait à quoi ressemblent leurs papiers de ce matin. Et je me suis demandé s’ils ne mettaient pas en scène la névrose actuelle du calcio, qui, hélas, vit aujourd’hui en vase clos. Cela m’inquiète, car le football a besoin de clubs italiens qui tiennent leur rang. Ils ne le font plus. Tottenham, par contre, a gagné le droit de rêver.
Je n’ai publié aucune réponse aux nombreux commentaires qui ont été postés en réaction à mon blog d’hier. La raison en est que je suis profondément déprimé par le ton et le contenu de beaucoup d’entre eux. Des chroniques de ce type ne prétendent en rien révéler une vérité cachée au commun des mortels. Elles expriment une opinion. Elles communiquent un ressenti, mais aussi une analyse. Elles espèrent faire naître un débat dont vous faites partie (de ce point de vue, c’est réussi). L’hypocrisie, merci bien, le tiédisme également.
Nous qui aimons le football, nous pensons aussi avec le coeur. Je ne retire pas une virgule de ce que j’ai écrit, non pas parce que je serais celui-qui-sait-tout (plus ça va, plus mes certitudes vacillent), mais parce que je n’écris que ce que je crois. Je n’ai jamais fait de secret de mon attachement plus que trentenaire à ‘mon’ club. Il ne m’empêche pas de voir ses errements, de reconnaître ses carences ou, comme c’était le cas à Barcelone, son infériorité. Un journaliste de football qui se refuserait à admettre ses affinités (nous en avons tous, même si certains les cachent) trahirait son métier. Le football que j’ai toujours aimé est le football de club. Anglais.
C’est mon univers, ce l’a toujours été, et je l’assume complètement. Ce qui ne m’empêche pas d’avoir admiré le Dynamo Kiev de Lobanovski, le Bayern pourtant si antipathique des années 1970, le United des années Cantona, que sais-je? Ajax, bien sûr. Mais cela ressemble à une justification.
Amoureux du Barça, vous avez beaucoup de chance. Vous avez un stade et une équipe magnifiques. Votre public le fut aussi mardi soir. Votre club est à bien des égards un modèle. Pas à tous cependant. Soyez humbles. Acceptez qu’on ose vous regarder comme on regarde d’autres.
Ai-je jamais dit que Barcelone ne ‘méritait’ pas sa qualification? Seul un âne le prétendrait. Ce n’était pas le thème de ce billet, mais c’est ainsi que beaucoup l’ont perçu. Relisez-le avec soin. Ce qui me dérange n’est pas Barcelone en soi, mais le regard qu’on porte sur cette équipe, et ce club. Un confrère me confiait encore aujourd’hui que la victoire du Barça sur Chelsea en 2009 avait été saluée dans sa rédaction par cette réflexion: ‘c’est bon pour le football’. J’avais quant à moi quitté Stamford Bridge écoeuré. Si c’est ça le football...basta. La seule vérité du football est ce qu’on voit sur le terrain. Et quand cette vérité est bafouée, on a le droit de réagir, dût-on froisser quelques sensibilités.
Quand tout le monde est d’accord, c’est que tout le monde a tort. Pour Arsenal, pour le Barca, et pour qui que ce soit d'autre.