Philippe Auclair, 11 avril

Chelsea: un diagnostic, mais pas de remède en vue...
Chelsea-Wigan, ce n’est pas, et ce ne sera sans doute jamais ce qu’on appelle ‘une affiche’. Wigan est une ville de rugby (à XIII) dont le club de football s’est retrouvé en Premier League grâce à un généreux propriétaire, Dave Whelan, et à un manager dont je persiste à dire qu’il sera sans doute l’un des meilleurs de sa génération, Roberto Martinez, le plus britannique des Espagnols, et vice-versa. Mais à en juger par le nombre de supporters qui étaient venus de Wigan à Stamford Bridge, qu’on aurait pu tasser dans un camping-car Volkswagen, ce n’est pas demain que les Latics rempliront Wembley.
Mais au delà de la ‘hype’, ce n’est pas parce qu’un match est ‘plié d’avance’ qu’il est sans enseignements. Or, comme Chelsea a l’un des plus importants rendez-vous de l’ère Abramovitch mardi soir, celui-ci valait la peine d’être vu, et analysé. United a fait son job contre Fulham, sans briller, comme d’habitude, et en se faisant peur par moments, mais en démontrant une fois de plus combien Ferguson et son staff savaient prévoir et gérer une saison match par match en pensant déjà au suivant. Nous avons déjà tellement parlé de Man U que vous me pardonnerez, je l’espère, de m’arrêter sur Chelsea aujourd’hui. Car ce qu’on vit au Bridge fut consternant.
Ce que vous en aurez vécu ne seront sans doute que quelques extraits, cette rencontre n’étant pas diffusée en France, à ce qu’on m’en a dit. J’étais quant à moi installé sur la ligne médiane, à une dizaine de mètres au dessus du banc de Carlo Ancelotti. Superbe soleil de printemps promettant un bel été, pelouse impeccable, un bonheur. Dommage que le spectacle n’ait pas été à la hauteur de la météo. Léthargiques, paresseux, sans imagination, ces Blues. Leur unique but est d’ailleurs entaché d’une faute grossière de Torres sur Ali al-Habsi, l’excellent gardien de Wigan. Voir ce Chelsea, c’est procéder à une consultation médicale. Mais on relève tellement de symptômes qu’on a du mal à faire un diagnostic. Malouda fut à la limite du scandaleux (oubliez ce but, un ‘bonus ball’ gagné lorsque les copains secouent le flipper, qu’il n’a célébré qu’avec Essien sur le banc des Blues). Aucune envie, aucun impact. Scandaleux, Anelka l’est depuis longtemps, malgré son rang de ‘number one’ au classement des buteurs de la Ligue des Champions. Lampard parait fini, à tout le moins dans le rôle de superman qu’il assumait depuis si longtemps à Chelsea. Du back-four au front three, trop de premiers rôles jouent les figurants, John Terry, Ashley Cole et Didier Drogba exceptés. Lui au moins – DD - s’est battu. Ancelotti faisait d’ailleurs grise mine après sa victoire. Il est clair qu’il y a quelque chose de pourri au royaume de Roman. On sait qu’il se prépare un grand coup de balai (il a commencé, d’ailleurs); mais on ignore quelle forme il prendra exactement. Les fans des Blues seront éberlués d’apprendre – info RMC – que Josh McEachran, le Wilshere des Blues, pourrait quitter le club, aucun nouveau contrat ne lui ayant été proposé. Pendant ce temps, Sturridge claque un doublé magnifique pour Bolton, et Borini – que j’ai toujours adoré, rappellez-vous mes billets d’il y a une et deux saisons – flambe avec Swansea (trois buts en trois matches). On marche sur la tête. Les départs annoncés sont tellement nombreux - Ferreira, Mikel, Essien, Anelka, Malouda, Drogba, Bosingwa – qu’il est impensable que tous, aussi plausibles qu’ils soient, deviennent réalité. Le vécu collectif de cette équipe est tel qu’ils parviennent encore à gagner. Mais pour combien de temps? Y a-t-il, hormis Abramovitch, qui que ce soit qui ait encore une idée précise du projet Chelsea? On doit en douter. Ray Wilkins n’était pas un rouage essentiel des Blues, non. Mais son limogeage – et la façon dont il a été géré - ont précipité une crise en attente. Il révélait une fracture au sein du club, que personne n’a soigné. Nous voilà en présence d’un groupe de boudeurs qui a mal vieilli, et au sein duquel on a parfois l’impression qu’Ancelotti joue le rôle d’un psychothérapeute grassement payé, consciencieux, mais impuissant. Peut-être trouverez-vous que j’exagère; mais je vous jure que Chelsea était encore pire que ce que vous décris. L’entrée de Benayoun a fait du bien, la sortie d’Anelka aussi. Un exploit à Manchester n’est pas impossible; il y a encore beaucoup de grands joueurs à Chelsea, et un manager dont le passé européen impose le respect. Mais s’il gagne à Old Trafford, ce sera le plus grand exploit de sa carrière.
Torres? Il a joué, et plutôt bien. Ses coéquipiers – Benayoun en particulier – ont tout fait pour lui ouvrir le chemin du but, sans succès. Ancelotti a dit: ‘peut-être qu’il marquera le but le plus important de notre saison mardi’. La phrase m’a fait sursauter. Relisez-la, et tirez-en les conclusions qui s’imposent. Non, ce n’est pas qu’une place en demi-finale qui se jouera.
Tiens – je ne peux pas résister – si on parlait de West Brom?
Pas sexy, nos Baggies, malgré le surnom qui fait penser au Madness des grandes années. Ce club historique n’a pas les moyens de jouer autre chose que la survie, qui paraissait improbable lorsque Roberto Di Matteo, qui méritait mieux, passa la main à Roy Hodgson en février. Depuis, West Brom est invaincu, et en jouant un football plutôt bien léché, qui ne peut pas ne pas faire penser à celui de Fulham du temps d’Uncle Roy. Je persiste à croire que l’échec de Hodgson à Liverpool fut une question de ‘wrong place, wrong time’ (et de savonnage de planche) plus que d’une incapacité de ce manager trop humble à diriger un ‘grand’ club. Quand Roy décidera qu’il en a eu assez (le plus tard possible, en ce qui me concerne), on se rendra peut-être compte qu’un entraîneur ne se juge pas, ou pas seulement, au nombre de ‘grands trophées’ qu’il a remportés, mais de la façon dont il est parvenu – presque toujours – à faire d’un groupe de joueurs une entité supérieure à la somme de ses éléments. Hodgson y est parvenu avec tant d’équipes, dans tant de pays, que cela ne peut être mis en doute. Son plus grand défaut est peut-être de croire que les joueurs dont il a la charge prennent leur métier aussi au sérieux qu’il le fait lui-même: un Jean Fernandez à l’anglaise, si vous voulez. Voilà deux hommes avec lesquels on se sent en bonne compagnie.
Arsenal a enfin gagné. C’était la première fois depuis le 23 février. Blackpool, comme je le craignais depuis longtemps, n’arrive plus à passer le mur du son. Le prochain match, contre Wigan, sera énorme pour Ollie et son commando fleur au fusil. Quiconque aime le football croise les doigts pour cette équipe qui persiste à croire qu’elle peut gagner en marquant des buts, pas en empêchant que son adversaire fasse de même. Que donnerait-on pour que Holloway ait la charge d’un ‘grand’ club? Moi, je donnerais beaucoup. Et Arsenal a douté. Aucun des problèmes soulevés ici, et pas seulement ici, d’ailleurs, n’a été résolu. La défense est toujours aussi fébrile, et ce n’est pas la présence de ‘mad Jens’, 41 ans, dans la cage qui y changera quoi que ce soit. L’attaque vendange occasion après occasion. Oui, les Gunners sont parvenus à la fin d’un cycle, mais encore convient-il de définir ce qu’il est. Ce cyle peut être un scénario – le ‘wengerball’ -, ou une distribution, auquel cas Arsenal devra mettre la main au portefeuille, parce que les figurants font la queue à l’Emirates.
Pour ce qui est du metteur en Arscène (argh), les questions demeurent. Il y a quelque chose de paranoïaque dans son attitude vis-à-vis des médias en ce moment. Wenger se croit attaqué de toute part, et travaille en déni du feeling de 95% des supporters du club, qui n’en peuvent plus. Vu les problèmes de ses rivaux directs, Arsenal aurait dû avoir le championnat en poche à ce stade de la compétition. Mais les Gunners ont été incapables de profiter des faux-pas d’untel ou d’un autre – chaque fois qu’ils en ont eu l’occasion. C’est plus qu’un signe, c’est une preuve: Arsenal n’est pas digne d’être champion, au regard ce que Man U, cet hôpital, a accompli sur une jambe.
Ce billet est déjà très long, et je ne vous ai même pas parlé de mon choix comme ‘footballeur de l’année’: Scott Parker. Auriez-vous voté pour un autre? Et pourquoi? A vous de jouer, en attendant les DDD ce soir.