Philippe Auclair - 19 decembre 2011

Joli week-end en Angleterre...froid dans les stades, pas dans les coeurs.
Remis de vos émotions?
Moi pas encore, pas tout à fait. Voilà longtemps que la Premier League ne nous avait pas offert un spectacle comme celui-là. Un vrai grand match, entre deux équipes qui méritent toutes deux notre reconnaissance pour leur courage, leur prise de risques constante, leur générosité. Il y eut un vainqueur, City, qui n’a pas volé les trois points. Il fallait donc un vaincu, Arsenal, qui en méritait bien un. Ce que nous devons retenir, au delà de la pure arithmétique, est que ces deux équipes sont sorties grandies d’une rencontre épique, à l’anglaise, mais d’une technicité que, de l’extérieur, on ne fait pas souvent crédit aux clubs de Premier League.
Nous avons déjà parlé de ce match avec le Capitaine hier, nous en reparlerons ce soir dans le grand after. Plutôt que de me répéter, quelques observations, en vrac.
Au niveau individuel, quelques joueurs ont été tout simplement exceptionnels. Côté city, Kompany a été Kompany. Le Belge est aujourd’hui l’un des tout meilleurs défenseurs centraux en Europe, et un capitaine parfait pour les soi-disant ‘mercenaires’ de City. Un modèle, et un monsieur. Kolo Touré a livré son meilleur match depuis le temps des ‘Invincibles’. Barry a tenu le milieu de terrain, superbement. Agüero et Balotelli ont, pendant une heure, été pleins d’imagination et de verve, alors que Silva, même buteur, a connu des matches plus pleins. Joe Hart...vous savez que je suis un champion du Joe depuis la première heure, même s’il pêche encore beaucoup dans la distribution. Côté Gunners, Szczesny a confirmé qu’il était – avec Hart – le meilleur gardien de la Premier League, devant Cech (dont le déclin se confirme, hélas), devant Reina, devant l’incroyable Friedel. On ne peut en vouloir à Laurent Koscielny d’avoir été l’une des victimes de la réorganisation forcée du back-four d’Arsenal après la blessure de Djourou. Avant cela, il avait été énorme. Quiconque douterait qu’il soit le numéro 1 français à ce poste n’a qu’à regarder sa première mi-temps à nouveau. Chapeau. Mertesacker, au passage, a fait son meilleur match pour les Gunners. Song a perdu quelques ballons, ok, mais demeure non seulement le point d’ancrage d’Arsenal, mais aussi l’un de ses joueurs les plus créatifs. Et j’en viens à l’homme du match – derrière Kompany -, Mikel Arteta.
Savez-vous que dans ce match de fous, joué à mille à l’heure, Arteta est parvenu à trouver un partenaire avec 92% de ses passes? Et cela, alors que les deux équipes pratiquaient un pressing inouï sur le porteur du ballon, et que, des autres milieux de terrains, seul Yaya Touré a dépassé les 80% en termes de rétention du ballon? Les chiffres ne faisaient que confirmer l’impression de l’oeil et de la tête. L’ancien du PSG ne cesse de s’améliorer. Il ne sera jamais Cesc, non. Pourquoi le serait-il? Son rôle est autre. Ce que j’adore en Arteta, et c’était déjà le cas quand il était à Everton, je vous rassure, c’est sa sobriété, et l’application si intelligente d’un formidable bagage technique à la résolution de problèmes qui paraissent tout bêtes, mais sont déterminants pour le bon fonctionnement de la salle des machines d’une équipe. Il a le sens du tempo. Il joue les pourcentages, mais sans cesser d’oser pour autant. Il tacle. Il y croit, toujours. Bref, Arteta est plus qu’un joueur de foot, il est un footballeur, un vrai.
Cela fait beaucoup de compliments, et à beaucoup de monde; mais pourquoi bouderions-nous notre plaisir, quand un spectacle pareil nous est offert? Pour City, après une semaine compliquée, la réaction était indispensable, et elle est venue. Je les donnais champions au mois d’août, je ne vais changer d’avis maintenant. Pour Arsenal, c’est un coup dur, dont il va falloir se relever, et vite. Mais ce match a montré sans équivoque que le groupe bâti à la hâte par Wenger au terme d’un été pourri avait les ressources pour le faire. Ils finiront dans le Top 4, j’en suis convaincu. Mais avec qui?
(Parenthèse: je n’ai pas dit un mot de Samir Nasri, et je m’y tiendrai là. Bonne première période, inexistant après. Une fois de plus, il n’a pas fait la différence dans ce qui était vraiment un grand match. Revenons aux choses sérieuses).
Manchester United, évidemment. J’étais à Loftus Road, ce qui est toujours un plaisir, un vrai stade à l’anglaise, avec quatre murs de supporters en très grande forme. Au passage: le public de OT est peut-être sous Tranxène, mais les ‘away supporters’ de United sont géniaux. Ca n’a pas cessé de chanter, et des chants souvent très, très drôles (ah, mon pauvre Giggs, qu’est-ce que tu as entendu!). Tous sont restés debout 90 minutes, à l’ancienne. Leur équipe, une fois de plus, a fait le boulot. United, c’est 19 points sur 21 depuis la raclée dans le derby mancunien. United, ou comment gérer la ‘crise’...Le retour de Chicharito va faire le plus grand bien. Celui de Cleverley aussi. Phil Jones grandit dans son rôle de midfielder, Valencia a retrouvé la tête de Rooney (comme au bon vieux temps), bref, il y a du mieux, tout doucement. Si ce n’est du côté de Patrice Evra, qui s’est fait assassiner par McKie et Wright-Phillips, au point que c’en était gênant. La tête dans le sac, l’ex-capitaine des Bleus. Je n’ai aucun plaisir à dire ceci, en passant. Mais j’ai rarement vu un joueur de ce niveau décliner aussi subitement qu’Evra depuis le début de cette saison. C’est un vrai problème pour Ferguson, dont la solution n’a rien d’évident. Fabio et Rafael demeurent bien jeunes, et bien fragiles.
Notre quatrième larron doit être Tottenham. Les Spurs ne jouent peut-être pas aussi bien qu’ils le faisaient en début de saison, mais s’accrochent avec une résolution qui n’était pas vraiment dans leur ADN ces dernières années. Et si même Pavliyoutchenko se met à marquer...N’ayant vu qu’un résumé du match, je m’abstiendrai de commentaires qui seraient spécieux. Mais quand on voit les chiffres, et la série de résultats des Spurs, on doit dresser l’oreille. Le gros point d’interrogation demeure le procès pour fraude fiscale de Redknapp (coup d’envoi, quatrième semaine de janvier), dont la conclusion pourrait avoir de grosses conséquences sur le reste de la saison.
Ce qui nous laisse Chelsea et Liverpool, que je ne vois pas dans ce Top 4 final aujourd’hui, ce qui ne signfie pas que je ne puisse pas me planter, et royalement, encore! Ce ne serait pas la première fois.
Liverpool a été impressionnant à Aston Villa. Les Reds ont tué le match en deux coups de cuiller à pot. Luis Enrique a confirmé si besoin était qu’il avait été l’une des toutes meilleures opérations du marché des transferts. L’absence de Gerrard ( les rumeurs d’un retour à Noël me paraissent bien prématurées) ne se fait pas sentir. Défensivement, ‘Pool fait mieux que tenir le coup. Pourquoi les laisser hors du quatuor, alors? Une affaire de feeling, rien d’autre, et la conviction que Liverpool, qui marque si peu, a encore plus besoin de Luis Suarez qu’Arsenal de Robin van Persie, c’est dire. Villa est une équipe à tout le mieux médiocre, et les gros tests restent à venir pour le groupe de Dalglish. Il est toujours dans le coup, c’est le principal.
Chelsea...ah, Chelsea. Qui d’entre vous miserait sur eux pour le derby à White Hart Lane cette semaine? Pas vous? Moi non plus. Le 1-1 à Wigan était un cauchemar, si l’on excepte le but absolument brillant de Sturrdige, dont on reparlera avec Daniel, faites-moi confiance. Je me suis posé la question à la fin: si vous deviez choisir un entraîneur pour votre club entre Roberto Martinez et André Villas-Boas, lequel aurait votre préférence?
Quant à moi, je choisirai Martinez. Je ne serais pas le seul à le faire. Samedi, un footballeur de Premier League qui écrit (anonymement, évidemment) sous le pseudo the The Secret Footballer dans le Guardian a dit tout le bien qu’il ne pensait pas du jeune arrivé du FC Porto. Rien dans le language corporel, le langage tout court ou les choix tactiques (?) de AVB ne me convainc. Rien du tout. La fameuse révolution a été mise en arrêt sur image. On a rétro-pédalé pour revenir, pour la énième fois, aux vieilles ‘valeurs’ mourhiniennes, qui ont fait leurs preuves, c’est vrai. Fini, la ligne haute, le pressing, les transitions accélérées. Drogba devant, on balance, etc. Je simplifie. J’exagère. Je le sais. Mais quel aveu d’impuissance que de mettre à la poubelle tout un nouveau plan de jeu après quelques mois seulement. Samedi, à Wigan, le remplacement de Romeu à la mi-temps n’avait pas le moindre sens. Je ne peux pas m’empêcer de penser que AVB, si doué qu’il soit, s’est retrouvé affublé d’un costume beaucoup trop gros pour lui à ce stade de sa carrière. Pour quiconque? Et, pendant ce temps, Abramovitch continue son bras-de-fer avec Berezovsky à la Commercial Court de Londres; autant dire que ‘Roman’ a des préoccupations plus urgentes que son club chéri en ce moment. Cela n’augure pas trop bien pour les Blues. Qu’ils gagnent à White Hart Lane cette semaine, et la machine sera remise en mouvement. Mais j’ai du mal à y croire.
Ce billet est déjà bien long, mais je dois ajouter un mot sur Newcastle. Il y a plusieurs semaines de cela, nous en parlions à l’antenne, Daniel et moi, d’accord sur un point: le début de l’hiver servirait de révélateur. Ca a été le cas, et ce n’est pas grandiose pour les Magpies. Cinq derniers matches: trois défaites, deux nuls. La raison principale en est les blessures qui ont affecté le back four que Pardew n’avait pas changé depuis le début de la saison, et en particulier celle de Steven Taylor, qui est catastrophique pour le club. Demba Ba ne peut pas tout faire à lui tout seul, même s’il fait de son mieux. L’équipe semble fatiguée, et sans grande inspiration. Ben Arfa, qui avait pointé le bout de son nez, a regagné le banc. Apparemment, Pardew n’apprécierait pas trop son attitude assez relax, dirons-nous, lors des entraînements. On peut craindre que le reste de la saison soit longuet pour Newcastle.
Là-dessus, les ami(e), j’ai passé la barre des 1600 signes, et j’ai encore une tonne de boulot à abattre avant l’émission de ce soir. N’oubliez pas que vous pouvez me retrouver sur Twitter à @PhilippeAuclair, où j’essaie de répondre à vos questions du mieux que je le puis, quand je le puis, évidemment. Et il y a toujours ce blog, qui est votre espace autant que le mien. A 22.40 ce soir dans les DdD!