RMC Sport

Philippe Auclair 24/05

  • Le miracle de Blackpool
  • Le cas Fabregas, et pourquoi j’ai une dent contre Barcelone
  • Les paris de Capello
  • Voici mon programme du jour!

Trois chapitres au menu de ce billet aujourd’hui. Autant commencer par le plus réjouissant, qui est la miraculeuse ascension de Blackpool au faîte du football anglais.

Le système des ‘play-offs’, qui permet aux équipes classées de la 3ème à la 6ème place du Championship de se battre pour le dernier sésame d’entrée en Premier League, est souvent décrié. Comment présenter comme ‘justes’ des barrages qui permettent à Blackpool, par exemple, de tirer le tapis sous les pieds de clubs comme Nottingham Forest et Cardiff, qui avaient respectivement fini ce marathon qu’est le championnat de D2 anglaise (46 matchs!) avec 9 et 6 points d’avance sur les ‘Seasiders’?

Mais samedi à Wembley, on n’aurait pas trouvé une seule personne qui se fût plainte de cette autre excentricité britannique. Le spectacle avait été magnifique, depuis la symphonie orange et bleue offerte par 87000 supporters au comportement exemplaire jusqu’au scénario d’un match imprévisible, transcendé par le courage de Blackpool, cette équipe qui a coûté 1m€ à assembler, et qui, par moments, se prenait pour Barcelone. J’exagère un peu, bien sûr, mais pas tant que ça. Le coup franc de Charlie Adam...quelle merveille. Et ces grands mouvements offensifs, auxquels les défenseurs centraux n’hésitaient pas à se mêler...quel culot!

Il est probable que le 4-3-3 téméraire de Blackpool fera couler quelques sueurs froides sur les dos de ses supporters l’an prochain; mais ils ne s’ennuieront pas, c’est garanti. De toute façon, comment s’ennuiraient-ils avec un manager comme Ian Holloway? ‘Ollie’ est une légende. ‘Il est complètement maboul, mais c’est un génie’, dit ensuite son attaquant Brett Ormerod. Sa causerie d’avant-match: un chant d’amour à ses joueurs, qui en avaient amenés quelques-uns étaient au bord des larmes.

Autrefois, quand il entraînait QPR et Plymouth, Holloway ne faisait pas dans la dentelle. Ca balançait, ça taclait, ça suait à grosses gouttes. Et puis, en 2008, viré par Leicester, ‘Ollie’ se retrouve consultant TV et, pendant un an, regarde le football d’un autre oeil. Cet oeil est séduit, en particulier, par ce que Roberto Martinez fait avec Swansea, puis avec Wigan. Et il se dit: ‘je suis un con. Le foot, c’est le plaisir, c’est un art.’ Et quand il reprend Blackpool, promis à la relégation en D3, il se sent l’âme d’un prophète. Par chance, le prophète trouve des disciples, et les ‘Tangerines’ deviennent d’improbables apôtres du beau jeu dans un Championship où il est parfois invisible.

Holloway, c’est aussi le plus beau façonneur d’aphorismes du foot anglais. Il en a tant improvisé que deux recueils ont déjà été publiés. Je n’en citerai qu’un seul, sorti à chaud lors d’une conférence de presse après une victoire sur Chesterfield. “Pour parler comme un gentleman, si tu sors un soir pour lever une jeune demoiselle, et que tu en ramasses une, il y a des semaines où elles sont mignonnes et d’autres où elles pourraient l’être davantage. Notre performance d’aujourd’hui n’était peut-être pas une fille canon, mais nous l’avons au moins faite monter dans le taxi. Elle n’était pas la plus mignonne que nous ayions ramenée à la maison, mais elle était très plaisante et très gentille, alors merci bien, on prend un café?’ Nous, on ne s’ennuiera pas avec ‘Ollie’, au demeurant époux et père modèle de quatre enfants (dont trois sont sourds de naissance), éleveur de poulets, dynamiteur de la langue de bois – et, ne l’oublions pas, manager de grand talent.

Chapitre 2 – Fabregas.

Plus ça va, plus je me dis que l’opération menée par Joan Laporta n’est rien d’autre qu’un sabotage machiavélique de la candidature de son ennemi juré Sandro Rosell, qui devrait néanmoins remplacer l’ultra-nationaliste Laporta à la tête du Barça le 13 juin prochain. Fabregas n’est pas qu’une cible, mais aussi une arme dans un combat des chefs qui n’a rien d’édifiant. Que Cesc veuille rejoindre ses anciens copains de la Mesia au Camp Nou, personne n’en doute. Et s’il le fait, vous ne trouverez pas un seul supporter d’Arsenal pour jeter la pierre au joueur magnifique qui a donné sept années de dévouement absolu à la cause des Gunners. Mais là n’est pas le problème. Le problème est que, très honnêtement, je commence à en avoir ras-la-casquette de la suffisance du FC Barcelone, de cette conviction qu’ils sont plus beaux, plus forts, plus admirables que quelque autre club au monde. ‘Plus qu’un club’? Tout vrai supporter sait que son club est plus qu’un club. Il porte cette conviction dans le sang – c’est c’est pour cela qu’il est un supporter. De Genoa, de Boca Juniors, du RC Lens, du Celtic, du Hertha Berlin, deBlackpool, tiens!

Pas de sponsor sur le maillot? Evidemment, c’est plus facile quand l’accord avec l’équipementier, à la griffe bien visible, elle, compense plus que largement un manque à gagner qui n’existe qu’en théorie. Je préfère ce que fait Aston Villa, qui fait de la pub gratuite pour un groupe d’hôpitaux pshychiatriques (‘Acorns’) de sa région, et qui ne le clame pas sur les toits. Pour moi, Barcelone est au football ce que Bono est au rock. On peut admirer le jeu de Barcelone, aimer la personnalité et l’intelligence de Guardiola, saluer ces titres acquis de si belle manière depuis qu’il est là (c’est mon cas), et avoir de gros doutes sur la soi-disant ‘philosophie’ de ce club. Et il y a une autre chose que je n’aime pas à Barcelone. On nous rabat les oreilles du fair-play économique, en vouant les clubs anglais aux gémonies. Blatter va même jusqu’à parler des clubs espagnols comme de ‘modèles’. Bref rappel des faits: Barcelone a un endettement structurel de 489m€, qui s’alourdit d’année en année. Ils viennent de dépenser 40m€ qu’ils n’ont pas pour prendre David Villa. Fabregas leur en coûterait 60m€ minimum. Qu’ils n’ont pas. Quand on condamne – avec raison - ces clubs qui ‘vivent au dessus de leurs moyens’, n’oublions pas celui qui le fait plus que tous les autres, quand on compare son débours sur le marché des transferts a ses vraies ressources depuis plusieurs saisons. Rosell le sait. Laporta aussi d’ailleurs. Mais pour Laporta, c’est ‘après moi le déluge’. Rosell, lui a mis en garde les socios. Il n’y a pas d’argent. Du coup, sauf coup de théâtre, le ‘transfert’ de Fabregas risque de trainer en longueur – et, au bout du compte, de capoter.

Chapitre 3 – les paris de Capello

Inflexible, le Fabio? Non pas. Je suis à Wembley ce soir, pour y voir le Mexique, futur adversaire des Bleus, mais aussi une Angleterre new-look, avec, semble-t-il, un 4-4-1-1 dans lequel Wayne Rooney (béni soit son nom) occupera un poste similaire à celui qu’on lui a confié à Man U, avec Gerrard en soutien. Mauvaise nouvelle pour Heskey (et Crouchinho), mais pas nécessairement pour l’Angleterre. Ce système, dit-on ici, pourrait d’ailleurs faire l’objet d’une expérimentation encore plus radicale: l’adoption (peut-être contre le Japon, en fin de semaine) d’un 3-5-2 dans lequel Glen Johnson et Ashley Cole seront utilisés comme de vrais ‘wing-backs’. Il y en a qui pensent que ce système est archaïque; pas moi. Il a beaucoup évolué depuis les années 1990. J’ai vu le Brésil de Dunga l’adopter d’une manière inédite contre l’Irlande et l’Angleterre, avec un milieu défensif (Gilberto) se repositionnant dans l’axe de la défense quand Maicon et cie font leurs raids sur les flancs. Comme disait Madame Bertin, ‘il n’y a de nouveau que ce qui est oublié’. Ce qui me fait penser que je vous ai déjà sorti cette citation. Mais il est vrai ‘qu’il n’y a de nou...’ Bon, on arrête là. A tout de suite sur le tchat!

Philippe Auclair – Drôles de Dames