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Philippe Auclair, 27 mars 2011

L’Angleterre et le Brésil en balade...

On s’attendait à une réception du genre ‘chaud’ pour l’équipe d’Angleterre à Cardiff, à un match qui, s’il tournait au désavantage de Capello, pourrait remettre en question son avenir à la tête de la sélection, et, ce qui est bien plus grave, les chances de qualification de celle-ci pour l’Euro de 2012. Au lieu de quoi les Anglais se sont promenés sur la pelouse du Millennium Stadium, et ont repris la tête de leur groupe, à la différence de buts il est vrai. Leur entame de jeu parfaite (deux buts en quinze minutes) a tué le match avant que les Gallois aient eu le temps de secouer le trac qui les habitait si visiblement. L’Angleterre de Capello a loupé son Mondial, c’est indéniable. Mais quand il s’agit de gérer les qualifications, elle a peu d’égales en Europe: elle a gagné, me souffle-t-on, douze de ses quatorze matchs d’éliminatoires depuis l’arrivée de l’Italien, n’étant battue que lorsque sa place à la Coupe du Monde sud-africaine était assurée, la seule vraie déception survenant lorsque le Montenegro avait mérité son 0-0 à Wembley l’automne dernier. Oui, Capello a géré la question du capitanat de la sélection de façon catastrophique; mais si les joueurs rassemblés autour de John Terry (que je n’ai jamais vu en meilleure forme, en club comme en équipe nationale) avaient été affectés par la tempête médiatique des jours précédents, ils l’ont merveilleusement bien caché.

Certes, ce n’était que le Pays de Galles, et encore, le Pays de Galles sans Gareth Bale (qui sera de retour contre le Real Madrid, je rassure les fans des Spurs!), et avec un Ramsey à court de condition. Encore fallait-il les battre, ce que les Anglais ont fait de façon beaucoup plus convaincante que ce que Ribéry et sa bande ont montré au Luxembourg. Le secret? Capello a enfin pris conscience que le relayeur-récupérateur qu’il cherchait depuis si longtemps, et sans succès, jouait ce rôle de façon admirable à West Ham. Je veux parler de Scott Parker, évidemment, dont je chante les louanges billet après billet, et qui – cela vous surprendra peut-être – est aujourd’hui le nom que je mettrais sur mon bulletin de vote pour le ‘Footballeur de l’année’. Avec Parker pour tenir la maison en ordre et protéger un back-four impeccable, Wilshere et Lampard s’en sont donnés à coeur joie, développant un jeu en triangle auquel les Anglais nous ont rarement habitués. Avec un Ashley Young en pleine bourre sur le flanc droit, et un Darren Bent qui a le don d’être là où il faut, quand il le faut (trois derniers tirs en sélection, tous cadrés – trois buts), la seule petite déception aura été le manque de rayonnement de Wayne Rooney, placé à gauche de l’attaque dans ce 4-3-3 inhabituel, mais qu’on demande à revoir. Contre le Ghana en amical, ce mardi à Wembley? Pas sûr. Capello a pris la décision – compréhensible – de laisser au repos ceux de ses joueurs qui seront de Ligue des Champions dans une dizaine de jours. Dawson, Terry, Cole, Lampard et Rooney regarderont donc le match contre les Black Stars chez eux. Tant pis pour les fans qui auront payé une fortune dans l’espoir de voir une équipe d’Angleterre qui ressemble à la vraie, et auront droit à la version-bis...sans oublier les remplacements de vigueur. On se fiche du monde. Un match amical programmé après un match officiel? Au fou. Et honte aux pickpockets en costume-cravate qui osent nous infliger des Angleterre-Ghana et des France-Croatie qui n’ont d’intérêt que pour les préposés au tiroir-caisse de nos chères fédérations.

Des matches amicaux qui méritent d’être vus, cela existe pourtant. J’ai assisté à l’un d’entre eux dimanche après-midi à l’Emirates. Le Brésil est devenu un habitué du stade des Gunners, qui leur réussit d’ailleurs plutôt bien (cinq victoires pour une seule défaite, contre le Portugal). Vous souvenez-vous d’un certain but de Kaka contre l’Argentine en septembre 2006? Si vous ne l’avez jamais vu, foncez sur youtube ou sur dailymotion... En ce week-end baigné de soleil, l’adversaire de la seleçao était l’Ecosse, une Ecosse qui, tout doucement, sort la tête de l’eau, grâce à une nouvelle génération de milieux de terrain (Bannan, McArthur, Morrison, Adam, Snodgrass) qui ‘ont du ballon’, et n’ont pas peur de s’en servir. Près de 55 000 spectateurs payants pour un ‘friendly’ disputé en dehors des pays représentés, qui dit mieux? A ma droite, deux ‘schools of samba’ londoniennes, à ma gauche, un trio de cornemuses, et des milliers d’enkiltés qui reprennent ‘Flower of Scotland’ à en cracher leurs poumons. Et au milieu, cette équipe brésilienne que Menezes mitonne pour 2014. Je vous le dis de suite: elle sera prête.

Les gros titres seront pour Neymar, auteur des deux buts de son équipe. Le premier était somptueux. Mais le nom que j’ai retenu est un autre: Lucas Rodrigues Moura da Silva, dit ‘Lucas’ (encore un autre, à ne pas confondre avec Lucas Leiva de Liverpool, ou Lucas Piazon, que Chelsea vient d’acheter), 18 ans, milieu de terrain offensif de Sao Paulo. Un ami paulista m’avait prévenu avant le match – ‘le joueur à suivre, c’est lui’. Et je n’ai pas été déçu. Il y a des joueurs qui, dès qu’ils franchissent la ligne blanche ou touchent le ballon, semblent grandir sous vos yeux. Lucas est de ceux-là. C’est d’abord une question d’équilibre dans la réception du ballon, la course, la transmission; et d’intelligence dans le choix du geste opportun. Ronaldo, qui a encore épaissi, était l’invité d’honneur de ce ‘friendly’ que le Brésil eut la politesse de ne gagner que 2-0. Il n’aura pas été déçu du spectacle offert par ses compatriotes. Je ne crois pas qu’il aura été déçu par Lucas non plus.

A demain à l’antenne!