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Philippe Auclair, 30 mars 2011

Angleterre-Ghana: le droit de rêver, et Asamoah Gyan, ce héros...

Vous savez ce que je pense de la décision d’organiser une rencontre amicale trois jours après un match officiel, à une semaine des quarts de finale de la Ligue des Champions – et avec une journée de championnat prise en sandwich entre les deux. Au fou. Mais la FA avait fait son choix, sachant pertinemment que l’équipe d’Angleterre qui serait à Wembley serait un onze-bis, privant ainsi le Ghana de l’opposition qu’il rêvait de rencontrer, 54 ans après l’indépendance, et flouant les spectateurs sur la nature de l’événement. Money talks, and it’s persuasive, comme le chantait Elvis Costello. Mais ne revenons pas là-dessus, et ne boudons pas l’immense plaisir que 80 000 personnes ont pris à Wembley, et des millions d’autres devant leur téléviseur, à Londres comme à Accra. Car la nuit fut magnifique à bien des égards.

Si elle le fut, c’est d’abord grâce à un public comme je n’en ai jamais vu en Europe, et qui est la raison pour laquelle j’ai intitulé ce court billet ‘le droit de rêver’.

Il existe une très importante communauté ghanéenne à Londres ; beaucoup ce ces immigrés de première ou deuxième génération vivent tout près de White Hart Lane, et ceux-là, des milliers d’entre eux et d’entre elles avaient acquis leurs billets non pas auprès de la fédération ghanéenne et de ses partenaires commerciaux, mais de la FA anglaise. Pour une fois, rarissime, la foule d’un match de football était mélangée, Européens et Africains côte-à-côte. Juste devant moi, un colossal Anglais, maillot floqué John Terry sur les endosses, était assis près d’un Ghanéen resplendissant dans son coastard rouge, jaune et vert. Pendant les hymnes, pas de sifflets, pas de huées. Mon Ghanéen a profité de l’instant pour passer le drapeau de son pays sur les épaules de son voisin. Celui-ci a rigolé. Et tout le reste fut à l’avenant. Aucun problème, au contraire, une ambiance de fête, la preuve que les fans de foot ne sont ni des boeufs, ni des démons, ni de la viande à matraque, mais des êtres humains capables de soutenir leurs couleurs en bonne intelligence. Dieu sait pourtant que c’était chaud, très chaud, ce que les joueurs ont senti, d’ailleurs, en s’engageant dans ce match comme si leur vie en dépendait. Quel bonheur de sentir une pareille chaleur dans la foule...quel bras d’honneur aux ennemis de notre sport!

(Au fait, vous savez? La banane jetée par un supporter lors du match Brésil-Ecosse? On a trouvé le responsable. Il s’agissait d’un touriste allemand, assis parmi les fans brésiliens. Fin de l’histoire. Peut-être que ça calmera tous ceux qui parlaient déjà d’un incident raciste à mettre au débit des fans de la Tartan Army. Mais bref.)

Le match? Je vous le disais, de très belle facture, avec de grosses satisfactions d’un côté comme de l’autre, dont Ashley Young avec les Anglais, vif, technique, intelligent, auteur de 45 minutes épatantes après sa superbe prestation contre les Gallois samedi. Bravo à Andy Carroll, pas encore en condition, mais qui a montré par son but conclu avec beaucoup d’aplomb qu’il n’était pas qu’une tour de contrôle avec des pieds en béton. Le trio Wilshere-Barry-Milner a lui aussi bien fonctionné, avec mention spéciale au dernier nommé, infatigable dans ses courses d’appel et auteur de quelques centres superbes. Chez les Ghanéens, j’ai eté impressionné par le volume de jeu et la présence physique du demi défensif de Getafe Derek Boateng, dont j’ignorais quasiment tout. Quant à Asamoah Gyan...le seigneur! Vous avez vu, je l’espère, ce but superbe marqué dans les arrêts de jeu. Le stade a explosé. Un boucan somptueux. Il y a des joueurs dont on se demande, ‘mais qui écrit leur script?’, et il en fait partie. Je l’ai vu en zone mixte un peu plus tard, hilare, parlant d’un but ‘historique’ pour son pays. Et il l’était. Ce doit être bon, de supporter une équipe dont le symbole transpire la joie de jouer pour son pays. Heureux Ghanéens...

On a le droit de rêver, après tout.