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Philippe Auclair - 30 Octobre 2011

Les dieux de Chelsea sont tombés sur la tête...

Pour la seconde fois en deux semaines, un match à la loupe. Il est vrai que des matches comme ceux-là...

Avez-vous repris votre souffle? Moi, pas encore complètement. Chaque week-end, semble-t-il, nous assistons à quelque chose d’extraordinaire en Premier League. Le 5-1 majestueux de Manchester City à Tottenham, le massacre d’Arsenal par Manchester United, un derby mancunien sans véritable précédent dans toute l’histoire. Mais là...ce 5-3 aura (on peut l’espérer) fait vibrer les plus cyniques des critiques du foot-fric en leur rapellant qu’une fois sur la pelouse, ce n’est pas à leur enveloppe hebdomadaire que pensent les demi-dieux du stade. Même lorsqu’ils tombent sur la tête, ce qui fut le cas de Chelsea.

Quelques chiffres, pour commencer, pour donner un semblant de contexte rationnel à un match dans lequel la déraison l’emporta.

15 buts: les Blues de Villas-Boas en ont encaissé autant en dix matches qu’en toute une saison lorsque José Mourinho prit les rênes en 2004.

Neuf rencontres de championnat consécutives sans ‘clean sheet’ pour Chelsea: il faut remonter à l’ère Ranieri pour retrouver une telle constance dans la générosité au Bridge.

Décembre 1989: la dernière fois que Chelsea concéda cinq buts à domicile en championnat, contre le futur champion Liverpool.

Huit: le nombre d’interceptions tentées, et réussies, par mon ‘man of the match’ Laurent Koscielny, sur lequel je reviendrai.

Vingt-huit: le nombre de buts inscrits en 2011 en championnat par Robin Bang! Persie, comme le surnomme mon ami de Arsenal News Review Myles Palmer. Vingt-huit buts en vingt-sept matches – seuls Cristiano Ronaldo et Lionel Messi ont fait aussi bien ou mieux en Europe, et au sein d’équipes qui tournent bien plus rond qu’Arsenal.

Voilà pour l’arithmétique. Passons aux choses sérieuses, encore que ‘sérieux’ ne soit pas l’adjectif qui vienne naturellement à l’esprit lorsqu’on considère la prestation des deux défenses présentes – absentes? – au Bridge hier. Celle d’Arsenal, pendant quarante-cinq premières minutes torrides; celle de Chelsea, tout au long de la rencontre.

Lorsque deux équipes qui ont un potentiel offensif aussi conséquent que Chelsea et Arsenal adoptent une ligne défensive aussi haute, il est naturel que les occasions se multiplient; c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles, que ce soit dans Larqué-Foot ou dans les paris, je m’étais avancé à prédire un bon résultat pour les Gunners. J’espère que vous aurez été quelques-un(e)s à suivre mon conseil!

Tout naturellement, lorsque vos défenseurs centraux campent tout près de la ligne médiane, le danger vient de ballons expédiés dans les couloirs, particulièrement si vous disposez de joueurs aussi vifs et rapides que Mata, Sturridge, Gervinho ou Walcott, lequel joua son meilleur match pour les Gunners samedi. Les latéraux se positionnent en effet encore plus haut, et se retrouvent en difficulté sur tout ballon laissé en route, devant perdre une fraction de seconde pour se retourner, tandis que leur vis-à-vis est déjà dans le sens de la course. Combien de fois vit-on Sturridge griller Santos? Et Walcott Ashley Cole? Ceci est évidemment du B-A-BA. Ce qui ne signifie pas que jouer haut soit du suicide. Barcelone le fait mieux que quiconque; la différence est que, dans le système de Guardiola, le demi récupérateur vient se replacer dans l’axe de la défense (qui passe ainsi à trois), permettant aux deux axiaux de s’écarter davantage pour patrouiller les flancs laissés libres par les full-backs. Mikel essaya de le faire pendant quelques minutes, avant de perdre sa discipline tactique; Song ne le fit jamais, Wenger ayant opté pour un autre plan: Djourou, qui vécut une après-midi pénible, se rapprochait de l’axe, Walcott glissant vers le bas sur la droite pour composer une ligne de cinq.

Cela ne fonctionna pas vraiment, c’est le moins qu’on puisse dire, et l’abandon de ce système à la pause déboucha sur une seconde mi-temps beaucoup plus sereine du back-four des Gunners, avec un Song impérial à la récupération. Qu’il est bon, le bougre, lorsqu’il épure son jeu et n’essaie pas le dribble de trop...

Je reviens au Barça. L’autre différence, cruciale, est que les Catalans sont beaucoup plus efficaces que les deux équipes londoniennes dans la récupération du ballon dans les trente mètres adverses; la pression est d’autant moindre sur Puyol, Piqué et Busquets. Trouver la passe ‘verticale’, comme dirait Coco Suaudeau, qui transperce le premier rideau défensif est beaucoup plus difficile, tant le porteur du ballon ou le premier relanceur est harcelé par le milieu et les attaquants de Guardiola. N’est pas Barcelone qui veut...

Vendredi, dans un long article de France Football, j’avais essayé d’expliquer en quoi on commençait à sentir une ‘patte’ Villas Boas dans le jeu de Chelsea. Après deux défaites consécutives, toutes deux marquées par une indiscipline chronique (les neuf cartons de Loftus Road, la pagaille totale de la seconde période à Stamford Bridge), on a le droit de se demander si Abramovitch va tolérer longtemps le défi courageux du jeune entraîneur portuguais. Et comment des joueurs qui ont l’habitude de naviguer en tête vont accepter de se retrouver dans le sillage déjà lointain de Manchester City, qui compte neuf points d’avance après dix journées. Les tests ne manqueront pas. Le week-end prochain, déplacement à Blackburn, qui se bat farouchement pour son entraîneur menacé Steve Kean. Le 20 novembre, Liverpool est au menu, un Liverpool qui ne dispute aucune compétition européenne et pour lequel on a enfin vu un très bon Carroll aux côté de Suarez dans un convaincant 2-0 à West Brom. Puis Newcastle à St James, puis Man City à la maison. Rajoutez les quarts de la Carling Cup (contre...Liverpool), et quelques escapades en C1, et vous avez là un programme qui servira de révélateur.

J’avoue avoir eu beaucoup de mal à comprendre la sélection de AVB. Meirelles sur le banc? Mikel préféré à Romeu? Ramires était-il vraiment en condition pour être titularisé?

Mais je souhaite néanmoins bonne chance à AVB: son projet est séduisant. Savoir s’il est trop ambitieux, cela, seuls les résultats à venir nous le diront. A-t-il l’effectif pour cela? Devant, Torres fut invisible, transparent, frustrant. Ne peut-il plus briller que contre Genk? Sturridge mobile, mais trop gourmand: il n’est pas et ne sera jamais un ailier. Numéro 9 d’instinct, c’est à ce poste qui était le sien à Bolton qu’il peut faire le plus mal. Mata, qui faiblit en fin de match, montra encore des choses magnifiques. Et je reviens à ce onze de AVB. L’absence de Meirelles, le donneur de tempo, mais aussi un vrai ‘fighter’ dans le combat de l’entrejeu, laissa trop d’espace et de temps à Aaron Ramsey en particulier, lequel est en passe de prendre une dimension énorme dans le jeu des Gunners. Frank Lampard, qui marqua et distilla quelques ballons de toute beauté, n’a plus l’énergie pour couvrir toute la longueur du terrain pendant 90 minutes.

Bref, vous l’avez compris, il s’est agi d’une défaite de Chelsea autant, sinon plus que d’une victoire d’Arsenal. Et nous n’avons même pas parlé de Terry, dont la glissade qui ouvrit le chemin du but à RvP (même si la passe en retrait de Malouda avait quelque chose de criminel) symbolise cruellement ses innombrables problèmes actuels. La FA, vous le savez, enquête sur les propos à catactère raciste qu’il aurait tenus à l’encontre d’Anton Ferdinand le week-end dernier. Une résolution à cette crise, car c’en est bien une, plus grave que le ‘différend’ entre Patrice Evra et Luis Suarez, ne surviendra pas avant une dizaine de jours, selon moi. Terry, dont la capacité de faire abstraction de ce qui n’est pas le terrain a quelque chose de presque effrayant, a semblé touché par ces événements, pour une fois. Oubliez son but, qui doit plus à l’indécision de Per Mertesacker. Voyez plutôt combien il a souffert en seconde période.

Wenger ne dansait pas comme un possédé après le match. Déjà, il parlait du rendez-vous contre Marseille de mardi. Mais on sentait en lui une profonde satisfaction. La plus grande doit être que cette équipe à qui je n’ai pas été le dernier à reprocher qu’elle n’avait plus de patron s’en était trouvée quelques-uns samedi. RvP, par l’exemple. Walcott, qui avait la rage cette fois-ci. Song, Ramsey. Mais surtout Laurent Koscielny.

Allez jeter un coup d’oeil sur http://bit.ly/vpkose.

Enorme.

Est-ce à dire que Chelsea est grillé pour le titre, et qu’Arsenal a encore une chance de rattraper le peloton de tête, City excepté? Je ne m’avancerai pas. Je constaterai juste que les Blues ont perdu trois fois en dix matches, ce qui est beaucoup, tandis que les Gunners viennent d’aligner huit succès en neuf rencontres, toutes compétitions confondues. Donnons à AVB le temps de remettre de repeindre Chelsea d’un bleu qui lui convienne, et n’oublions pas l’Arsenal des quarante-cinq premières minutes du Bridge.

A très vite dans les DDD, et n’oubliez pas que vous pouvez nous retrouver, Fred et moi, sur Twitter. @fredhermel et @PhilippeAuclair, en attendant @didiermengo... A ce sujet, ceux qui se demandent pourquoi et comment j’ai fini par ‘craquer’ peuvent consulter un long message posté à cet effet en queue du blog publié lundi dernier.

Bye for now!