Philippe Auclair - 31/10 et 1/11

Comme tous les lundis, revue de detail du football anglais: Chelsea, en champion – Tottenham, en état de choc – et Liverpool, en route?
Et c’est ainsi qu’on devient champion, et qu’on le reste. Chelsea n’était pas la meilleure équipe à Blackburn (pour lesquels Mame Biram Diouf fut brillant), mais Chelsea a gagné. A la 88ème, grâce à un Ivanovic que Paulo Ferreira était sur le point de remplacer.
La différence entre les Rovers et les Blues samedi? Un brin de chance (l’occasion, énorme, de Roberts, en fin de match), un brin de classe (la combinaison Malouda-Drogba-Anelka, magnifique, qui mène au premier but), et Petr Cech, qui plane en ce moment, et qui a tenu la baraque derrière une défense où John Terry, en particulier, avait l’un de ses jours sans. Christophe Lollichon, qui s’occupe de Cech au quotidien, m’a plusieurs fois parlé du travail spécifique qu’ils font ensemble sur les relances au pied. Cech ne ‘balance’ pas – il tente de longues passes et, samedi, il en a réussi deux; la première, platinienne, pour Malouda, a mené au premier but. La seconde, pour Drogba, indirectement au deuxième. Wenger l’a encore dit ce week-end: ‘Chelsea est archi-favori’. Je suis d’accord. Au passage: c’était le 11ème but d’Anelka en 15 matchs contre les Rovers! Les Bleus, c’est fini pour l’ancien d’Arsenal, mais pas les Blues. Et Ancelotti s’en frotte les mains.
En Angleterre, bien sûr, on ne parlait que de l’invraisemblable but de Nani contre Tottenham – je suis certain que vous l’avez tous vu. Chacun aura son verdict, et voici le mien: on joue le sifflet, rien d’autre. Gomes est le coupable, pas Mark Clattenburg, dont je persiste à penser qu’il est l’un des tout meilleurs referees anglais, et qu’il a appliqué les lois du football à la lettre, en ayant le courage de ne pas revenir sur sa décision. Oui, il y a main de Nani – mais Clattenburg, très clairement, laisse jouer l’avantage. Gomes tergiverse et ne réagit absolument pas quand l’arbitre confirme que le ballon est en jeu. Un épisode à mettre en relation avec la réaction (ou plutôt l’absence de réaction) de Lukasz Fabianski lors de Porto-Arsenal en C1 l’an passé, avec cette circonstance aggravante: l’arbitre de cette rencontre avait tort, Clattenburg, lui, avait raison.
Le plus grave pour les Spurs n’est pas cette défaite; United menait déjà 1-0 et avait – à mes yeux tout du moins – le match en main, et personne n’aurait crié au scandale si un pénalty avait été sifflé sur l’action qui précéda le but-gag de Nani. Non, le plus grave est la sortie de van der Vaart, touché à la cuisse à trois jours de l’arrivée de l’Inter. Espérons qu’il ne s’agisse que d’une fausse alerte. Avec lui, les Spurs peuvent bouger un Inter lui aussi diminué par les blessures. Sans lui, ce sera nettement plus compliqué. United? Pas totalement convaincant, mais toujours là, et toujours invaincu, comme Wayne Rooney, de retour du Golfe, s’en est aperçu dans les tribunes. Encore cinq semaines d’absence pour Wazza le traître/fils prodigue; et rien n’est dit qu’il retrouvera sa place illico, comme Sir Alex l’a confirmé après le match. Au fait, bon anniversaire, M. Van der Sar!
Trois points cruciaux pour Arsenal, qui confirment la maturation d’un effectif toujours jeune mais plus expérimenté qu’on le croit, qui ne s’est jamais affolé lorsque Robert Green a sorti l’un de ses meilleurs matchs, et qui en a été récompensé par le 3ème but en trois jours de l’improbable goal-machine qu’est devenu Alex Song, dit ‘toison d’or’. West Ham, lanterne rouge, aura illustré la différence cruciale qui existe entre la Premier League et les autres championnats: eh oui, la compétitivité, la vraie, pas celle qui se mesure en additionnant les 0-0! Les Hammers ont été admirables à l’Emirates, à l’image de Scott Parker, dont je me demande pourquoi il continue d’échapper au radar de Capello. Ils ont tenté crânement leur chance, jusqu’au bout, et ont même tenté d’aller chercher trois points en faisant entrer cette bestiasse de Carlton Cole en fin de match. Honneur à eux.
Côté Gunners, le seul sujet d’inquiétude demeure Cesc Fabregas, qui a de nouveau ‘senti’ sa cuisse en première période, ce qui explique une performance très en dessous de sa moyenne. Les dernières nouvelles sont rassurantes: il devrait être du voyage en Ukraine – pour lequel on retrouvera évidemment Jack Wilshere, comme on le retrouvera en Premiership le week-end prochain. Au passage: Wenger m’a confirmé qu’Aaron Ramsey reprendra l’entraînement avec le groupe vendredi prochain, et pourrait rejouer d’ici un mois. Pas un but encaissé en trois matchs: voilà qui est inhabituel, et qui fera plaisir à tous ceux qui ont cru en Fabianski et en Szczesny, énorme contre Newcastle en League Cup en milieu de semaine. Pour Almunia, c’est la fin de la route, dans des circonstances bien tristes pour tous ceux qui ont de l’affection pour lui (dont je suis). Mais ce n’est pas d’affection dont Almunia a besoin en ce moment, ou pas seulement. La roue tourne vite quand on est un gardien.
(bonus d'apres premiere publication, et 'petite' info RMC: Jack Wilshere a prolonge. Ce sera confirme dans les jours a venir; Szczesny fera de meme dans tres peu de temps)
Invraisemblable, tout de même, qu’on ose seulement remettre Chris Hughton en question à Newcastle. Que peut-il faire de plus? Il a opéré un recrutement remarquable (Tioté, HBA, quoi qu’on dise) avec des moyens très limités. Il a redonné le goût du football à Barton, qui demeure l’un des meilleurs midfielders anglais, eh oui. Sunderland a été pulvérisé dans le derby qui compte plus que tout pour les Magpies, avec un triplé pour Kevin Nolan: leur plus ample succès dans ce face-à-face depuis le 22 décembre 1956 (6-2). Newcastle n’est qu’à un point de Tottenham, cinquième. Le public de St James, de feu dimanche, en a pour son argent. J’adore Hughton, un homme droit, intègre et ouvert, qui est aussi en train de prouver que le métier de manager – qu’il a récupéré après que Shearer avait fait descendre Newcastle en Championship – était fait pour lui, après des années passées à coacher dans la pénombre à Tottenham. Honte à Mike Ashley et à son board: vous ne connaissez pas votre bonheur. Vos joueurs et votre public, si. Ecoutez-les.
C’est curieux: alors que Manchester City perd pour la deuxième fois consécutive, je me pose des questions sur les propos parfois très durs que j’ai pu tenir envers Roberto Mancini. Parce que j’en sais beaucoup plus aujourd’hui sur son parcours à la Fiorentina et à la Lazio en particulier, grâce aux confidences de l’un de ses rares intimes; parce que je me rends compte que mon jugement était alors influencé par le comportement indigne de ses dirigeants lorsque Mark Hughes fut limogé; parce que j’ai aussi reçu beaucoup d’informations sur ce qui se passe en coulisses à City; et parce que j’avais – sincèrement – été séduit et par le jeu et par l’attitude des Citizens lors de leur défaite à 10 contre 11 contre Arsenal dimanche dernier. Je reviendrai sur le sujet de Mancini un autre jour, et pourquoi pas avec Didier? Il en vaut la peine. Pour le moment, ce revers 1-2 à Wolverhampton est un énorme coup de bâton pour les espoirs de titre de son équipe, dans la manière comme dans le résultat. Un être vous manque (Tevez, parti se panser le moral auprès de sa famille en Argentine), et tout est dépeuplé. Contrairement aux rumeurs, Mancini adore Tevez. Mais il n’a personne pour le remplacer, et certainement pas les fantômes d’Emmanuel Adebayor et de Mario Balotelli, formidable pendant vingt minutes, inexistant ensuite. City a presque été aussi mauvais contre les Wolves qu’Arsenal contre West Brom, c’est dire. Sauf que West Brom est largement au dessus des Wolves, qui n’avaient pas gagné depuis la 1ère journée.
“Si Dieu avait voulu que nous jouions au football dans les nuages, il aurait fait pousser de l’herbe dans le ciel”: la phrase de Brian Clough m’est revenue à l’esprit en regardant Bolton et Liverpool se livrer une partie de tennis-ballon d’une ‘grande intensité’, comme l’on dit lorsqu’on veut rester poli. Que de déchet technique dans le jeu des Reds! Le match a eu ses moments (le duel Davies-Kyrgiakos était un régal pour les amateurs du genre); dommage qu’ils n’aient pas été plus nombreux. La plus grande fraîcheur physique de Liverpool a fait la différence en toute fin de rencontre, ainsi que (ce n’est pas une faute de frappe) l’entrée en jeu de David Ngog et le passage des Reds en 4-4-2, qui a permis, entre autre, à Torres de disposer d’un tout petit peu plus d’espace et de ne pas avoir le duo Cahill-Knight (qui n’est pas le pire en Premiership) constamment sur les endosses. Bien sûr que le nino est encore très, très loin de sa meilleure forme – mais son coup de patte plein d’astuce pour ouvrir le chemin du but à Maxi est, on l’espère, une semaine après son but contre Blackburn, un autre signe qu’il sort doucement du trou dans lequel Rafa Benitez l’avait fait tomber. Gerrard, par contre...comment expliquer qu’il fasse la gueule à ce point – pas d’autre mot – au coup de sifflet final, alors que cette victoire, la première de Liverpool à l’extérieur cette saison, faisait passer son équipe de la zone de relégation à la douzième place? Lui seul le sait.
Hodgson, lui, ne cachait pas sa joie. Voilà des mois que je vous dis: patience – laissez-lui le temps. Liverpool n’est qu’à un point d’Everton, 8ème, et à cinq de Manchester City, premier ‘ligue-des-championisables’...ok, je plaisante à moitié. Car j’ai consulté mon calendrier. Dimanche prochain, à 17 heures, Chelsea pénétrera sur la pelouse d’Anfield. Vous savez où me trouver alors...
...comme vous savez me trouver ce lundi a 22 heures!