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Philippe Auclair - lendemain de fete...

Les Leçons d’Arsenal-Barcelone...

Au fil de la plume, quelques réflexions sur un match magnifique, comme seule la Ligue des Champions peut nous en offrir.

Barcelone demeure favori pour la qualification, c’est indiscutable. L’équipe de Pep Guardiola est curieusement schizophrène en Europe: toujours pas une seule victoire à l’extérieur en huitièmes de finale ou plus tard dans la compétition depuis qu’il a succédé à Frank Rijkaard, et cela, alors que le Barça fait la loi loin de ses terres en Espagne. Au Camp Nou, par contre, poussé par ses socios, Barcelone a – jusque-là – été intraitable. 1-0, et le Barça passe. Je vois les Gunners marquer en Catalogne. Mais je vois aussi un Barcelone plus tranchant sur ses terres, qui punira plus décisivement quelque perte de concentration d’Arsenal que ce soit.

La possession du ballon compte moins que son utilisation. Une devinette: quelle est l’équipe qui a eu le plus de possession en C1 cette saison? Incroyablement, le Spartak Moscou. Et où-sont-ils aujourd’hui? Hier encore, Barcelone a dominé dans ce secteur, même si de façon moins étourdissante que lors des quarts de finale de l’an dernier, mais les Gunners ont cadré sept de leurs treize frappes, tandis que le Barça devait se contenter de cinq sur dix.

Pep Guardiola a à mes yeux commis une grosse erreur tactique en remplaçant David Villa – énorme jusque-là – par Keita à la 68ème minute, tandis que Wenger prenait le risque d’introduire Archavine en lieu et place d’Alex Song. La dynamique du match en a été bouleversée, et les visiteurs ont perdu leur discipline en termes d’organisation. J’ai devant moi les graphiques de positionnement de l’Uefa: le 4-1-2-3 barcelonais si efficace de la première période est devenu un système amorphe (au sens propre), une sorte de 4-2-2-2 particulièrement confus sur le côté gauche, tandis que les Gunners maintenaient leur 4-2-3-1 avec beaucoup de maturité.

Archavine is back. Cela fait des semaines que je monte au créneau pour défendre le Russe, et j’espère bien que sa contribution décisive fera taire ses critiques. Regardez ses statistiques: il est le meilleur buteur des Gunners en Europe (4 buts). Au total: seize passes décisives et dix buts toutes compétitions confondues, et cela, alors qu’il n’est revenu en forme que depuis quelques semaines!

Jack Wilshere...Il a fait, à 19 ans, ce que Cesc Fabregas avait fait une certaine nuit au Bernabeu en 2006. Il a pris place dans la super-élite du football européen. Entouré de Cesc, Xavi et Iniesta, il fut peut-être le meilleur d’entre eux. C’est dire.

Laurent Koscielny jouait en D2 il y a deux ans. Hier soir, il fut grand. Son style – le fait qu’il colle de si près aux attaquants – fait qu’il commettra parfois des fautes dangereuses, comme ce ‘duel’ avec Pedro dans la surface qui, avec un arbitre moins joueur que Nicola Rizzoli, aurait pu donner un pénalty au Barça. Hormis cela, il fut au moins l’égal d’Abidal sur ce match dans ses interventions défensives, et meilleur que lui dans la relance.

Le retour de Bacary Sagna fera énormément de bien au back four d’Arsenal. Mais attention: la marge de Wenger est infime, comparée à celle de Guardiola. Que l’un de Djourou, Koscielny, Wilshere, RvP, Cesc, Nasri ou Walcott se blessent (et Birmingham ne fera pas de cadeau en finale de la Carling Cup dans dix jours), et Arsenal sera bien plus diminué que si l’un des caïds du Barça avait un pépin. La raison est toute simple: si vous deviez faire une équipe combinée avec Arsenal et Barcelone, y compris sur le match d’hier, combien de Gunners figureraient dans votre onze? Szczesny (le gardien qu’Arsenal attendait depuis si longtemps!). Koscielny pour Abidal (ou Piqué, beaucoup moins à l’aise sur la droite de la défense centrale). Wilshere pour Iniesta (eh oui, osons le dire). Et c’est tout, même si Walcott a fait un match très plein et si Pedro a déçu. Arsenal doit être à 100% et Barcelone à 90% pour que les Gunners passent. Ce n’est pas parce que le Barça a perdu un match dans des circonstances exceptionnelles qu’il n’est plus la meilleure équipe de la planète.

En termes de jeu, l’équation Arsenal=Barca en ‘moins bon’ n’a aucun sens, comme je me tue à le répéter depuis si longtemps. Arsenal n’est pas un Barça light, qu’on se le dise! Ls Gunners jouent de manière beaucoup plus directe, cherchent la rupture beaucoup plus vite; alors que les Catalans imposent un rythme très rapide par l’exploitation des intervalles et l’enchaînement de passes au sol en première intention, les Anglais recherchent les duels individuels, ce qui est normal quand on possède des dribbleurs comme Walcott, Archavine, Nasri et Wilshere (sans oublier Cesc et RvP, qui ne sont pas des manchots dans ce domaine). L’élimination de l’adversaire se fait de manière individuelle autant que collective. Le Barça, lui, n’a pour dribbleurs naturels (nous nous comprenons) que Lionel Messi – le meilleur de tous, évidemment – et Andres Iniesta, que je trouve très, très en deça de son niveau de 2009.

Les ‘baby Gunners’ de Patrice Evra et de quelques autres ont grandi. Espérons qu’on n’entende plus cette scie tellement fatigante. Non, Barcelone n'avait pas 80% de chances de gagner (même pas de se qualifier!), comme on l'a lu et entendu avant le coup d’envoi. Consultez les compte-rendus de ce match. Vous n’avez pas rêvés.

Nous, par contre, nous rêvons encore, grâce à deux équipes magnifiques qui ont fait honneur à leur maillot, leurs supporters et leur sport et qui, j’en suis certain, y feront encore honneur dans trois semaines. Can’t wait!