RMC Sport

Biarritz: "Couzinet a hérité d’une situation catastrophique", selon Aldigé

placeholder video
Le patron du Biarritz Olympique, Jean-Baptiste Aldigé, a rencontré le président intérimaire de l’Association amateur David Couzinet vendredi dernier, dans un climat plus apaisé et constructif que ces dernières semaines. Pour RMC Sport, Aldigé se confie sur cette entrevue qui pourrait changer la donne, avec la perspective d’une nouvelle convention entre les deux parties, l’avenir de son club, l’abandon de la délocalisation mais aussi les critiques à son encontre. Avec la volonté de concrétiser rapidement le projet de rénovation du stade Aguilera.

Jean-Baptiste Aldigé, vous avez rencontré David Couzinet en fin de semaine dernière. On a du mal à suivre puisque vous l’aviez critiqué ces derniers temps…

C’est vrai que j’ai demandé une entrevue avec David Couzinet, qui a eu lieu vendredi matin à Aguilera. J’ai proposé à monsieur Couzinet de revoir les relations liant la SASP à l’Association. Il a une hérité d’une situation qui n’est pas la sienne. Avant lui, un président avait fait cavalier seul et avait mis le club en grande difficulté. Il a laissé à David Couzinet un héritage sportif et financier très embêtant puisqu’il y a un conflit très important entre la SASP et l’Association, sur les comptes mais aussi un mode opérationnel sportif. En particulier le centre de formation qui ne marche pas et qui fait que le club est coupé en deux. L’actionnaire majoritaire, la famille Gave, a émis le souhaiter de participer au projet Aguilera à hauteur minimum de 15 millions d’euros, d’investir dans les structures, le stade, le centre d’entrainement et de formation. Cet apport est conditionné à la possibilité de contrôler la politique sportive de la SASP.

C’est-à-dire?

C’est à la fois l’équipe professionnelle bien entendue que vous voyez tous les week-ends mais c’est aussi le centre de formation, qui est pour nous primordial puisque l’on axe notre progression sur les jeunes. Ce sont des jeunes de 18 à 23 ans qui sont, pour la plupart, sous contrat Espoirs avec la SASP et qui sont mis à disposition de l’Association pour l’équipe amateur dite de la catégorie Espoirs. A ce jour, le centre de formation étant administrativement rattaché à l’Association, cela donne de nombreuses frictions opérationnelles et financières. C’est de là que vient le trou et le différentiel financier dont on parle depuis des mois.

Et pourquoi cette entrevue alors?

J’ai souhaité le rencontrer déjà pour qu’il me donne ses ambitions pour le club. Il m’a confirmé qu’il était venu il y a trois mois à la demande de madame la Maire de Biarritz (Maider Arosteguy) pour s’occuper des jeunes et rendre ce qu’ils avaient reçu par le passé, puisque ce sont d’anciens illustres joueurs. Il m’a confirmé qu’ils (Couzinet est accompagné par d’autres anciens joueurs du BO ndlr) étaient là pour s’occuper du rugby amateur, qu’ils n’avaient aucune vue sur la SASP, qu’ils ne voulaient pas s’occuper du rugby professionnel. Nous avons aussi confirmé tous les deux que les problèmes de relations entre la SASP et l’Association viennent toujours de ce centre de formation puisqu’il n’a pas un statut clair. On a aussi établi que l’Association avait besoin de moyens pour s’occuper des jeunes de 5 à 20 ans. Malheureusement, la convention qui nous lie actuellement ne prévoit pas de rémunération de l’Association de la part de la SASP pour la mise à disposition du numéro de licence. La SASP bénéficie du numéro d’affiliation de licence fédérale depuis trois ans, et encore pour sept ans, mais nous ne versons pas de loyers ou quelques autres sommes pour cela.

J’ai proposé à monsieur Couzinet que nous changions cette convention pour que la SASP puisse rémunérer ce numéro d’affiliation afin que lui dispose de moyens pour diriger et développer le rugby amateur. Par ailleurs, on souhaite aussi remettre les comptes à zéro puisque, encore une fois, il a hérité de cette situation catastrophique venant de monsieur Beauville, l’ancien président. J’ai donc proposé de payer pour que l’Association soit à zéro comptablement mais aussi de verser une somme annuelle pour l’aider à faire du rugby amateur, à hauteur de 100.000 euros de package global, dont les maillots pour les différentes catégories de jeunes, et qu’en échange, de notre côté, nous puissions contrôler notre politique sportive professionnelle en réintégrant le centre de formation de façon exclusive à l’intérieur de la SASP, et en porter le coût total et la responsabilité sportive.

Comment David Couzinet a-t-il réagi? A-t-il été réceptif à votre discours alors que vos relations étaient fraîches depuis un bon moment?

Il me semble que oui. Au-delà des hommes qui, ce n’est pas un secret, s’apprécient peu, nous avons techniquement acté les mêmes données. Lui est là pour faire du rugby amateur, c’est-à-dire s’occuper des jeunes, et ne veut pas de la SASP. Moi, je suis là pour faire la SASP. Nous avons acté que le problème entre les deux entités était le centre de formation, en raison de cette convention actuelle qui est mal ficelée: elle ne permet pas un fonctionnement sportif et financier de bonne qualité. Cela crée des conflits, des inimitiés et empêche tout le monde de bien fonctionner.

"La décision de ne plus aller à Lille ou ailleurs date de quatre mois"

L’actionnaire n’entendait pas investir dans le projet Aguilera si David Couzinet était aux commandes de l’Association amateur. La donne a donc changé?

J’ai lu ce deal dans les journaux. Mais je n’ai pas entendu l’actionnaire le dire publiquement. Je le répète, l’actionnaire veut bien mettre de l’argent dans Aguilera mais veut pouvoir contrôler la politique sportive professionnelle dans son club. En effet, ce qui empêche cela aujourd’hui, c’est monsieur Couzinet et son Association mais parce qu’il hérite de cette situation par une convention mal signée et un ancien président qui a mis un sacré binz dans tout ça. Ce n’est donc pas sa faute. A partir du moment où David Couzinet m’a confirmé que la seule chose qui l’intéressait était de faire du rugby amateur et que la SASP ne l’intéressait pas, nous sommes sur la même longueur d’onde. Il faut lui donner les moyens de poursuivre ce but et de notre côté récupérer notre politique sportive professionnelle afin de donner toute latitude à la famille Gave de pouvoir enfin investir dans l’outil de travail professionnel tant promis et voulu depuis trois ans. Tout est alors clair, avec un fonctionnement tout à fait classique dans le rugby français, et on voudrait l’installer à Biarritz.

Encore faut-il désormais que David Couzinet et les "Galactiques" acceptent officiellement cet accord…

Mercredi, je sais qu’ils ont une élection pour être enfin nommés à la tête de l’Association. Sans doute qu’ils le seront. A partir de là, je pense qu’on se mettra très rapidement autour d’une table pour signer cette nouvelle convention. On pourra alors commencer Aguilera dans les plus brefs délais. J’espère que la mairie de Biarritz est prête, de l’autre côté, à respecter les engagements qu’elle a pris ces trois derniers mois. Pendant que nous avons essayé de tout remettre à plat avec l’Association, j’espère qu’ils ont continué à travailler pour être prêts. Il faut vraiment qu'Aguilera commence car nous sommes pris par le temps. Si on veut commencer les travaux au mois de juin, il faut vraiment se dépêcher et avoir signé très vite les études préalables au dépôt du permis de construire. 

Vous êtes donc positif…

Avec David Couzinet, nous avons acté les mêmes problèmes et les mêmes solutions. Ils passeront mercredi par les élections à l’Assemblée Générale et j’espère que, dans les jours suivants, on se mettra d’accord sur la nouvelle convention. C’est très simple à faire. Puis on ira taper à la porte de madame Maider Arosteguy pour dire "on est prêts, il faut y aller et faire Aguilera". J’ai hâte. Ça fait trois ans qu’on est sur ce dossier. J’aurais bien sûr préféré que ça se fasse avec beaucoup plus de douceur, de tranquillité et de normalité. Il faut croire qu’ici les vents changent assez souvent, sur la côte basque. J’espère que nous avons vraiment trouvé une direction commune pour longtemps.

Cette semaine, la FFR et la LNR ont modifié leur règlement pour empêcher les équipes de se délocaliser loin de la ville d'origine. Aviez-vous déjà totalement abandonné cette idée de délocaliser votre équipe, notamment à Lille?

J’ai apprécié qu’ils créent quelque part un "arrêt Aldigé". Pour nous, la décision de ne plus aller à Lille ou ailleurs date de quatre mois. C’est fort à propos de la Fédération de légiférer après-coup... Ça donne toujours une impression de maîtrise et de contrôle. Je vous avoue que je ne vais même pas m’attarder avec mes avocats à regarder s’il y a une faille ou faiblesse juridique puisque la délocalisation ne m’intéresse pas. Aujourd’hui, l’actionnaire, la famille Gave, est prêt à s’engager pour un stade et un centre d’entrainement à Biarritz. Donc on ne va pas investir 15 ou 20 millions d’euros pour déménager le lendemain. Ça fait bien longtemps que cette délocalisation est abandonnée, environ trois à quatre mois, depuis que les discussions ont repris avec la mairie de Biarritz grâce à monsieur Bouscatel (le président de la LNR). On est focalisé sur la signature de cette convention puis pour commencer Aguilera pour un club à Biarritz, au Pays Basque, sans aucune idée d’en déménager.

"Je ne pense pas allumer des pétards"

Lille ne va pas vous manquer?

Les gens sont très agréables à Lille, avec une vraie dynamique de personnes qui veulent du rugby. J’espère qu’un jour ils y arriveront mais je ne suis pas sûr que ce soit avec la direction actuelle du club de Marcq-en-Barœul en Fédérale 1. Mais je suis sûr qu’ils trouveront un jour les personnalités idoines pour se développer et enfin accéder au rugby de haut niveau.

De l’extérieur, Biarritz a pris des allures de Dallas ces derniers mois avec toutes ces querelles…

(Rires) A part qu’à Dallas, il fait beau, chez nous il pleut tout le temps. Chez nous, c’est un Dallas mouillé, comme un pétard mouillé. Ça fait parfois des petits "prouts" mais rien de très dangereux. A la fin, tout rentrera dans l’ordre j’espère. Depuis trois ans ici, il y a souvent eu des pétards mouillés mais à la fin, le club est toujours debout. Les gens ont ici une vraie passion pour le rugby. Forcément, quand il y a de la passion, il y a parfois des excès. Ça donne lieu à des légendes rurales, ça alimente les gazettes et les faits divers. Ça anime les conversations.

Certains vous reprochent d’allumer vous-mêmes ces pétards. Qu’en pensez-vous?

On gère à peu près 20 dossiers par jour en permanence. Je ne peux pas me retrouver devant une caméra pour expliquer à chaque fois ce que je fais, heure par heure, de mes journées. Pour nourrir la passion dont on parlait, il faudrait peut-être que je passe dix heures par jour pour dire ce que je fais, qui j’ai rencontré et qui j’ai recruté. Les gens sont avides d’informations pour comprendre ce qui se passe. D’un autre côté, ils pourraient être complètement indifférents mais ce serait moins rigolo. Je ne pense pas allumer des pétards. A chaque fois que je bouge à gauche ou à droite, c’est pour l’intérêt de mon club et qu’il continue à se développer. Il était mort il y a trois ans et aujourd’hui, il continue à avancer. Et quand je parle de mon club, je parle de mon équipe, de mes joueurs, de mes staffs sportifs et administratifs.

JF. Paturaud