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"Un phénomène assez répandu dans le rugby": le témoignage terrifiant de la veuve de Jordan Michallet, ex joueur de Rouen qui s'est suicidé en 2022

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Près de trois ans après la mort de son mari, qui s'est suicidé en janvier 2022, Noélie Michallet estime que le monde du rugby n'a pas complètement saisi l'ampleur des problèmes de santé mentale chez les joueurs. Certains d'entre eux, ainsi qu'une soixantaine de femmes de joueurs, lui ont écrit pour lui faire part de leur mal-être ou inquiétudes.

Marié depuis un an et demi, bientôt papa, titulaire au club de Rouen (Pro D2) où son contrat venait d'être renouvelé: Jordan Michallet semblait avoir tout pour être heureux. Pourtant, le 18 janvier 2022, l'ancien ouvreur français a décidé d'en finir et de sauter d'un immeuble de Rouen, plongeant son entourage, notamment sa femme, dans l'incompréhension.

"J'en suis toujours au même stade. Je n’ai pas vraiment de réponse", témoigne Noélie Michallet dans un article du Parisien publié samedi. J’ai décidé que j’arrêtais de chercher. Mais effectivement, c’est dur de ne pas connaître la raison de son geste. Je pense qu’on ne saura jamais pourquoi il a fait ça."

Des témoignages de joueurs et de femmes de joueurs

La jeune femme en est toutefois persuadée, le geste de son mari, qui la considérait comme sa "coach mentale", est lié à son sport. Pour cause: l'ancienne chargée de communication, désormais hypnothérapeute, a depuis reçu des témoignages. De joueurs, d'une part, qu'elle ne connaissait pas personnellement pour la plupart, et qui lui faisaient part de leur mal-être.

Mais aussi de "beaucoup de femmes de joueurs, environ une soixantaine" en l'espace de trois ans, qui lui écrivent sur les réseaux sociaux. "Elles me disent: 'mon mari est déprimé, je ne le reconnais plus, qu’est-ce que tu me conseilles de faire?' En creux, elles se disent que ce qu’a fait mon mari, le leur pourrait le faire. Ça leur fait du bien d’avoir un regard extérieur je pense."

Si elle avait déjà conscience du mal qui pouvait ronger les rugbymen, Noélie Michallet ne s'attendait pas forcément à ce qu'ils soient autant à être concernés. "Dans tous les clubs où je suis passé avec Jordan, j’ai toujours entendu parler de joueurs qui n'allaient pas bien. Et ça ne se voyait pas du tout sur le terrain. Donc, je savais qu’il y avait des problèmes, mais voir toutes ces personnes qui m’écrivent me fait me rendre compte que c’est un phénomène assez répandu", constate-t-elle.

"Ils ne s'autorisent pas le droit de flancher"

Quelques semaines après la mort de son mari, elle avait déjà appelé les staffs médicaux des clubs à se renforcer pour veiller sur la santé mentale des joueurs. Mais entre des joueurs qui "ont été habitués à ne pas se plaindre depuis qu'ils sont petits" et des clubs qui tendent à penser en premier aux résultats sportifs, elle estime que la situation n'a pas vraiment évolué.

"C’est un problème propre à un monde sportif et très masculin (...) Il y a cette idée qu’il faut continuer coûte que coûte, même si on a mal et que l’on est épuisés. (...) Ils sont conditionnés à rester debout. Ils ne s’autorisent pas le droit de flancher", juge-t-elle. Parmi les exceptions notables, Owen Farrell a décidé il y a un an de mettre sa carrière internationale entre parenthèses pour privilégier sa santé mentale, manquant le dernier Tournoi des VI Nations.

LP