Comment le rugby veut poursuivre son implantation en banlieue parisienne

Ce samedi après-midi, au Parc du Tremblay à Champigny-sur-Marne, les sections jeunes (6 à 12 ans) du Red Star Club Champigny Rugby ont affronté les équipes de Fresnes lors d’un tournoi.
"Ne soyez pas regroupés en un seul endroit, déployez-vous. Dès que l’équipe adverse a le ballon, chacun son joueur. Et surtout, prenez du plaisir !" Hacene Mekhazni distille les consignes à son équipe des moins de 10 ans, tout ouïe. Depuis cet été, il est l’animateur sportif territorial (AST) employé par la Ligue d’Île-de-France de rugby auprès du Red Star Club Champigny Rugby qui contribue lui à hauteur de 2000€ par an.
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Des séances d’initiation dans les établissements scolaires
Le club val-de-marnais fait partie du projet "24 clubs - 24 QPV et ZRR" (QPV pour quartier prioritaire de la ville et ZRR pour zone de revitalisation rurale), initié par la Ligue d’Île-de-France de rugby dès octobre 2020. Un plan d’un million d’euros avec l’embauche de 24 AST et deux encadrants. Leur but : promouvoir la pratique du rugby et ses valeurs dans les quartiers des clubs retenus.
Hacene Mekhazni est au club que le lundi matin en tant que salarié, et le week-end pour l’entraînement de son équipe lors des matches, il est bénévole comme les autres. En semaine, le reste du temps, il fait la promotion du rugby dans les cinq quartiers prioritaires de la commune. "Depuis le début de ma mission, j’ai déjà fait beaucoup d’ateliers d’initiation dans les collèges, dans les centres de loisirs et dans les maisons de quartier", énumère-t-il.
Pourtant, l’ovalie ne coule pas dans ses veines. "Je viens du handball, j’ai même un diplôme universitaire dans la discipline", prévient le quadragénaire. Mais son inexpérience dans le monde du rugby ne l’empêche pas de transmettre ses valeurs, bien au contraire. Jérôme Rémy est le président du Red Star Champigny Rugby. C’est lui qui a soumis la candidature d’Hacene Mekhazni à la Ligue d’Île-de-France de rugby. "Il n’a pas d’expérience dans le rugby mais beaucoup d’expérience sportive. Que quelqu’un arrive de l’extérieur, c’est même peut-être plus simple. Il réussit à vulgariser la discipline et à s’approprier certains exercices", se réjouit-il.
Comme les 23 autres animateurs sportifs territoriaux, Hacene Mekhazni poursuit sa formation dans sa nouvelle discipline auprès de la ligue francilienne. Mais pour la communication avec les jeunes, il sait y faire, lui-même issu d’un quartier prioritaire. "Je fais passer le respect et la loyauté avant le rugby. Je sais comment les canaliser, ils ont surtout besoin qu’on les écoute", livre-t-il.
"Un travail de longue haleine"
Et son président est comblé. Cela fait depuis plusieurs années que le club cherchait à concrétiser un projet de cette envergure. Jérôme Rémy et les dirigeants du Red Star Club Champigny Rugby sont chargés de trouver et programmer les missions réalisées par l’animateur auprès des établissements scolaires et des autres structures.
"Le but n’est pas simplement de récupérer des licenciés mais que les gamins sortent de leurs quartiers. Il ne faut pas qu’ils en aient honte. Et qu’ils fassent du sport, même si ce n’est pas du rugby. Le rugby c’est la cerise sur le gâteau." Pour faciliter l’accès au rugby, depuis la mise en place de ce projet, le club propose une réduction de 30% sur les licences, initialement fixées au prix de 210€.
"En cumulant le Pass’Sport et les bons CAF, elle peut même ne coûter que 50 euros", calcule Jérôme Rémy. Pour le moment, le club n’a attiré à ses entraînements qu’une dizaine de curieux grâce à ses entraînements, dont cinq convertis en licenciés. "C’est un travail de longue haleine", estime le président.
Le contrat de son AST a une durée d’un an, le président du Red Star Club Champigny Rugby aimerait donc dans un premier temps le prolonger. Le plan est imaginé pour s’étendre à toute la région francilienne. "Il y a 230 QPV et 32 ZRR. Aujourd’hui on traite un tiers de ces quartiers avec nos 24 salariés. On veut réussir à aller partout", projette Florian Grill, président de la Ligue d’Île-de-France de rugby. Et pourquoi pas donner des idées aux autres ligues régionales.
"La Ligue d’Auvergne-Rhône Alpes et celle de Bourgogne-Franche-Comté sont intéressées par le programme et pourraient envisager de le développer", assure Florian Grill. A deux ans de la Coupe du monde de Rugby en France, la conquête des banlieues passe elle aussi par un jeu de gagne-terrain.