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Bernard Laporte : « Le plus beau reste à venir »

Entraîneur de l'équipe de France, Bernard Laporte prendra ses fonctions de secrétaire d'état après la coupe du monde de Rugby.

Entraîneur de l'équipe de France, Bernard Laporte prendra ses fonctions de secrétaire d'état après la coupe du monde de Rugby. - -

Jean-Jacques Bourdin a reçu Bernard Laporte dans son émission Bourdin&Co à l’occasion de l’événement de la rentrée, à savoir, la Coupe du Monde de Rugby.

Jean-Jacques Bourdin : Pour commencer, je suppose que vous avez regardé le match d’hier, opposant le Pays de Galles à la France. Comment avez-vous trouvé ce match ?

Bernard Laporte : J’ai assisté à un beau match, avec des remaniements de joueurs et de postes puisque les joueurs étaient placés à des endroits inhabituels. Mais l’enthousiasme, l’envie et la détermination étaient présents. Il y a certes quelques ballons perdus mais le match parfait a du mal à exister, c’est vers lui que l’on tend.

J.J B : Si j’ai bien compris, les répétitions ont été bonnes puisqu’elles se sont suivies de trois matchs et trois victoires…Les joueurs repartent deux jours chez eux ?

B.L : Tout à fait, ils sont en récupérations actuellement et ce jusqu’à mercredi soir.

J.J B : Vous dites que le plus difficile maintenant c’est de les maintenir sous pression…

B.L : Oui parce qu’il règne un état d’esprit assez extraordinaire de compétition interne, où le respect de celui qui est choisit ou non à la place de l’autre est tout de même omniprésent. Et donc là on va rentrer dans le vif du sujet avec la compétition à proprement parler et il faut garder ce même état d’esprit. On l’a eu sur des matchs amicaux et il faut le conserver sur les matchs officiels. Et c’est pour cela qu’il faut entretenir la volonté et la détermination.

J.J B : Avez-vous en tête la liste des 22 joueurs sélectionnés ?

B.L : Sincèrement non, d’autant plus qu’il va d’abord falloir en discuter avec Jacques Bonniel et Bernard Vivies et c’est alors que nous partagerons nos idées et essaierons de prendre les décisions qui nous sembleront être les meilleures.

J.J B : Les joueurs sont ils bien physiquement ?

B.L : Oui ils sont bien, ils ont été très concentrés et rigoureux dans leur préparation, très professionnels je dirais.

J.J B : Raymond Domenech dit « il a de la chance Bernard Laporte, il a pu avoir ses joueurs pendant deux mois, ce qui ne m’est jamais arrivé pour préparer une coupe du monde ». Vous a-t-il appelé ?

B.L : Non, on ne s’est pas parlé. Ce que l’on a tendance à oublier et qui me fait sourire, c’est que lorsque l’on regarde des équipes telles que celles des Néo-Zélandais, des Sud-africains, des Australiens ou encore des Irlandais, elles sont toute l’année en préparation, contrairement à nous qui n’avons que deux mois et qui pourtant nous estimons déjà heureux. Je crois que si l’on doit parler de chance, l’équipe de France n’en bénéficie pas vraiment ; mais c’est ainsi et l’on fait avec.

J.J B : Quel rôle pensez vous qu’auront les premiers matchs tels que ceux contre l’Argentine ou bien l’Irlande ? La réussite amènerait-elle une totale confiance ?

B.L : Bien sur, car ce qui a déjà été fait a été positif et a donné un capital confiance aux joueurs, mais le plus beau et le plus dur restent à faire. Il faut évidement tenter de réussir notre entrée contre l’Argentine, une équipe que l’on connaît bien puisque ses joueurs évoluent beaucoup en France, une équipe de bon niveau. La suite de la compétition passera effectivement d’abord par un bon match, je l’espère, contre l’Argentine.

J.J B : Qu’est ce que vous craignez ?

B.L : De nature je ne suis pas quelqu’un d’inquiet. Ce que je me dis beaucoup c’est qu’il ne reste plus que sept matchs et surtout plus que deux mois pour partager de belles émotions avec ce groupe qui est extraordinaire ; c’est ce qui m’angoisse le plus.

J.J B : J’ai une anecdote à citer ; vous vous entraînez souvent sur un terrain couvert et synthétique, juste à coté d’une maison de retraite et il semble que les pensionnaires de celle-ci auraient protestés ?

B.L : Je ne sais pas si ce sont les pensionnaires ou la direction mais effectivement comme la salle de musculation est sous ce fameux terrain synthétique couvert et que les joueurs aiment bien faire de la musculation avec la musique assez forte, la direction de la maison de retraite a commencé à se plaindre.

J.J B : J’ai remarqué que les joueurs ont changé de loisirs entre les matchs : avant ils jouaient aux cartes et maintenant ils préfèrent les jeux vidéos …

B.L : Je ne pense pas que ce soit juste dans le rugby, je crois surtout que c’est la nouvelle génération.

J.J B : Parlons un peu du dopage … Le rugby n’échappe pas à la tentation j’imagine et quel est votre discours face à ce sujet ?

B.L : Il faut être très vigilant, ceux qui disent qu’il n’y a pas de dopage dans le rugby se leurrent. Quant à mon discours il est très simple : avant tout, les joueurs français signent une chartre comme quoi ils affirment ne pas prendre de produits autre ceux prescrits par le médecin de la fédération et qui dit que s’ils sont un jour contrôlés positifs, ils ne seront plus autorisés à jouer pour l’équipe de France. A ce jour nous n’avons jamais eu de cas de dopage et l’on en est fier, mais le suivi est constant et primordial. Je souhaite juste que cela continue ainsi et que l’on ne soit jamais confronté à des cas positifs comme cela a pu se produire dans d’autres équipes.

J.J B : Abordons un autre sujet : dans environ un mois et demi vous serez Secrétaire d’Etat de la jeunesse et du sport ; est il vrai qu’un jour, il y a deux ou trois ans, Nicolas Sarkozy vous a appelé sur votre portable et vous a dit « Bernard, prépare toi » ?

B.L : Ca ne s’est pas passé exactement comme ça. Nous courrions ensemble tous les jours pendant nos vacances à Arcachon sur les plages, et un jour il m’a dit « si un jour je suis président de la République, il faudra que tu choisisses ». Alors sur le coup, je fais l’innocent qui n’écoute qu’à moitié parce que cela fait chaud au cœur mais cela me trouble aussi. Et il a insisté et m’a répété « je veux que tu entendes bien ça, un jour il faudra que tu choisisses entre le rugby et ce que je te proposerais ». Et c’est alors qu’il m’a avoué qu’il aimerait bien que je sois au ministère des sports.

J.J B : C’était il y a combien de temps ?

B.L : C’était l’été dernier mais il savait déjà au fond de lui qu’il serait Président de la République. Il a tellement de force en lui, d’ailleurs ne dit on pas que c’est « le premier coach de France ». Moi je dis que je fais le même métier que lui ; certes pas au niveau de la politique mais dans le fait de soutenir des gens, donner de l’envie et de l’enthousiasme. De toutes les personnes que j’ai pu rencontrer je pense que Nicolas Sarkozy est celui qui possède le plus d’enthousiasme et d’énergie en lui et c’est bénéfique de savoir que l’on a quelqu’un comme ça à nos cotés, ça conforte et ça motive.

J.J B : Pourquoi avoir accepté ? Avez-vous hésité ?

B.L : Oui j’ai hésité car c’est très particulier comme situation. Pour commencer, lorsque la rumeur disant que je rejoindrais Nicolas Sarkozy s’il était élu Président de la République, j’ai voulu être honnête avec mes joueurs et je les ai réunis pour leur faire part de ma décision à ce propos. Je leur ai expliqué que la requête de Nicolas Sarkozy était bien réel mais je leur aussi assuré que j’irais avec eux jusqu’à la Coupe du Monde. C’est mon équipe et j’aurai eu le sentiment de culpabilité et d’abandon si je n’avais pas été jusqu’au bout avec eux. Je leur ai expliqué que si la proposition m’était faite, je ne l’accepterai pas, sans savoir alors que le Président et M. François Fillon attendraient quatre mois pour que j’occupe mes fonctions, ce qui est très touchant d’ailleurs. Lorsqu’il a été élu et que l’on m’a demandé de venir après les législatives et que j’ai été convoqué à l’Elysées j’ai expliqué que je ne pouvais pas accepter car je m’étais engagé auprès de mes joueurs. On m’a alors parlé de remplacement et tout en sachant que c’était bien sur possible car personne n’est irremplaçable, j’ai dis que c’était surtout une question de respect et de parole à tenir jusqu’au bout. Et c’est pour cela que je pense que les joueurs ont été à la fois contents que je leur parle franchement et à la fois que je sois nommé.

J.J B : Sans vouloir vous porter malheur, imaginez que l’équipe de France soit éliminée en pool ou même en quart de finale et ensuite vous devenez Secrétaire d’Etat, ne craignez vous pas que cela pèse sur votre fonction ?

B.L : Non, je dirais qu’il n’y a que la mort et la maladie qui pèsent. Si l’on est éliminé dans les premiers matchs il s’agira simplement de dire que nous sommes moins bons que les autres.

J.J B : Quels sont les premiers dossiers sur lesquels vous aimeriez travailler en temps que Secrétaire d’Etat ?

B.L : Tous les dossiers du sport m’intéressent, que ce soit amateur ou professionnel il s’agit surtout d’aider les gens et c’est ce qui est selon moi le plus important.

J.J B : Je crois savoir que vous êtes aussi très intéressé par les banlieues et les jeunes qui devraient selon vous faire bien plus de sport … On ne fait pas non plus suffisamment de sport à l’école … Allez vous aussi essayer de gérer ce genre de soucis ?

B.L : Oui car je crois que lorsque l’on est Ministre du Sport il faut lui donner une valeur noble et cela commence dans les écoles, mais cela ne dépend pas que du Ministère des Sports mais bien plus de l’Education Nationale. C’est pour cela que je pense qu’il y a un gros travail en commun à faire entre les ministères pour faire en sorte que le sport soit intenté de façon plus importante. Le sport véhicule les valeurs et ces valeurs la, si l’on ne les apprend pas à l’école, on ne les apprendra jamais ou peu. Quant aux banlieues il est clair que les jeunes y sont bons et qu’il faut les aider.

J.J B : Pensez vous vous engager politiquement ? Vous aimeriez être candidat à un poste de député ou de sénateur par exemple ?

B.L : Non, aujourd’hui ce n’est pas réellement ce dont j’ai envie.

J.J B : Et si Nicolas Sarkozy vous le demande ?

B.L : C’est sûr que s’il me le demande je m’interrogerais mais ce n’est pas à l’ordre du jour. Pour commencer c’est un milieu et un métier qu’il va falloir que je découvre progressivement et je vais le faire calmement, avec beaucoup de passion et c’est alors que je verrais. Si cela me plait pourquoi pas envisager un poste dans la politique et sinon je continuerais comme ça. Au départ je n’ai rien demander à personne si je puis dire, je vais donc profiter de mon privilège. Je ne veux pas faire de plan sur la comète, je verrais bien en temps et en heure et avant je veux surtout observer, apprendre et savourer.

-Bourdin & Co