Et si le rêve néo-zélandais virait au cauchemar ?

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C’était il y a presque cinq ans. La Nouvelle-Zélande était choisie par l’International Rugby Board (IRB) pour accueillir la septième Coupe du monde de rugby. Une fierté pour les 4,3 millions d’habitants du pays, tout heureux de répondre à un cahier des charges pourtant très strict.
Sauf que les exigences de l’IRB ne se limitent pas aux stades et à l’hébergement et que les Néo-Zélandais ont rapidement déchanté. « Est-ce que cette Coupe du monde va valoir le coup ? C’est une question embarrassante, confie Mark, moniteur de voile à Takapuna Beach. Mais c’est celle que se posent tous les Néo-Zélandais moyens. »
La règle, c’est que la Nouvelle-Zélande fournisse à l’IRB des stades clé en main pour le bon déroulement de la compétition. Mais elle lui laisse aussi la location des loges et des meilleures places, ainsi que la gestion des buvettes autour des enceintes. En clair, il ne reste aux Néo-Zélandais que la vente des billets restants pour espérer faire des bénéfices.
Mais même si le maximum de 1,65 millions de places à vendre trouve preneur, l’affluence de cette Coupe du monde marquera un recul très net. A nombre égal de matchs (48), la France avait par exemple vendu 2,2 millions de billets en 2007. Autre souci, seulement un tiers des tickets ont pour l’instant été vendus… A 100 dollars néo-zélandais (57 euros) le match Ecosse-Géorgie, les acheteurs ne se bousculent pas.
Laidlaw : « Les All Blacks pourraient disparaître »
Pour l’instant, les organisateurs de la Coupe du monde se félicitent d’annoncer un bénéfice prévisionnel de 500 millions de dollars néo-zélandais (283 millions d’euros). Un chiffre brut acceptable mais qui fâche si l’on prend en considération les investissements colossaux consentis par les contribuables et les entreprises privées (un quart de financement public, trois-quarts privés) : 2 milliards de dollars néo-zélandais (1,13 milliards d’euros) investis rien que dans la construction et la rénovation des stades !
Quoi qu’il arrive, le gouvernement compensera le déficit de cette Coupe du monde. Il espère en tirer des bénéfices touristiques à long terme. Mais il devrait aussi augmenter les impôts de 5 % pendant plusieurs années, alors que l’économie est touchée de plein fouet par la crise.
« Le pays et les All Blacks sont sur le fil du rasoir », assure Chris Laidlaw. A 67 ans, le vice-président du conseil régional de Wellington est l’une des légendes du rugby néo-zélandais (57 sélections). C’est aussi l’un des principaux opposants à cette Coupe du monde. « Il y a eu énormément d’investissement et de sacrifices pour mettre les All Blacks dans les meilleures conditions. S’ils remportent la Coupe du monde, les gens trouveront ça normal. S’ils échouent, il y aura du grabuge. Le rugby néo-zélandais en tant que sport majeur sera en très grand danger et le temps des All Blacks professionnels surpayés pourraient disparaître… »
Dans un an, les All Blacks auront beaucoup à perdre. Certainement pas autant que les Néo-Zélandais.