Les vieux grognards ne veulent pas se rendre

Les trentenaires William Servat et Jean-Baptiste Poux savent qu'une defaite samedi contre l'Angleterre signifierait certainement l'un de leurs derniers matches en bleu - -
« C’est ma dernière Coupe du monde. Je ne vivrai certainement plus ça. Alors, je suis en train de me dire : "Qu’est-ce que j’ai foutu ?" Si ça se trouve, il ne me reste que 80 minutes à jouer avec ce maillot bleu. » C’est un Lionel Nallet émouvant qui a fait son mea culpa mardi, trois jours après l’humiliante défaire contre les Tonga (19-14), et surtout quatre jours avant le quart de finale face à l’Angleterre. Ce choc entre deux équipes qui se disputent saison après saison la suprématie de l’hémisphère Nord, 80 minutes qui pourraient, en cas de succès du XV de la Rose, envoyer un wagon d’anciens au musée Grévin. Battus en demi-finale par Albion en 2003 (24-7) et en 2007 (14-9), les grognards de ce XV tricolore version Lièvremont ne veulent pas mourir sur le pré de l’Eden Park Stadium d’Auckland.
Imanol Harinordoquy, Cédric Heymans, Julien Bonnaire, David Marty, Vincent Clerc, Pascal Papé, Julien Pierre, Jean-Baptiste Poux, autant de trentenaires emmenés par le doyen Nallet et ses 35 bougies, qui voient le sablier de leur carrière internationale s’écouler. Les pitbulls de Martin Johnson, avec maestro Wilkinson à la baguette, pourraient donner le coup de botte létal. Plus fort encore que cette tape sur l’épaule pourtant détestée par les Coqs gaulois, signature des Anglais après chaque succès remportée sur leur meilleur ennemi d’Outre-Manche. « Ils ont brisé nos rêves plusieurs fois, notamment en 2003 et en 2007, ils ont quitté le match en nous disant leur fameux ‘Good game’, on a envie de changer le cours de l’histoire », jure Vincent Clerc, 30 ans, l’ailier international de Toulouse. Les « vieux » Bleus ont gardé entre travers de la gorge l’échec de la demi-finale de 2007.
Dans son antre du Stade de France, sous les yeux de son public, au terme d’un match irrespirable, qui avait éteint les velléités françaises de renverser une nouvelle montagne après celle des Blacks en quarts, le XV de Bernard Laporte a rendu gorge sans combattre. Annihilé de l’intérieur, à l’image de sa défaite contre les Tonga, ou au printemps en Italie (22-21).
Servat : « On oublie parfois que porter ce maillot, c'est un honneur »
« En 2007, on a perdu contre moins fort. On a le droit de perdre mais contre plus fort, et ce n’était pas le cas », lance Julien Bonnaire, le troisième-ligne de Clermont. Car contre cet adversaire, jamais aussi bien préparé que pour une Coupe du monde, il est interdit de partir avec un handicap. Dimitri Yachvili, qui, alter ego de Wilko, a souvent fait parler sa botte contre le XV de la Rose, parle avec justesse de « ces Anglais ». « J’ai passé un an en Angleterre (Gloucester, 2001/2002). Ma haine pour eux s’est transformée en un profond respect vis-à-vis de tout ce qu’ils font au quotidien. Ils s’entraînent beaucoup, ils mettent beaucoup de cœur dans tout ce qu’ils font. C’est pour ça qu’on les déteste et qu’on les apprécie à la fois. » Se hisser à leur niveau d’exigence afin de rester debout, et voir encore demain le soleil se lever sur la baie d’Auckland. « Ça fait partie de mes derniers matches sous le maillot tricolore, lâche le talonneur toulousain William Servat. J’ai l’objectif de le porter encore un peu plus longtemps. Porter ce maillot, c’est un honneur, on a parfois tendance à l’oublier, mais on ne l’oubliera pas samedi. »