
Tuilagi, le Samoan des Anglais

Manu Tuilagi - -
Si son nom était floqué sur son maillot, les spectateurs du monde entier auraient la confirmation ultime de ses origines. Manu Samoa Tuilagi joue pour l’Angleterre, au cœur de sa ligne de trois-quarts. Un monstre physique (1m85, 111kg) né en 1991 à Savaï, une île du Pacifique où ont grandi ses six frères. Leur force a conquis l’Europe du rugby. De Leicester à Perpignan, en passant parfois par Parme ou Cardiff, les Tuilagi ont semé sur les terrains la puissance qui caractérise ces guerriers venus de loin, de très loin. Manu, lui, a quitté très jeune les Samoa pour pousser aux côtés de ses aînés. En Angleterre.
Sélectionné dans toutes les équipes de jeune, il porte logiquement aujourd’hui le maillot du XV de la Rose et sera l’une des principales menaces pour l’équipe de France demain à Auckland (9h30, heure française). Morgan Parra, 30 kg de moins, sera dans son viseur. S’il a marqué deux essais depuis le début de la Coupe du monde, c’est surtout son amende de 10 000 dollars néo-zélandais qui a attiré l’attention. Comme son frère Alesana, qui joue lui pour les Samoa, Manu a arboré un protège-dents avec le nom apparent du fabricant. De quoi fâcher l’IRB, qui a puni les deux frères. Mais ça n’empêchera jamais le cadet de continuer à sourire, alors qu’il reste imperméable à l’intérêt qu’il suscite.
Un permis de séjour expiré
Pour parler des Tuilagi, il vaut mieux partager un café en fin de matinée avec l’un de ses frères, Henry (35 ans), à Perpignan, ou le troisième ligne évolue depuis quatre ans. Forfait pour la Coupe du monde, le Samoan de l’USAP (1m85, 128kg) commande un grand chocolat chaud et trois gros friands. Et observe pendant dix minutes son interlocuteur, pour mieux le connaitre, avant de raconter la formidable histoire familiale. « Je suis fier de tous mes frères, confie le colosse à la voix douce. Et on est tous fiers de Manu. Il a fait toute sa scolarité en Angleterre, il a joué avec les moins de 18, les moins de 19, les moins de 21. C’est le premier Samoan à jouer pour l’équipe d’Angleterre, c’est une grande réussite pour lui. Mais aussi pour sa famille et même pour les Samoans. »
Manu et Henry se parlent tous les jours, grâce à Skype. S’encouragent, se protègent malgré la distance et partagent la même passion. « Tout à la maison tourne autour ou a un rapport avec le rugby » confirme Henry, dont les sept enfants, trilingues (samoan, anglais, français) sont scolarisés au Canet-en-Roussillon. Le « crunch » France-Angleterre, Henry le vivra dans le camp anglais. « J’ai des amis en équipe de France, j’espère qu’ils vont bien jouer mais je vais supporter l’Angleterre ». Le pays qui a retenu son petit frère au printemps 2010, quand le permis de séjour de la pépite arrivait à expiration. Son éclat était trop prometteur pour qu’elle échappe à un avenir doré avec le XV de la Rose.
Le titre de l'encadré ici
Le frère devenu soeur |||
Parmi les sept frères Tuilagi, un seul n’est pas porté sur le rugby. Et pour cause. C’est des talons plutôt que des crampons qu’il porte aux pieds. « Olo'Tuli », ou Julie, a 33 ans. Une tradition samoane voudrait que le troisième fils soit élevé comme une fille. Henry, lui, dément et apporte une autre version. « Ce n'est pas une tradition samoane, ce n'est pas notre tradition, assure le Perpignanais. Si tu grandis et que tu veux t'habiller comme une fille, tu t'habilles comme une fille. Il a choisi sa vie mais ces références à la tradition, c'est de la merde (sic). C'est son choix et je le respecte. » Les clubs européens devront se contenter de Freddie, Henry, Alesana, Anetelea, Vavae et Manu…