Un hold-up en questions

Nicolas Mas, Thierry Dusautoir, Fulgence Ouedraogo et Julien Pierre - -
Les Bleus ont-ils eu peur ?
OUI. Ô combien ! Grâce au 3/3 de Morgan Parra sur pénalité, l’équipe de France mène de six points à la 50e malgré ses ballons échappés, ses fautes ou encore son manque de solutions offensives. Mais les trente dernières minutes sont galloises. Mike Phillips passe entre Pascal Papé et Lionel Nallet, aplatit (58e) et plonge les Bleus dans l’inquiétude. « On s’est fait peur, tout simplement, reconnait Morgan Parra. On a peut-être joué avec la peur au ventre, aussi. » La peur de gagner, d’effacer deux échecs en demies, en 2003 et 2007 ? Ou de la suffisance ? « On a beaucoup trop stressé, regrette Vincent Clerc. On a laissé constamment l’initiative aux Gallois. La peur et le stress nous ont empêchés de nous lâcher offensivement. Après, on a été très bons en défense. C’est ce qui a sauvé notre match. »
Peuvent-ils remercier les Gallois ?
OUI. Il faudrait mettre une petite mention sur le billet pour la finale. Si les Bleus auront l’occasion dimanche prochain de devenir champions du monde pour la première fois de leur histoire, ils le doivent à la générosité des Gallois. A leur naïveté, mise en exergue par leur incapacité à profiter des situations dangereuses de drop des dernières minutes et surtout par le geste incompréhensible de Sam Warburton dès la 18e. Son expulsion a changé le cours du match. A leur maladresse, illustrée par les échecs de James Hook. Après avoir passé une première pénalité en coin (8e), le futur Perpignanais en a manqué deux face aux poteaux. Stephen Jones et Leigh Halfpenny n’ont quant à eux pas réussi à redonner l’avantage aux Gallois sur deux drops tentés en fin de match. Sans oublier la transformation sur le poteau du seul essai du match qui aurait mis les Gallois à 10-9… Un total de six coups de pieds ratés qui représentent 17 points laissés en cours de route. « On a eu la baraka, sourit Pascal Papé. Les Gallois auraient pu gagner avec la dernière pénalité. Je crois que les dieux du rugby étaient avec nous. »
Etaient-ils levés du bon pied ?
NON. Comme si les vieux démons de Sydney, de l’élimination pluvieuse en 2003 face aux Anglais, avaient ressurgi avec les averses sur Auckland. La lacune du jeu tricolore est réapparue au grand jour. Elle avait été reléguée au second plan par la bonne entrée de François Trinh-Duc le week-end dernier face à une équipe d’Angleterre catastrophique dans ce domaine. Mais contre le pays de Galles, la réussite de Morgan Parra aux pénalités n’a pas suffi à effacer la pauvreté de ses coups de pied. Avec des touches trop courtes, des chandelles ratées et des renvois directement dans les bras gallois, le Clermontois, qui a par ailleurs été tranchant ballon en main, a montré ses limites à l’ouverture. Diminué, Dimitri Yachvili n’a pas été d’une grande aide. Le meilleur coup de pied a finalement été signé Maxime Mermoz. « Il faudra faire mieux offensivement, plus conserver le ballon si on veut être champion du monde », prévient Vincent Clerc.
Ont-ils des exemples à suivre ?
OUI. Depuis qu’ils ont posé le pied en Nouvelle-Zélande, qu’ils ont vu leurs difficultés chroniques à construire des mouvements léchés, certains Bleus sont devenus de fervents pragmatiques. « Peu importe la manière », avoue Vincent Clerc, dont le compteur d’essais est resté bloqué à six. « Il y a peut-être effectivement beaucoup de personnes que ça ennuie qu’on soit en finale, reconnait le capitaine tricolore, Thierry Dusautoir. C’est vrai qu’on n’a peut-être pas beaucoup de talent. Mais on a du cœur. Et à partir d’aujourd’hui, on peut dire que ça peut suffire pour être en finale de la Coupe du monde. » Sacrés en 2003 et 2007 avec une approche similaire, « « un rugby restrictif » consent Dimitri Yachvili, les Anglais et les Sud-Africains, même pas dans le dernier carré cette année, ne seront pas les plus peinés de voir les Bleus en finale dimanche prochain.