Yachvili : « Se saigner pendant 80 minutes »

Dimitri Yachvili - -
Dimitri Yachvili, est-ce que l’humiliation contre les Tonga (14-19) a été digérée ?
Seul le résultat de samedi nous le dira. Ce qui est sûr, c’est que pas mal de choses ont changé. On a beaucoup parlé, sans le faire pour rien comme par le passé. On a mis le doigt sur les problèmes réels de l’équipe. Sans mettre les ingrédients nécessaires, à savoir l’agressivité et le cœur, ça ne sert à rien de travailler quoi que ce soit sur le terrain.
Dans quel état est le groupe ? Mortifié ?
Non. Blessé dans notre orgueil, plutôt. On l’est par rapport à notre match contre les Tonga mais aussi par rapport aux supporters français qui étaient venus nous encourager. Maintenant, on doit passer à autre chose parce qu’on a un quart de finale de Coupe du monde à jouer. Samedi, ce sera un tout autre match à jouer et je l’espère, on montrera un tout autre visage de l’équipe de France.
Certains joueurs disent que jusqu’ici, vous aviez du mal à vous dire les choses, de peur de vous vexer...
C’était peut-être ça le problème. C’est un mal très français de mettre le doigt sur ce qui ne va pas en cas de gros échec. J’espère que ça nous servira de leçon. Maintenant, nous sommes de grands garçons et on n’avait pas spécialement besoin de perdre contre les Tonga pour tout remettre à niveau. C’est chose faite. Il ne nous reste plus qu’à tout donner contre l’Angleterre.
Que vous inspire cette équipe d’Angleterre ?
On la respecte beaucoup parce qu’elle a des bases vraiment solides : une grosse mêlée, une bonne touche, une défense disciplinée, un ouvreur décisif comme Jonny Wilkinson, ainsi qu’un puissant trois-quarts centre, Manu Tuilagui, capable à lui tout seul de briser la ligne de défense adverse. Et puis, les Anglais n’ont encaissé qu’un seul essai depuis le début de la Coupe du monde. Nous devrons donc mettre beaucoup de pression. Ils ont été meilleurs que nous lors de la dernière Coupe du monde. Mais aujourd’hui nous sommes prêts à inverser la tendance. Si nous jouons comme contre les Tonga, on n’aura aucune chance. Mais ce samedi, vous verrez une autre équipe que celle alignée le week-end dernier.
Qu’est-ce qui fera la différence, selon vous ?
Notre capacité à relever le défi physique, à les agresser, à se jeter sur tous les ballons. Ce ne sera pas facile mais on sera prêt. Il faut que l’on remette du cœur dans ce que l’on fait. Le week-end dernier, on ne l’a pas fait, on a trop subi et on s’est posé trop de questions. On était encore dans la réflexion de notre jeu. Il faut arrêter de réfléchir maintenant. Si on a une bonne conquête, une bonne défense et l’envie, pendant 80 minutes, de se saigner, le jeu viendra tout seul. On ne s’est pas entraîné durant trois mois pour sortir en quart de finale.
Existe-t-il encore un climat de haine envers les Anglais ?
Dans les années 90, c’était le cas oui. Mais plus maintenant. J’ai passé un an en Angleterre (Gloucester, 2001-02). Ma haine pour eux s’est transformée en un profond respect vis-à-vis de tout ce qu’ils font au quotidien. Ils s’entraînent beaucoup, ils mettent beaucoup de cœur dans tout ce qu’ils font. C’est pour ça qu’on les déteste et qu’on les apprécie à la fois.
Y aura-t-il, au moins, un sentiment de revanche autour de ce match, après les défaites en demi-finales des Coupes du monde 2003 et 2007 ?
Non, pas de revanche. La seule qu’on a envie de prendre, c’est contre-nous mêmes. C’est tout. Et puis, on est en quart de finale. Il n’y a que les meilleures équipes au monde en jeu. Aussi, jouer l’Angleterre à ce stade de la compétition nous motive énormément.