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Dopage et rugby : des liaisons dangereuses ?

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Journaliste et auteur de révélations édifiantes sur Lance Armstrong, Pierre Ballester pointe aujourd’hui sa plume sur le rugby, dans un livre à paraître le 5 mars. En exclusivité, L’Express en publie, ce mardi, certains extraits éloquents qui tendent à établir une relation nourrie entre le dopage et le monde de l’Ovalie.

Aux origines, les amphétamines

« Les amphétamines ont toujours existé dans le rugby et ailleurs », y confie Jacques Mombet, médecin du SU Agen de 1960 à 1975, puis du XV de France jusqu’à 1995. « Dans les années 1970, des équipes entières en prenaient, d'autres non (…) Comme c'était généralisé, je l'ai vu également en équipe de France. Ils avaient chacun leur pilule devant leur assiette lors du repas d'avant match », assure celui qui a pris le costume de président de la commission médicale de la FFR jusqu'à la fin des années 1990 et est toujours membre actif de l’AFLD. Mombet assure « que tout le monde le savait », notamment à Fédération, y compris le président de l’époque, Albert Ferrasse.

Ventoline et corticoïdes, substances à la mode

Au cours des années 1990 puis 2000, la ventoline puis les corticoïdes auraient successivement fait leur arrivée conjointement avec celle du professionnalisme. « Le Dr Mombet reconnaît que la mise en place du professionnalisme dès 1995 n'a fait qu'accélérer la mécanique de la conduite dopante, avec notamment l'arrivée de joueurs étrangers provenant en bonne part de l'hémisphère Sud, plus particulièrement d'Afrique du Sud ». « "La Ventoline [NDLR : traitement contre l'asthme qui permet aussi de masquer la prise d'amphétamines] a été à la mode pendant un long moment chez les professionnels", admet Jacques Mombet. "Des joueurs avaient même un flacon avec eux en permanence et ils le glissaient dans l'une de leurs chaussettes ! (…) Quant aux corticoïdes, ils sont apparus dans le monde du rugby au début des années 1990, et le summum se situe dans les années 2000. On commençait déjà à aller au plus pressé, car les corticoïdes favorisent la cicatrisation et la récupération. Pour un oui, pour un non, les médecins des clubs professionnels prescrivaient des injections de "corticos" en veux-tu, en voilà ! C'était affolant ! »

La protéine au soutien

Avec l’obligation des AUT (« Autorisations d’usage à des fins thérapeutiques »), les joueurs ont progressivement dû se tourner vers les compléments alimentaires. « "Quand je suis arrivé au Stade Français, c'était déjà un sujet important entre les joueurs", explique le Dr Alexis Savigny. "Les gars du Sud, les internationaux, venaient avec leurs pots sous le bras. C'est une pratique très anglo-saxonne, ils pourraient ne manger que ça. »

Un avenir qui sent la poudre

Si la lutte antidopage se révèle aujourd’hui incapable d’endiguer le système, celui-ci ne devrait pouvoir perdurer infiniment, comme en attestent certains observateurs. « Une surveillance et des contrôles qui débouchent au mieux sur des soupçons, entre des molécules connues mais indétectables, d'autres, inconnues, qui arrivent sur le marché, le juteux business qui en découle, des pays qui n'ont pas de réglementation ou si peu, la lutte antidopage se casse les dents sur un mur. [...] ‘’Ça va péter, j'en suis convaincu, mais par un biais inattendu, comme ce fut le cas dans le cyclisme avec l'arrestation du soigneur de Festina Willy Voet [NDLR : en 1998]", nous ont confié presque d'une même voix trois observateurs différents.

la rédaction