Jacques Brunel à la rencontre de Pierre Mignoni: "Créer notre propre modèle français"

Pierre Mignoni, comment s’est déroulée la visite de Jacques Brunel et de son staff jeudi et vendredi ?
Très bien. Nous avons beaucoup échangé. C’est le but, surtout pour les joueurs qui y trouvent leur intérêt sur le plan du rugby et du physique. Et c’est toujours plaisant d’échanger avec Jacques et son staff. On se connait très bien. Je l’ai eu la chance de l’avoir comme entraineur, il y a un petit moment ! (Rire) Nous avons une relation franche.
Jacques Brunel, êtes-vous également satisfait ?
Oui, c’est enrichissant. Je ne connaissais pas de l’intérieur le LOU, son fonctionnement, le staff. Les échanges se font de manière plus globale. C’est bien aussi qu’on aille voir les joueurs dans leur milieu. Je sais, par les retours des clubs que j’ai visités, qu’ils sont contents qu’il y ait ces échanges et ce suivi. C’est quand même eux qui sont au centre de notre activité. Globalement, ils sont huit mois avec leur club et trois mois avec l’équipe de France. Et l’essentiel de leur progression va se faire à travers le club. Nous, on ne sera là que pour continuer ce travail, juste ponctuellement.
Jacques, depuis votre prise de fonction, vous avez beaucoup insisté sur cette collaboration avec les clubs de Top 14. Est-ce parce qu’il n’y en avait pas assez auparavant ?
Je n’ai pas trop à juger ce qui a été fait avant. Mais il faut observer comment le rugby mondial fonctionne. La plupart des pays est sous le couvert de la fédération, avec des franchises qui sont contrôlées et qui travaillent ensemble autour de l’équipe nationale. Les seules entités différentes sont les Anglais et la France. L’Angleterre a trouvé un mode de fonctionnement depuis plusieurs années entre la fédération et les clubs qui fait qu’ils sont efficients. Nous, nous devons créer notre propre modèle et on commence à chercher à travers ces rencontres à créer une unité autour de l’équipe nationale.
Pierre, vous connaissez bien à la fois les problématiques des clubs et de la sélection. Les objectifs sont-ils parfois contradictoires ?
Le club a une place très importante. Comme l’a dit Jacques, on ne fonctionne pas sous forme de franchises, mais bien des clubs. L’équipe de France est au milieu, mais c’est aussi la vitrine du rugby français, d’où l’importance de se réunir et de trouver des solutions pour que les joueurs puissent en bénéficier. Jacques a totalement raison, il faut créer notre propre modèle français sans copier ce que font les autres. C’est mon avis et celui de Jacques aussi. Nous, français, que devons-nous faire de bien? Que devons-nous mettre en place? Et ces discussions que l’on a eues avec les managers et avec le sélectionneur, c’est une grosse étape. Maintenant, il faut que les gens qui nous dirigent se mettent eux aussi autour d’une table et mettent les bonnes dispositions pour tout le monde. Quand on voit les résultats de ces dernières années, nous sommes tous malheureux. L’équipe de France doit avoir une place forte. Je suis sûr que nous avons de très bons jeunes et un gros potentiel.
Jacques, avez-vous découvert des joueurs ?
J’ai découvert des clubs de l’intérieur et des joueurs, et à travers des conversations nous n’avons pas parlé que des sélectionnés, mais aussi d’autres joueurs qui composent l’effectif. Cela a été le cas à Lyon sur des joueurs qui ont un potentiel futur et que nous allons continuer à suivre dans les mois prochains. On ne s’est pas arrêté à ceux qui sont déjà sélectionnés.
Cette collaboration a aussi pour but d’améliorer le système de préparation physique (estivale) des internationaux… Vous êtes d’accord ?
JB : On a fait le constat que cette préparation n’était pas efficiente et on va la modifier. Elle va rester sous le contrôle des clubs en collaboration avec l’équipe de France. Ils vont rester dans leur cadre, on ne pas les dissocier comme cela avait pu être fait dans le passé. Il n’y a pas de raison que ça soit fait à part, sous le contrôle exclusif de la fédération.
PM : Oui, bien sûr. On parle beaucoup de rugby mais c’est important qu’il y ait une très bonne communication entre les préparateurs physiques pour le suivi des joueurs. Après, concernant ce qui avait été fait par le passé, il fallait bien essayer des trucs. Aujourd’hui, tout le monde partage le même constat et on va s’en servir pour mettre des choses en place.
Aimeriez-vous encore davantage travailler tous les deux ? Pierre, pourriez-vous intervenir pour des rassemblements ?
Non, je suis à plein temps à Lyon. Il n’y a pas de débat. J’irai voir avec plaisir Jacques et son staff au mois de novembre ou pendant le Tournoi. Il a ouvert la porte à tout le monde. J’irai pour échanger, mais en aucun cas sur le terrain.
Jacques, souhaitez-vous toujours vous appuyer sur des entraineurs de Top 14 ?
Oui, mais cette question est aujourd’hui close. Comme l’a dit Pierre, ils sont totalement impliqués dans leurs clubs. C’est compliqué, même si l’idée avait été évoquée. Cela faisait partie des solutions que l’on cherchait pour avoir cette relation entre les clubs et l’équipe nationale. Aujourd’hui, elle est sous une autre forme avec des contacts réguliers et des visites. Elle peut être effectivement sur des venues ponctuelles pour observer dans le cadre la compétition en l’équipe de France (ndlr : comme cela sera le cas lors de la tournée en Nouvelle-Zélande). Mais une implication plus constante, comme évoqué à une époque, ne peut pas se faire.
Brunel : "Un jour ou l’autre, Pierre sera sélectionneur"
Jacques, vous avez l’avantage de connaitre très bien tous les managers de Top 14…
C’est un avantage mais aussi un inconvénient, c’est lié à l’âge ! (Rire) On va effectivement garder l’aspect positif (Rire). C’est vrai que j’en connais pas mal ! C’est plus facile.
Pierre, vous verriez-vous dans la peau de Jacques Brunel et du sélectionneur?
Ce n’est pas du tout le sujet d’actualité. Un jour, oui. C’est comme quand on est joueur. Si un jour, j’ai l’opportunité d’entrainer l’équipe de France… J’ai encore beaucoup de travail à faire sur moi-même. Jacques a beaucoup d’expérience et moi je suis encore un jeune entraineur.
JB : Ce sont deux métiers différents. On en parlait justement entre nous. Il faut avoir bien connaitre ce qu’il fait actuellement. Il faut avoir fait le tour de ce que l’on peut faire en club pour vouloir aller en équipe nationale. Il ne peut pas le dire, moi oui : un jour ou l’autre, il y sera. Tôt ou tard.
PM : (Sourire) C’est gentil mais ce n’est pas d’actualité. Je l’ai vécu en tant que joueur, ce n’est pas bon d’aller trop vite. Cela m’a plutôt desservi et je ne veux pas faire mes les mêmes erreurs. Je me construis différemment.
Pour finir, Pierre, qu’est-ce que cela vous fait de voir Jacques à la tête du XV de France ?
Je ne suis pas trop surpris. Je l’ai connu comme entraineur lorsqu’il était adjoint de Bernard (Laporte). Sa nomination ne m’a pas étonné. Je suis très content pour lui. On l’a dit, il a beaucoup d’expérience. Des choix ont été faits par rapport à la situation d’urgence. Pour moi, c’est la bonne solution. Je lui souhaite de gagner la Coupe du monde, beaucoup de réussite. On a envie de voir l’équipe de France gagner. Je le dis sans arrière-pensée.