Jacques Brunel: "J’en veux aux joueurs"

Jacques Brunel, au lendemain de la défaite face aux Fidji (14-21), quelles sont les explications de cette défaite ?
Je peux l’expliquer assez facilement. Nous n’avons pas mis les paramètres nécessaires pour aller vers la victoire. C’est l’engagement physique, l’agressivité, l’implication que l’on doit mettre ainsi que la continuité dans notre jeu face à de tels joueurs. Nous n’avons pas su avoir suffisamment d’exigence sur ces paramètres-là et tout est devenu compliqué.
Quel a été votre message aux joueurs samedi soir et dimanche matin ?
Encore une fois, nous sommes passés au travers et nous n’avons pas montré de continuité après deux performances de qualité. On se sent que quelque chose se construit et puis nous avons encore cet accident, qui va faire que nous allons encore avoir des doutes. C’est ça qui est terrible. Nous n’avons pas eu l’exigence qu’il fallait. Nous sommes repartis en arrière et il faudra refaire la marche avant. Malheureusement, on va perdre du temps. C’est un retour en arrière. On pensait que quelque chose se créait.
En voulez-vous à vos joueurs ?
Oui, bien sûr qu’il a une frustration terrible et j’en veux aux joueurs de casser une dynamique. C’est ça qui m’exaspère. Il y a deux solutions. Soit on dit qu’ils ne sont pas capables, alors qu’on avait su se mettre au niveau sur les deux matchs précédents, soit on garde cette dynamique sans oublier ce qui s’est passé, sans désespérer de tout. C’est le message que l’on veut faire passer en mettant chacun devant ses responsabilités sur le degré d’exigence. On ne peut pas supporter qu’il y ait des niveaux de performances inégaux d’une période à une autre. Il faut élever ce degré d’exigence mais pas juste quand on vient pendant une à trois semaines. Il faut que les joueurs cherchent à s’améliorer sur tous les secteurs quand ils ne sont pas avec nous.
Plusieurs joueurs, notamment les plus anciens, parlaient de honte, samedi soir après le match…
Dieu merci ! Heureusement qu’il y a une honte. Quand on porte ce maillot, on doit défendre les couleurs de son pays, montrer une belle image et gagner si possible. Heureusement qu’il y a de la déception, de la frustration et de la colère. Pour ma part, j’ai connu d’autres désillusions dans ma carrière, ce qui est important est de savoir comment on va rebondir derrière. Malheureusement, nous devons encore attendre deux mois avant la prochaine rencontre. J’espère que des joueurs vont montrer des choses durant cette période et que nous arriverons avec un gros sentiment de revanche sur le Tournoi des VI Nations.
Le rugby français pensait avoir touché le fond l’an dernier avec le match nul contre le Japon…
Oui, c’est ce qui va ressortir. On va dire que ça recommence. Je n’étais pas là l’an dernier mais durant les trois semaines de préparation, et même cette semaine, nous n’avons pas négligé l’adversaire. On n’a pas pris les Fidji de haut mais peut-être que le contexte a joué en mettant en exergue la qualité des Fidjiens. Peut-être que nous en avons trop parlé. Sur l’ensemble de cette tournée, il y a eu malgré tout une construction intéressante avec une ossature qui semblait prendre forme. Moi, je veux me dire que ce n’est pas une illusion, à condition que chacun revienne avec un gros sentiment de revanche et la volonté d’aller beaucoup plus loin. Ce n’est pas cet échec qui va me couper les jambes ou me désespérer de la France. Je vais plutôt regarder le verre plein que le verre vide.
Avez-vous toujours la même détermination ?
Oui, sinon il valait mieux que je reste chez moi tranquille. Je connaissais la tâche pour y avoir déjà été. Je connaissais l’ampleur du travail et l’écho médiatique que ça représente. Cela ne va pas m’empêcher de voir un bel avenir à cette équipe.
Jamais vous ne vous êtes demandé ces derniers temps ce que vous étiez venu faire dans cette galère ?
(Rires) Non, pas après les matchs contre l’Afrique du Sud et l’Argentine. Mais oui, peut-être cette nuit j’ai pu y penser, même si je n’ai pas dormi. Je me suis dit "Qu’est-ce que tu as loupé cette semaine?". Mais je ne désespère pas.
Que devrez-vous changer en vue du Tournoi et de la Coupe du monde ?
Il faudra changer la seule chose qui nous manque aujourd’hui, à savoir de la constance. De la constance dans le contenu et les exigences qu’il faut mettre pour réaliser une performance. C’est notre mal. Avec l’équipe de France, cette exigence ne peut se concrétiser qu’au quotidien. Tous les jours, les joueurs doivent avoir l’exigence d’aller plus loin, plus haut. Le tout dans leurs clubs car ils ne sont pas avec nous. Il faut trouver cette exigence à l’intérieur de chacun et j’espère que cette désillusion face aux Fidji va booster les joueurs et les pousser à vouloir aller plus loin afin de porter à nouveau ce maillot et de défendre de manière différente cette équipe de France.
La grande satisfaction individuelle est le niveau affiché par votre capitaine Guilhem Guirado…
Guilhem Guirado, je n’ai jamais douté de lui. Je le connais depuis très, très longtemps, donc je n’ai jamais douté de lui. Certains disaient qu’il pouvait être un peu fatigué, un peu en baisse, qu’il jouait moins et ceci et cela… On a voulu l’économiser pendant l’été puisque dans une carrière où on a beaucoup joué, il faut savoir prendre des temps pour régénérer. Mais je n’ai jamais douté, ni de son implication, ni de son rôle de leader et ni de sa qualité de joueur. Jamais.
Certains joueurs absents lors de cette tournée peuvent-ils revenir ?
Je vais parler de Morgan Parra, Brice Dulin, Maxime Machenaud, Yacouba Camara… Il y a beaucoup de joueurs blessés depuis longtemps comme Rémi Lamerat ou Wesley Fofana. Il y a donc quelques joueurs susceptibles de rentrer dans le groupe. J’espère qu’il y aura une émulation et une envie réelle de venir porter ce maillot.
Et qu’en est-il d'Alivereti Raka et Paul Willemse ?
Nous verrons. Nous verrons s’ils obtiennent la nationalité française. Pour le moment, ni l’un ni l’autre ne l’ont (ndlr: Raka va l'obtenir début décembre).