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Le plan de bataille de Lièvremont

Marc Lièvremont

Marc Lièvremont - -

Visage fermé, mine sombre, Marc Lièvremont est venu s'expliquer ce dimanche au lendemain de la défaite du XV de France contre le Tonga. L'entraîneur des Bleus fait part de ses doutes et interrogation et appelle à une prise de conscience collective avant le quart de finale contre l'Angleterre.

Pas de résignation : « Je sais ce que veut dire se battre »

« A aucun moment je n’ai parlé de résignation. J’ai commencé par dire que je voulais me battre. J’ai peut-être un paquet de défauts, et beaucoup le pensent, je ne suis peut-être qu’un entraîneur de ProD2 et pas compétent pour entraîner une équipe du standing de la France, mais je sais ce que veut dire se battre. Je n’ai pas envie de lâcher. J’ai balancé entre colère et franchise, puis de la confiance. Par nature, je me bats, je crois aux hommes, en la dynamique d’un groupe qui a montré son potentiel par le passé. Qui est capable de se rebeller, de se prendre en main, de faire parler les sentiments tels la fierté ou l’orgueil. Je pensais avoir fait le tour en terme de honte et c’est vrai que ça été extrêmement violent. Quand je vois le spectacle qu’on leur a offert, ça me rend triste. »

Une prise en main collective : « Faire sans moi ? A la rigueur je ne demande que ça »

« Cette aventure appartient aux joueurs. Je ne me fais pas d’illusion et, même s’ils m’ont ma confiance, je sais qu’en cas de contreperformance, le bouc-émissaire est tout trouvé. Mais ça aussi je m’en fous. J’ai envie que mes joueurs relèvent la tête et fassent honneur aux supporters. Je suis persuadé que les déçus d’hier sauront les pousser. La dynamique d’un groupe est parfois compliquée et pas évidente à suivre. On a assez de joueurs au palmarès éloquent, au talent et à l’expérience pour aider Thierry Dusautoir dans la gestion du groupe. Qu’ils se prennent en main. Je vais être là pour les accompagner, les engueuler, les encourager. J’ai ma part de responsabilité, mais pensez-vous que c’est pour ça qu’on a failli ? J’ai du respect et de l’estime pour eux et je pense que c’est réciproque, même si je ne me fais pas trop d’illusion. On est dans une société où l’image est importante. J’ai vu des joueurs avec leur agent la veille du match, et après le match. Je sais qu’ils ont une carrière à gérer, peut-être une presse à satisfaire. Mais je pense que ce sont des bons mecs. Faire sans moi ? A la rigueur je ne demande que ça. »

Un discours plus ferme : « Nous ne sommes pas descendus du bus »

« Mon discours va rester le même, même si je vais peut-être leur parler de manière plus virulente. Il faut garder une forme de cohérence. Je leur dirai les choses, comme je leur ai toujours dit les choses. Mais quand je parle d’une charnière empruntée après le premier match, on dit que j’assassine les joueurs. Vous me reprochez d’être trop ferme et à d’autres moments de ne pas être trop père fouettard. Certains me comparent à Raymond Domenech. Sachez que j’ai le plus grand respect pour Raymond Domenech. Il s’est battu. Il a certainement sa part de responsabilité et j’ai la mienne. Mes joueurs et le rugby français en général se sont gaussé du football français, mais quelque part, nous ne sommes pas descendus du bus non plus. »

Un groupe à solidifier : « J’attends toujours cette rébellion »

« J’aurais voulu qu’on se retrouve autour d’un verre après le match. Qu’on parle, qu’on échange, qu’on se dise que l’aventure est belle. Même là aussi j’ai été déçu. Mon groupe s’est éparpillé. On doit constater qu’on vous (la presse) donne raison. Même s’il n’y a pas de marasme, même s’il n’y a pas de fracture et qu’on ne vit pas mal, j’attends toujours cette rébellion. Dès la sortie de la conférence de presse, j’ai sorti trois packs de bière. Je leur ai dit ‘maintenant, les gars on se lâche. On est qualifié, on boit un coup’. C’est une forme de déception de ne pas savoir se dire les choses, de se ressourcer. Ma femme m’a fait la gueule parce que je ne suis pas allé dormir avec elle. Je lui ai dit qu’on avait toute la vie pour dormir ensemble. Une Coupe du monde on n’en fait qu’une. Ça fait partie de l’histoire d’un groupe de partager un moment de souffrance. On a raté cette soirée, mais il reste une semaine pour se préparer. Ça me surprend, ça me déçoit d’une certaine manière. Mais ils ont peut-être besoin de se retrouver avec les proches et pas de laver leur linge sale en famille. »