Lièvremont : « Il y a certainement des joueurs qui m’en veulent »

Marc Lièvremont - -
Marc, quels souvenirs garderez-vous de cette Coupe du monde ?
Vraiment, je me suis régalé lors de cette compétition. En tout cas, moi, j’ai la faculté de ne garder que le meilleur. Même quand c’était dur et que ça grêlait sur moi, je me disais que je restais un privilégié. Pourtant, il y a eu des moments difficiles. Mais au final, j’ai pris beaucoup de plaisir.
Pourquoi avoir décidé d’écrire ce livre (éditions La Martinière, ndlr) ?
Après la Coupe du monde, j’avais dit que j’allais couper avec la presse. Mais des rencontres m’ont fait écrire ce livre. Au gré de ces rencontres parfois improbables, je sentais un engouement, donc je voulais livrer un témoignage positif de mon expérience. D’ailleurs, tous les bénéfices de mon livre iront à une œuvre caritative.
Alors que la pression s’intensifiait autour de vous, avez-vous exprimé des regrets de diriger cette équipe de France ?
A la base, jamais je n’avais pensé prendre en main les Bleus. Mais Bernard Lapasset, l’ancien président de la FFR, m’a convaincu. Je craignais cette expérience car j’avais peur de manquer de liberté en entraînant le XV de France. Après jamais, je n’ai regretté ce choix.
Lors de cette Coupe du monde, vous avez fait le choix de titulariser Morgan Parra en lieu et place de François Trinh-Duc. Pourquoi ?
Quand je choisis, c’est une forme de délivrance. Pour ce match, François me semble alors moins abouti en termes de performances. Morgan, lui, piaffe d’impatience. Donc c’est pour ça que je tente ce coup de poker. Mais ce coup de poker est quand même bien réfléchi. Je ne lui ai pas manqué de respect. Son talent n’est d’ailleurs pas à remettre en cause.
« J’ai eu beaucoup de mal à revoir la finale »
Lors de cette compétition, on vous a senti passablement agacé. Pouvez-vous nous raconter l’épisode « Tu m’emmerdes avec ta question » ?
Je sentais l’ironie de la question (« Pensez-vous encore pouvoir gagner la Coupe du monde ? », après la défaite initiale, 37-17, face aux All Blacks, ndlr). Je commence à voir des sourires et ça, c’est pénible à regarder. Et là, ça sort comme ça. Lors de la Coupe du monde, on a évolué dans un contexte médiatique dégueulasse. A un moment donné, c’est trop. Je fais la part des choses, mais la dynamique n’était pas bonne. Je suis persuadé de ça. Des journalistes qui me sont proches m’ont fait remonter certaines informations. C’était pénible.
Mais c’est également votre job de gérer cette pression médiatique…
Pendant quatre ans, je n’ai pas pratiqué la langue de bois. Mais ces mecs de la presse spécialisée avaient envie que je me plante. Ils en ont fait des tonnes. La malhonnêteté intellectuelle et le dénigrement permanent, c’était trop...
Avez-vous eu l’occasion d’analyser la finale perdue contre la Nouvelle-Zélande (9-8) ?
J’ai eu beaucoup de mal à revoir la finale. Si je l’ai fait, c’était pour les besoins du livre. Mais c’était une purge et une souffrance de revoir ce match.
« J’ai envie de passer à autre chose »
Lors de la fin de la Coupe du monde, on s’est aperçu que vous aviez pris du recul. Concrètement, que s’est-il passé avec vos joueurs ?
Je sentais que le lien était rompu. J’étais un peu triste. Il y a certainement des joueurs qui m’en veulent. Moi je garde le meilleur d’eux. Mais peut-être que tout ça était lié à l’histoire des « sales gosses ». Après, certains joueurs m’ont aussi pleuré dans les bras…
Comment jugez-vous votre successeur, Philippe Saint-André ?
Avec Philippe, on a longuement échangé. Mais je n’ai pas à lui donner de conseils car on est différent en termes de management. Cet échange avec lui était vraiment très intéressant. Car le rugby, c’est aussi la transmission.
Avez-vous l’intention de replonger dans le rugby ?
Pour le Tournoi des Six Nations, j’ai déjà accepté d’écrire une chronique pour Sud-Ouest et Le Monde. Je vais essayer d’être positif dans mes commentaires. Mais j’ai envie de passer à autre chose. J’ai des affaires avec mon petit frère (un restaurant à Biarritz, ndlr). D’ailleurs, j’aspire à quelque chose de moins exclusif que le rugby. Mais j’avoue que cela me fait peur.