Que reste-t-il de nos « sales gosses » ?

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C’était il y a tout juste un mois. Une éternité pour certains. Hier, pour d’autres. A l’autre bout du monde, les Bleus -en blanc- et leur sélectionneur Marc Lièvremont quittaient la Coupe du monde la tête basse. A un point du titre mondial (8-7), cédé au vainqueur annoncé, la Nouvelle-Zélande. Depuis, les vice-champions du monde ont retrouvé, au compte goûte, les pelouses du Top 14. Après avoir été accueillis en héros. Un retour sur terre et en famille que tous nos Bleus ont savouré comme il se doit. Mais on ne ressort pas indemne d’une aventure de quatre mois. Certains resteront marqués à jamais : « Cette défaite sera un boulet toute notre vie », souffle le demi de mêlée, Dimitri Yachvili.
Joies mais aussi tensions, crises et prises de bec, la Coupe du monde a laissé des traces : « Au niveau des émotions, on est passé par tous les états, confie le capitaine Thierry Dusautoir, élu dans la foulée meilleur joueur de l’année par l’IRB. Je pense notamment aux trois dernières semaines, lorsque le groupe s’est resserré. »
Les joueurs du XV de France ont des sensibilités différentes. Si certains se sont fait discrets, d’autres ont évacué la pression en se lâchant dans la presse. C’est le cas d’Imanol Harinordoquy. Dans les colonnes du Midi Olympique, le 3e ligne biarrot n’a pas mâché ses mots à l’égard de son ex-sélectionneur, Marc Lièvremont : « Il manquait de recul, d’expérience, a allumé le Basque. Il nous a aussi trop souvent jeté la pierre. Et puis, je l’ai senti perdu, dépassé. Il ne me manquera pas. »
Lièvremont ne veut pas « raviver les blessures »
Au-delà de leur parcours aussi chaotique qu’inattendu, les joueurs du XV de France n’ont pas échappé à l’incroyable raffut autour de leur ex-sélectionneur. Si le malaise était bien réel avec celui qui les avait traités « de sales gosses indisciplinés et égoïstes », nombreux sont ceux qui n’ont pas souhaité ajouter de l’huile sur le feu : « Sur cette histoire, on était tous énervés, se souvient Pascal Papé. On est passé un peu pour des gosses de riches alors que c’est totalement faux. Mais il ne faut pas en rajouter. Là, c’est fini. De toute façon, il n’est plus sélectionneur. Il faut donc passer à autre chose.»
Depuis la triste nuit d’Auckland, Marc Lièvremont s’est rasé la moustache. Dans le dos de sa femme qui s’y était habituée. L’homme se fait surtout très discret, chez lui, dans le Pays Basque où il profite de sa famille. Il y a quelques jours, il a confié ne pas avoir revu la finale : « Ce match est le seul en quatre ans que je n'ai pas regardé, a-t-il déclaré au Monde dans l’unique entretien qu’il a accordé. J'ai peut-être envie de conserver mon ressenti, à chaud. Et puis, cela pourrait raviver des blessures. Il y a quand même un sentiment d'amertume. On est passé à côté de quelque chose d'énorme, certainement l'un des plus grands exploits du sport français. » Un avis au moins partagé par tous les Bleus.
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Ntamack : « Digérer le retour sur terre »|||
Comme les joueurs du XV de France, Emile N’tamack, l’ancien entraîneur des trois-quarts aux côtés de Marc Lièvremont, a été fortement marqué par l’aventure en Nouvelle-Zélande : « Il a fallu digérer le retour sur terre, dans la vie civile, nous a confié mardi l’ancien ailier international. Mais on s’y fait. La vie reprend ses droits doucement. La terre tourne toujours. » L’homme serait-il confronté au vide ? Pas vraiment, mais l’intéressé envierait presque les joueurs : « Pour eux, c’est plus facile, dit-il. Ils ont des matches à préparer avec leur club. Ils replongent rapidement. Nous (les membres du staff, ndlr), on a le temps de gamberger. De penser à ce qu’on veut faire par la suite. » N’tamack assure n’avoir aucune piste à ce jour : « La saison a débuté. C’est difficile de s’intégrer dans un projet global même si l’envie est là. Je ne veux pas précipiter les choses. »