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Le rugby français est-il raciste ?

Mourad Boudjellal

Mourad Boudjellal - -

Après la sortie médiatique de Mourad Boudjelall, les réactions se sont enchainées dans le monde de l’ovalie. La majorité juge excessives les accusations de racisme du président du RCT, mais certains pointent tout de même du doigt une Fédération trop conservatrice.

Mourad Boudjellal n’en est pas à sa première provocation. Mais celle-là risque de laisser des traces. Hier, le président du RC Toulonnais a jeté un pavé dans la mare en déclarant : « Le rugby est à l’image de la France conservatrice et franchouillarde qu’il représente. Bien sûr qu’il est raciste ! » Une accusation qui a immédiatement fait réagir le monde de l’ovalie. « Ses propos sont excessifs, estime Abdelatif Benazzi, l’ancien capitaine du XV de France. C’est quelqu'un qui a dû souffrir quand il était petit. Je le connais un peu, il aime être sur le devant de la scène. J'ose espérer qu'il n'est pas venu dans le rugby pour ça. Personnellement, je n'ose pas croire que le rugby est un sport raciste. » Une position également défendue par Pierre Camou. « En 1997 (lors du Grand Chelem au Tournoi des V Nations, ndlr), la France a eu un porteur du trophée qui était Benazzi, rappelle le président de la Fédération française de rugby. En 2011, le capitaine de l’Equipe de France s’appelle Thierry Dusautoir. Je connais ni leur religion, ni la couleur de leur peau. Je sais juste qu’ils étaient capitaines de l’Equipe de France et qu’ils ont beaucoup apporté à ce pays. Je trouve que des propos sont parfois inconvenables pour l’ensemble des gens qui aiment ce sport. »

Certains ne se privent d’ailleurs pas pour égratigner directement Boudjellal. « Je ne suis pas un grand fan de ce type de personne, assène Patrice Lagisquet, l’entraîneur des arrières de l’équipe de France. Il y a des gens qui, à travers certaines déclarations, font leur communication. Ils attirent les médias et se complaisent là-dedans. » Si la majorité réfute les accusations du dirigeant varois, quelques-uns évoquent tout de même un milieu assez conservateur. Notamment au niveau des instances dirigeantes. « Il y a des traditions auxquelles on ne doit pas toucher, glisse Emile N’Tamack, l’ancien international français. Les choses sont gérées par des personnes qui ne veulent pas chambouler le paysage du rugby qu'ils ont connus il y a quelques années. Mais il n’y a sûrement pas de racisme. » Un constat appuyé par Benazzi. « Après ma carrière, je voulais m'impliquer un peu dans le rugby, on m'a fait comprendre que ça serait un peu plus compliqué, témoigne l’ancien joueur d’Agen. En dehors du terrain vert, c'est un peu plus politique, plus abstrait et le pouvoir est tenu par ces gens-là. Il faudrait voir un peu plus de diversité chez les dirigeants et ça n'est pas encore le cas. Mais le mot « raciste » est un peu fort. Je ne pense pas que ce soit le cas, loin de là ! »

N’Tamack : « J’ai très peu souffert du racisme »

Jugée trop excessive, la sortie de Boudjellal est également malvenue pour Vincent Moscato. « C’est vrai que la Fédération est une vieille dame, lâche le consultant RMC Sport. Il faut le reconnaître. Mais elle évolue depuis dix ans. Pour que cela continue, il faut lui parler couramment. Et non pas l’agresser de cette façon. » D’autant que, d’un avis général, les problèmes liés au racisme ne sont pas monnaie courante sur les prés hexagonaux. « Dans ma carrière j'en ai très peu souffert, assure N’Tamack. Je n'ai qu'une seule anecdote : lors d'un match face à Narbonne, je marque un essai, un joueur adverse m'attrape et me dit : « sale noir » ! Je n'ai même pas eu à réagir parce que ses coéquipiers se sont retournés vers lui. En plus, il n'y a qu'à voir le profil des joueurs de l'équipe de France aujourd'hui, lorsque j'étais en charge des Bleus, on avait au moins six ou sept joueurs basanés. » Un argumentaire qui n’a visiblement pas convaincu Boudjellal.

Alexandre Jaquin avec la rédaction RMC Sport