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Lièvremont décrypte l’homme et la méthode Quesada

Gonzalo Quesada et Marc Lièvremont, du temps de leur collaboration, ici en 2011.

Gonzalo Quesada et Marc Lièvremont, du temps de leur collaboration, ici en 2011. - AFP

Marc Lièvremont garde un souvenir très précis du passage de Gonzalo Quesada au sein du staff du XV de France, de 2009 à la finale de la Coupe du monde 2011. L'occasion de demander à l'ancien sélectionneur ce qu'il pense de la réussite actuelle du technicien argentin du Stade Français.

Marc, si vous deviez évoquer Gonzalo Quesada avec une personne qui ne le connait pas, comment lui en parleriez-vous ?

Je parlerais d'abord de son expérience, de son savoir-faire, son expérience de joueur de haut-niveau. Quand je l'ai côtoyé, il commençait l'entraînement initialement sur un rôle assez réduit de spécialiste des buteurs. Il faut savoir qu'au départ, je connaissais un peu Gonzalo pour l'avoir croisé sur les terrains en tant que joueur, et de réputation car on a quelques amis communs de par ses passages dans les clubs du TOP 14. Mais je n'étais pas partisan de le sélectionner, de l'intégrer au staff tout simplement parce qu'il était étranger, à une époque où on se bagarrait un petit peu contre le nombre croissant d'étranger dans le championnat.

Qu’est-ce qui vous a fait changer d’idée ?

Sa présentation, son approche de la fonction m'avait bluffé par sa qualité, son intelligence, sa sensibilité. Ces trois mots d'ailleurs définissent assez bien Gonzalo à travers sa personnalité. C'est quelqu'un qui se donne les moyens d'arriver où il le souhaite. Ce n'était a priori pas facile pour lui d'intégrer un staff déjà constitué. Je voulais rééquilibrer le staff autour de Milou (Emille Ntamack, ndlr) par rapport à Didier Retière et moi qui étions des anciens avants. Et petit à petit il a su trouver sa place pour s'intégrer parfaitement. Dans ce staff, même si les fonctions semblaient un peu figée, j'ai toujours souhaité que les uns et les autres s'investissent et dépassent le cadre leurs missions respectives. Evidemment, ça a été le cas avec Gonzalo et toujours avec sa sensibilité, son intelligence et en restant à sa place.

Quelles sont les qualités humaines que vous appréciez le plus chez lui ?

J'ai aimé sa fidélité, j'ai aimé le relationnel qu'il a pu - et c'est l'un de ses points forts - nouer avec les joueurs, la proximité avec certains. Moi, j'étais plus un sélectionneur qui fait des choix avec parfois de la douleur. Lui a réellement créé du lien avec le staff et dans la relation staff-joueurs. La psychologie est aussi un de ses points forts, il s'appuie dessus et il a été très utile dans ce registre-là.

Et en dehors du terrain ?

Je l'ai dit et je le répète : l'intelligence, la proximité, le lien, humain, c'est quelqu'un qu'on aime comme confident parce qu'il sait être à l'écoute, et ce quels que soient les individus, comme moi, des membres du staff, certains joueurs. On l'a vu, la façon dont il a démarré sa mission notamment vis à vis des joueurs, le contact direct et privilégié qu'il a su avoir avec eux pour gagner leur confiance, je pense à François Trinh-Duc et Morgan Parra notamment qui étaient deux jeunes joueurs d'où l'utilité de ce rôle. Comme tous les Argentins, c'est un excellent compagnon qui sait faire la part des choses entre le travail et puis la détente et les bons moments dans une vie de groupe. Lors de la Coupe du monde spécialement, c'était important. Il est entré parfaitement dans ce que j'attendais de chacun des membres du staff, à savoir des compétences sur sa partie et même au-delà à savoir une implication totale sur les choix sportifs, humains, d'organisation, rugbystiques... Ça a été réellement passionnant de travailler avec lui comme avec les autres.

Aujourd'hui, il est devenu coach numéro un avec le Stade Français. Cette réussite vous a-t-elle surpris ?

Il n'y a pas de hasard. Dans notre staff, il n'était pas décideur, il était facilitateur notamment au niveau des relations humaines. Après, son parcours a été assez rapide, l'intégration au sein du Racing dans un contexte un peu compliqué, il arrive à prendre sa place avec délicatesse, sans mettre personne dehors, et puis il grandit, il apprend très vite car en plus d'être passionné, c'est un gros bosseur. Je ne l'ai pas assez souligné, il s'investit énormément. Il a eu l'intelligence de prendre la dimension de la fonction de patron au Racing puis dans sa deuxième aventure sportive au Stade Français où il est arrivé déjà avec ce rôle-là. En très peu de temps, avec l'organisation de son staff et la définition d'un jeu ambitieux et qui peut gagner, il a réussi à obtenir des résultats déjà exceptionnels avec une vraie identité de jeu ce qui est important pour tous les clubs et le club de la capitale en particulier.

Le voyez-vous dans un avenir proche à la tête d'une sélection nationale ?

Comme tout Argentin, il reste très attaché à son pays. C'est quelqu'un qui est ambitieux, dans le bon sens du terme, qui grandit, qui a de l'ambition et se donne les moyens de son ambition. Patron d'une sélection, il a côtoyé la fonction, avec l'équipe de France, ça peut être la suite logique. Après, il aime aussi son confort de vie, il faudrait que les conditions soient réunies pour qu'il puisse s'épanouir et s'exprimer dans de bonnes conditions. Pour l'instant, il me semble d'après ce que je sais que le cadre du Stade Français lui sied parfaitement. Si la prochaine étape doit être la sélection nationale, évidemment qu'il a la légitimité par rapport à son passé d'ancien joueur de haut niveau, aussi par rapport à son passage au sein du staff de l'équipe de France et l'excellence de son travail, et depuis trois ou quatre ans, en club, chez deux ténors du TOP 14. Ça peut être la suite logique mais attention il est attaché à son cadre de vie et que les choses se passent selon son bon vouloir.

Laurent Depret