Toulouse: "Ma grand-mère m’a même envoyé des messages", s’amuse Dimitri Delibes, cité par Fabien Galthié

Dimitri, vous n’êtes arrivé qu’à 19 ans au Stade Toulousain, en provenance de Blagnac, alors en Fédérale 1. A un âge assez plus avancé finalement que certains de vos coéquipiers recrutés plus jeunes…
Oui, j’ai été détecté un peu sur le tard. J’ai eu la chance de rencontrer Christophe Deylaud à Blagnac. C’est quelqu’un qui m’a permis d’avoir un vrai tremplin dans le rugby, qui était très attentif aux jeunes, à la formation. Plus jeune, à partir de 17 ans, il m’a fait monter en équipe première à Blagnac. Et ensuite, c’est lui qui m’a fait avoir ma première sélection en équipe de France U20 développement. Car ils ne regardaient pas du tout la Fédérale 1, donc c’est lui qui m’a permis d’évoluer à ce niveau-là. Il a eu des yeux bienveillants sur moi et m’a ouvert des portes.
En quoi Christophe Deylaud, ancien du Stade Toulousain et véritable légende ici, vous a marqué?
Pour son côté humain. Parfois il m’appelle encore au téléphone pour avoir des nouvelles. Pour me donner deux, trois conseils car il regarde beaucoup les matchs. Donc ça a été un vrai coup de cœur.
Et rugbystiquement?
Il resté très à l’ancienne, il a un côté strict. Mais c’est ce qui fait l’entraîneur qu’il est. A côté de ça, c’est un astre, un vrai technicien.
Comment s’est passée votre arrivée au Stade Toulousain?
C’est Christophe qui a fait le lien. J’ai été observé en équipe de France U20. Ugo Mola est lui venu me voir jouer à Blagnac. Ensuite, comme j’étais encore jeune, ils ont contacté mes parents. On a eu des rendez-vous lors desquels on a échangé. Et mon arrivée s’est faite l’année d’après, vraiment sur la pointe des pieds. Car je sortais de Fédérale 1, où j’avais trois entraînements par semaine, et là on s’entraînait deux fois par jour ! ça a été compliqué, mon corps n’était pas aguerri à cent pour cent. Et donc la première année, je me suis blessé. J’ai fait une pubalgie. Ça a vraiment été une grosse galère. Et puis mentalement, ça n’allait pas trop non plus.
Pourquoi ?
Parce que je quittais mon club de cœur, j’arrivais dans un club professionnel où tout était nouveau, avec beaucoup d’exigence. Donc une première année vraiment difficile. Mais après, je me suis posé les bonnes questions, en me disant que je faisais ça pour moi. Et aujourd’hui, je suis épanoui. Ce n’est que du plaisir.
Vous ne vous estimiez pas programmé pour ça, ce qui explique vos difficultés?
C’était un rêve de jouer au Stade Toulousain. Je me revois sur le canapé avec papa, des étoiles dans les yeux. Mais c’est arrivé sur le tard et effectivement, je n’étais peut-être pas programmé pour ça. C’est une chance, je l’ai saisie. Même si, au départ, c’était compliqué. Moi, le rugby, c’était trois fois par semaine, c’était les copains avant tout, prendre du plaisir. Arriver dans un monde professionnel comme ça, s’entraîner tous les jours, forcément que ma vision du rugby a changée. Il a fallu s’adapter, je l’ai fait. Mais ça ne s’est pas fait du jour au lendemain. Mentalement comme physiquement. Mais je me suis posé les bonnes questions. Et après, feu (sourire)!
Vous avez évolué quelques mois avec Maxime Médard, qui est comme vous passé par le club de Blagnac. Vous a-t-il pris sous son aile, même si au Stade Toulousain, de prime abord, les plus anciens ne font aucun cadeau aux plus jeunes?
On va dire que d’abord il y a eu des phases de tests. A l’entraînement c’était vraiment rude. Il nous poussait à bout. Mais pour moi, c’était vraiment un leader, un exemple. Et oui, il m’a pris sous son aile. Ces dernières années, à la fin des entraînements, c’était des petits conseils, des petits mots qui font progresser. Quand tu le regardes sur le terrain, il n’y a que des bonnes choses à prendre d’un joueur comme ça. Donc oui, il m’a beaucoup apporté. Et il m’écrit encore aujourd’hui. On a développé une petite relation.
Comme un passage de témoin?
Passage de témoin… j’aimerai bien avoir une carrière comme la sienne, ça c’est sûr. C’est un exemple encore aujourd’hui.
"Des ovnis, il y en a partout "
L’an passé vous avez doublé votre temps de jeu (10 matchs de Top 14, 2 de Coupe d’Europe pour 3 essais). Vous avez participé aux trois premiers matchs de la saison (deux fois titulaire, une fois remplaçant). A 23 ans, il est temps de s’affirmer?
Oui, bien sûr. Ça aurait même dû arriver plus tôt. Je dois rendre aux coaches la confiance qu’ils m’accordent. Et toutes les semaines me remettre en question, parce qu’aujourd’hui, mes prestations ne sont pas au niveau des attentes de tout le monde. Ni de mes attentes personnelles. Il reste encore à faire.
Vous semblez avoir évolué physiquement ces derniers temps. Qu’en est-il?
Forcément, ça fait quelques années que je suis dans la "machine" professionnelle. Oui, j’ai pris du poids. C’est assez logique. Je suis arrivé ici, je faisais 83 kilos. Là, j’en fais 98, 99. Après, le but est de prendre du poids mais de ne pas perdre sa vitesse.
Fabien Galthié a récemment évoqué votre nom pour parler des joueurs qu’il suivait. Comment avez-vous réagi?
Forcément, c’est encourageant. Ça fait plaisir. Mais avant tout je me dois d’avoir de belles performances en club. Aujourd’hui, comme je le disais, les entraîneurs me font confiance donc je me dois de leur rendre. De faire de belles prestations avec le Stade Toulousain avant de penser à plus haut. Même si c’est un rêve. Un rêve de gosse. Mais il ne faut pas brûler les étapes.
On imagine qu’on vous a beaucoup parlé de cette sortie du sélectionneur…
Oui, ma famille notamment. Ma grand-mère m’a même envoyé des messages (sourire). Bien sûr que ça fait plaisir, mais il faut se mettre la tête à l’endroit. Notamment parce que lors de mes trois derniers matchs, il y a du déchet. C’est à moi de corriger tout ça.
Ce n’est pas facile de gérer tout ça à votre âge?
Il faut avoir la tête sur les épaules. Mais on a des exemples au Stade Toulousain. "Toto" Dupont, comme d’autres, sont des stars mondiales aujourd’hui. Mais ils sont d’une gentillesse, ils sont humbles. Ce sont des exemples.
Vous étiez encore au troisième échelon national avec Blagnac il y a quatre ans, vous venez à peine d’éclore au plus haut niveau avec le Stade Toulousain et votre nom est déjà cité par Fabien Galthié. C’est un terme à la mode en ce moment, notamment pour parler de votre coéquipier Melvyn Jaminet dans un passé récent, mais vous avez tout d’un ovni…
Un ovni, je ne pense pas l’être aujourd’hui. Des ovnis, il y en a partout. C’est surtout les mecs qui ont la chance de briller à l’instant T. Aujourd’hui, c’est compliqué. Mes prestations ne sont pas à cent pour cent. J’en garde encore sous la pédale et il faut augmenter tous ces facteurs-là.
Mais rêve-t-on tout de même de participer à la Coupe du monde l’an prochain?
Bien sûr, on rêve. C’est un rêve de gosse. Pour chaque joueur professionnel. Ce serait extraordinaire. C’est dans un coin de ma tête, mais il ne faut pas griller les étapes. C’est à moi d’aller chercher le truc. Il faut qu’on en parle avec les coaches. On est dans une vraie voie de progression. Donc d’abord confirmer ici, au club, avec le maillot du Stade. Et après, on verra. On se laisse rêver…