Un soufflé (presque) retombé

Lionel Nallet - -
A deux doigts, un point plutôt, de ramener du bout du monde le trophée Webb Ellis, ils avaient été accueillis en héros à leur retour en France. Après un parcours chaotique qui les a seulement vus échouer en finale du Mondial face à la Nouvelle-Zélande (7-8), les joueurs du XV de France avaient réussi à conquérir le cœur du public français. Regardés par plus de 15 millions de téléspectateurs, les rugbymen tricolores semblaient partis pour entrer dans une nouvelle ère médiatique. Et les premiers signes étaient plutôt positifs lors du retour des « héros » sur les pelouses du Top 14. « Il y a eu un changement au départ, se souvient Lionel Nallet. Mon premier match, c’était contre Brive avec le Racing. Quand je suis entré sur le terrain, tout le stade de Brive m’a applaudi. Sur beaucoup de stades où on est passé, beaucoup de gens me félicitaient. Maintenant, cet engouement s’est quand même un peu estompé. »
Un constat partagé par William Servat, le talonneur toulousain : « Il y a un petit peu plus de gens qui viennent nous voir pour nous parler de l’évènement. Après, ce n’est pas un changement fondamental non plus. » Si le soufflé est quelque peu retombé du côté des professionnels, le rugby amateur a largement profité de ce soudain coup de projecteur sur le monde de l’ovalie. « L’effet Coupe du monde, nous l’avons totalement ressenti, souligne Alain Doucet, secrétaire général de la Fédération française de rugby. Tous les voyants sont au vert. Nous avons une augmentation de 25 000 joueurs et de plus de 3 000 dirigeants. Quand on rajoute les scolaires qui ont pratiqué le rugby lors d’activités événementielles, nous en sommes à une augmentation de 67 000 pratiquants, soit près de 10%. C’est énorme. »
« Si on avait été champion du monde… »
Si près de 70 000 personnes supplémentaires ont rejoint les rangs de la FFR (joueurs, dirigeants, arbitres,..) et que l’ambition est d’atteindre rapidement les 500 000 licenciés (environ 400 000 à ce jour), certaines limites ont déjà été touchées. « Nous sommes dans un cas de figure où nous devons refuser des enfants, ce qui est une première pour nous car nous manquons d’infrastructures ou d’éducateurs », avoue Doucet. Des statistiques incroyables qui tranchent avec la perte continue de licenciés du côté du ballon rond.
En termes de contrats publicitaires, les rugbymen restent toutefois encore loin de leurs compères footballeurs. « En ce qui concerne les sponsors, je ne pas sûr qu’il y ait eu un effet Coupe du monde, analyse Marie Simonet, qui gère l’image de plusieurs internationaux, comme Morgan Parra ou Vincent Clerc. Il y en aurait peut-être eu un si on avait été champion du monde. La proportion entre un footballeur et un rugbyman est de 1 à 10 pour le même contrat. » L’économiste Pascal Perri a une explication simple pour expliquer ce non-engouement pour les rugbymen tricolores : « L’intérêt pour le XV de France s’est porté au tout dernier moment. Ils n’ont pas été en mesure de capter le capital de sympathie car ils ont disparu des écrans à l’issue de la finale. » Voir Thierry Dusautoir brandir la Coupe du monde aurait sans doute pu changer la donne.