Une débâcle prévisible

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A sa prise de pouvoir à l’hiver 2008, le triumvirat du général Lièvremont avait affiché une louable intention de ratisser large avant d’affiner sa troupe. Il voulait aussi une orgie de jeu, retrouver le goût et l’odeur du « french flair ». Avec un seul objectif en tête, la Coupe du monde 2011. Trois ans plus tard, le fusil a (trop) souvent changé d’épaule et l’équipe de France de direction. Samedi soir, tout le monde l’a bien compris : aucune des routes empruntées ne semble être la bonne, ni au niveau des joueurs, ni à celui du jeu. Ne serait-ce que par mauvaise habitude de lourdement chuter chaque automne, le XV de France pouvait craindre le pire en terminant sa faible tournée par les Wallabies.
Après un chantier de trois longues années, c’est à peine si les fondations ont été posées. Il sera donc probablement trop tard pour inaugurer un bel édifice en octobre prochain. Et le problème se pose autant au niveau des maîtres d’œuvre que des ouvriers, qu’on a découvert samedi soir totalement résignés, les joues encore rougies par la gifle, sans réponse ni révolte. Certains abattaient leur dernière carte (Huget, Porical, Estebanez, Andreu), au risque de surjouer. D’autres n’ont rien tenté de peur de se manquer. Bref, des conditions psychologiques loin d’être idéales pour aborder l’événement. Selon Didier Retière, ce XV de France était pourtant « l’une des meilleures équipes possibles. » Ce qui n’a rien de rassurant...
Au bord de la crise ?
Mais le Tournoi 2011, c’est promis, sera joué par les futurs mondialistes. Ne sera-t-il pas trop tard pour forger une réelle cohésion sur le terrain ? Car en plus des hommes, le projet de jeu s’assombrit à chaque sortie. De l’opacité aux quatre coins du terrain, peu d’initiatives, une conquête solide et puis c’est tout. Ce sera bien sûr trop léger en Nouvelle-Zélande, comme on l’a vu samedi, pour bouleverser une hiérarchie aujourd’hui évidente. Didier Retière ne s’en cache d’ailleurs pas : « Malheureusement, l’histoire du rugby français ces dernières années montre que l’écart avec les nations du Sud est assez important. Les deux mois de préparation avant la Coupe du monde vont combler une partie du retard mais on n’est pas sûr que ce sera suffisant », concède l’entraîneur des avants.
Ce dimanche, ses ouailles faisaient les autruches, la tête dans le trou et le moral au plus bas. L’humiliation avait laissé des stigmates sur les visages marqués : « En France on passe toujours par l’affectif. S’il suffisait de s’accrocher plus pour gagner ces matches-là… On le fait de temps en temps, quand on est au bord de la crise », termine Retière. Après deux tournées-catastrophe, on peut penser que cette équipe n’en est pas si loin. Entraîneur des lignes arrière, Emile N’Tamack n’exclut d’ailleurs pas de démissionner dans un futur proche. Il souhaite « réfléchir », « en discuter avec les joueurs ». Les premiers effets de la débâcle.