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Dorin-Habert : "J’espère ne pas descendre trop rapidement de mon nuage"

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Sourires, rires, petites blagues aux uns et aux autres : c’est une Marie Dorin-Habert tout à son bonheur qui s’est confiée aux médias dans la foulée de son deuxième titre mondial remporté à Kontiolahti (Finlande). La Française, sacrée en sprint et en poursuite, savoure sa réussite et espère la faire durer encore un peu.

Que ressentez-vous après ce deuxième titre mondial en deux jours ?

Je n’ai pas de mots. Il n’y a pas grand-chose à dire. Cela fait partie des jours où on a l’impression qu’on peut faire n’importe quoi, ça se passe bien. Je dois être sur une bonne lancée.

Comprenez-vous ce qui vous arrive ?

Je ne suis pas trop bête encore (rires) J’ai compris que j’avais deux médailles d’or. C’est difficile à décrire parce que parfois on met tout en place et ça ne le fait pas. Là ça le fait, alors j’en profite. J’ai eu le temps de m’en rendre compte pendant la course. Faire la course devant, c’est quand même quelque chose d’important. En biathlon, on bosse pour ça. C’est assez jouissif d’être devant toute la course. Ce n’est pas la première fois que ça m’arrive de m’installer à la première place mais c’est la première fois que je finis à la première place.

Que vous êtes-vous dit tout au long de la course ?

J’ai surtout pensé à rester bien concentré sur les skis et à me relâcher beaucoup. On n’est du pas du tout en altitude, alors on tétanise assez vite au niveau musculaire. Je ne voulais pas partir trop vite pour en garder sous le pied, au cas où ça se passait moins bien sur le tir. Tout s’est bien passé. Je profite.

Qu’est-ce qui vous a permis, selon vous, de l’emporter ?

Je pense que j’ai un meilleur niveau sur les skis, ce qui me permet d’avoir plus de marge. Il y a deux ans, à Nove Mesto, je n’avais vraiment pas mis les balles. Mais à Ruhpolding, je fais des Mondiaux exemplaires au niveau du ski. Je ne rate pas beaucoup de balles et pourtant, ça ne le fait pas parce que je n’avais pas le niveau sur les skis. Il y avait meilleur que moi. Et aujourd’hui non… j’étais toute seule devant.

« J’assume plus mes ambitions »

Cinq mois après la naissance de votre enfant, ce retour au premier plan est inattendu.

Ce n’est pas que c’était inattendu. On ne savait pas à quoi s’attendre au niveau du retour, du timing. Au vu de la forme du moment, ce n’est pas si inattendu que ça. C’est bien. Je pense que j’ai grandi quand même. La naissance de ma fille m’a faite grandir. Je n’ai pas l’impression d’avoir tant changé que ça mais je pense quand même avoir changé. Maintenant, je me considère comme la vieille du groupe. Quelque part, cela me permet de m’assumer entièrement. J’assume plus mes résultats et mes ambitions.

Ce n’était pas le cas avant ?

J’avais tendance à dire que ce n’était pas pour moi et que je n’étais pas forcément prête pour ça. A force de penser du négatif, je pense que cela s’était répercuté sur le tir au niveau mental.

Votre podium à Oslo a-t-il servi de déclic ?

Heureusement que j’ai fait troisième là-bas. Cela m’a permis d’enlever le bouchon de la cocotte-minute. Même l’an dernier, j’étais bien en ski sur la fin de saison. Du moment où je sais que je fais des bons temps de ski, avec un bon tir, ça peut monter sur le podium. Heureusement que ça l’a fait à Oslo. Ça m’a permis d’arriver ici plus sereine. Je me suis dit « j’ai au moins fait un podium cette année. J’ai bien fait de revenir. Il faut rester concentrée mais ça peut me sourire. » Et puis là, ça me sourit. Alors, je déroule.

Etiez-vous dans la gestion lors du dernier tir ?

Non, j’étais en mode offensif. Il fallait y aller, envoyer. Je me suis dit que ça commençait à sentir le sapin. Mais quelque part, c’est hyper excitant de se dire « ça se rapproche derrière » (rires). Je suis bien contente d’avoir pu finir tranquillement. Si j’étais tombée sur des « énervées » au dernier tour… je sais que je ne suis pas la meilleure. On vous a vu prendre le drapeau… Ça ne m’est jamais arrivé non plus. Quand je l’ai pris, je me suis dit « est-ce que c’est bien sérieux ? Elles vont revenir derrière ! » (rires).

« Contente de pouvoir compter parmi les grandes de la discipline »

Avec deux titres, vous êtes désormais la dame de ces Mondiaux de biathlon.

Tant mieux, c’est super d’être la dame de ces Mondiaux.

Ça vous a souri. Moins pour Martin Fourcade, 7e de la poursuite quelques heures avant vous.

Je suis très déçue pour Martin, pour Simon aussi. J’espère que ça va le faire pour eux la semaine prochaine, parce qu’ils bossent aussi forts et qu’ils sont de grands champions.

Martin Fourcade cristallise toutes les attentions. Est-ce que cette situation ne vous est pas favorable finalement, vous permettant d’arriver plus relax, plus détendue dans ces Mondiaux ?

Je pense qu’on ne peut pas trop me comparer à Martin. Je le plains. Cela doit être vraiment pénible de vous supporter tous. Je rigole… C’est un grand champion. Il gagne tout depuis quatre ans. Il a une autre pression que moi sur les épaules, mais depuis toujours. Je n’ai jamais vécu ce qu’il a vécu. Je ne suis jamais arrivée en position de leader. Je n’ai jamais gagné de général, je n’avais jamais gagné de course avant. Je suis sur un petit nuage. Je n’en descends pas pour l’instant. J’espère ne pas en descendre trop rapidement.

Quel est le secret de votre réussite ?

Je n’ai toujours pas de réponse. Je crois que le corps a vraiment la mémoire de l’effort. Je pense avoir beaucoup progressé l’an dernier avant de me blesser. Je récolte ce travail. Beaucoup sont parties à la retraite. Je fais partie des vieilles du circuit. La hiérarchie se reforme. Et je suis contente de pouvoir compter parmi les grandes de la discipline aujourd’hui. Un deuxième bébé bientôt et… Non, non, ça suffit. Un, c’est très bien déjà.

J. Ri