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"Un système totalement illogique": ce nouveau point de règlement qui fait enrager les biathlètes

La biathlète Lou Jeanmonnot au départ de l'individuel d'Ostersund, en novembre 2023.

La biathlète Lou Jeanmonnot au départ de l'individuel d'Ostersund, en novembre 2023. - Iconsport

Afin de relancer l’attractivité du biathlon pour les téléspectateurs, la Fédération internationale a décidé de changer la règle sur les sprints et les individuels. Une nouveauté qui fait enrager les meilleurs de la discipline.

C’est une nouveauté qui est loin de faire l’unanimité. A partir de l’hiver 2024-2025, la Fédération internationale de biathlon bouleverse une tradition jusqu’ici bien ancrée. Afin de "garantir l’attractivité pour les téléspectateurs" jusqu’à la fin de la course, l’IBU a décidé de mettre en place un nouveau système de tirage au sort pour les épreuves de sprint et les individuels.

Si les meilleurs biathlètes mondiaux étaient plutôt bien servis jusqu’à aujourd’hui, avec la possibilité de choisir leur groupe de départ parmi les quatre définis et ainsi se placer dans les premières positions, le règlement vient d’être abrogé. La faute à un manque de suspense jusqu’au passage des derniers dossards.

Désormais, les quinze premiers du classement général s’élanceront avec les dossards 46 à 75 - l’équivalent du troisième groupe. Les meilleurs biathlètes de chaque pays qui ne figurent pas dans les 30 premiers du classement général auront donc la primeur d’ouvrir le bal et de bénéficier d’une piste a priori plus favorable pour les dossards 1 à 45.

"Un système de départ totalement illogique", juge Stéphane Bouthiaux, le patron des équipes de France de biathlon.

"Ce nouveau système, c’est comme s’ils avaient décidé de lester les meilleurs pour lisser le niveau de l’ensemble des athlètes. Je trouve cela complètement scandaleux. J’ai bien fait comprendre aux gens avec qui on a pu en parler à l’IBU que j’étais hostile à ce projet. D’ailleurs, le comité des athlètes était contre, les représentants des coachs aussi et je crois savoir que la moitié du comité technique également. Malgré cela, ils ont fait passer ce règlement qui est complètement antisportif", a-t-il fustigé auprès de Nordic Magazine.

"Ça ne met pas en valeur le côté sportif"

Cette nouvelle règle aura d'évidentes conséquences sur le destin des Tricolores. Du côté des filles, Lou Jeanmonnot, Justine Braisaz-Bouchet et Julia Simon, toutes dans le top 5 mondial la saison passée, sont concernées. Tout comme Émilien Jacquelin, Éric Perrot et Quentin Fillon-Maillet chez les hommes. "J’ai essayé de comprendre ce qui avait motivé une telle décision. Je pense que ça ne met pas en valeur le côté sportif", confie Justine Braisaz-Bouchet à RMC Sport.

"Quand les conditions sont bonnes, on part dans un premier groupe, il y a moins de trafic sur la piste, l'échauffement est très proche et se fait sur la piste aussi. On est plus proche de nos réglages. On était habitué à ce cas de figure, c'était une routine de préparation. On a également connu des moments où on partait aussi plus loin parce qu'il y a eu des conditions qui favorisaient plutôt le deuxième ou le troisième groupe", poursuit la championne du monde en titre de la mass start. Quatrième dans la course au Gros Globe la saison dernière, Justine Braisaz-Bouchet n’oublie pas que plusieurs athlètes avec "un bon niveau" avaient réussi à performer avec de gros dossards.

"Ça dépendra des conditions, il faudra s’adapter", juge-t-elle.

"Notre opinion n’a pas été prise en compte", a de son côté expliqué le Suédois Sebastian Samuelsson, président de la commission des athlètes. "Nous estimons que nous avions un très bon système auparavant. Tout le monde en est vraiment content. Nous avons bien compris qu’ils voulaient un changement, principalement pour la télévision et pour proposer des compétitions plus captivantes. Mais ce que nous critiquons aujourd’hui, c’est qu’il existe un risque de concurrence déloyale", a-t-il poursuivi auprès d'Expressen.

Une chance pour les outsiders

Le malheur des uns fait pourtant le bonheur des autres. Océane Michelon, vainqueure du classement général de l’IBU Cup (le circuit secondaire) et bénéficiaire d’un quota supplémentaire pour les deux premières étapes de la Coupe du monde aura la possibilité de s’élancer parmi les premiers. Un avantage "intéressant" pour la biathlète de 22 ans, comme elle le détaille à RMC Sport. "Je n’ai jamais pris de départ tôt dans la course. Ça va m’arranger sur mes premières compétitions", explique la native de Chambéry, qui garde toutefois "un avis mitigé" sur ce grand changement, effectif dès le premier individuel de la saison, le 3 décembre à Kontiolahti (Finlande).

"Il va falloir être attentif, qu’ils ne se fassent pas avoir par des conditions de neige avec ce nouveau système, qui est à la fois bien mais qui peut avoir un impact sur le côté sportif. C’est normal qu’il y ait de l’appréhension parce que c’est nouveau. On ne sait pas encore ce que ça va donner. Si ça donne quelque chose de bien, tant mieux. Si ça donne quelque chose de moyen, il va falloir étudier la question", complète celle qui compte quatre départs en Coupe du monde.

Un système à l’épreuve… pour l’instant

En toute modestie, le Norvégien Vetle Christiansen propose d’autres solutions pour éviter de toucher au système tant apprécié par les biathlètes. "Ils peuvent introduire d’autres courses avec des nouveaux formats. Peut-être donner plus d’importance au tir s’ils craignent la domination norvégienne", expliquait-il au micro de Langrenn.

L’IBU a toutefois précisé que cette nouvelle règle serait testée sur les quatre premières semaines de la Coupe du monde, à Kontiolahti (30 novembre - 8 décembre), Hochfilzen (13-15 décembre) et au Grand-Bornand (19-22 décembre). L’instance précise également qu’en cas de conditions météorologiques difficiles, le jury de la compétition peut décider d’appliquer un système alternatif de groupe de départ, qui prévoit cette fois que les quinze meilleurs athlètes du classement général commencent au début de la compétition.

Analie Simon Journaliste RMC Sport