
Short-track: le combat de Tifany Huot-Marchand pour retrouver la glace après son terrible accident

Tifany Huot-Marchand (au centre) lors des JO d'hiver 2022 - AFP
"Tu ne marcheras probablement plus jamais." Il y a trois mois, le constat de son chirurgien était sans appel. Aujourd’hui, Tifany Huot-Marchand vient de reprendre la course. Un événement, tant la vie de la short-trackeuse française a basculé le 9 octobre 2022 aux Pays-Bas. Lors d’une compétition internationale, une adversaire la heurte involontairement et les deux athlètes s’écrasent sur les barrières de sécurité. Des chutes, elle en a connu des dizaines. Sauf que cette fois, Tifany ne se relève pas.
"J’ai tout de suite senti que ça allait être très grave, confie la patineuse de 28 ans. Sur la glace, je n’ai pas eu de douleurs, et c’était bien le problème. Je ne sentais que mes yeux, j’étais complètement paralysée". Bilan : fracture et déplacement de la cervicale 5. Elle doit se faire opérer en urgence. Les heures qui ont suivi, la short-trackeuse aurait préféré ne jamais les vivre, mais elle se souvient de tout. La sensation de brûlure sur tout son corps, sa détresse qu’elle ne peut pas exprimer car la cervicale touchée est reliée au souffle, alors elle répète une phrase en boucle : "Aidez-moi, je suis paralysée, faites quelque chose".
C’est au bloc opératoire qu’un chirurgien qu’elle qualifie de "très compétent mais pas très humain", lui annonce qu’elle n’a que très peu de chances de remarcher un jour. "J’ai hurlé, là j’ai réussi. Après, l’anesthésie a fait son travail…", se remémore Tifany Huot-Marchand. A son réveil, le combat commence. Les médecins se montrent peu confiants, mais la Bisontine s’en moque. "Je leur disais 'OK', mais au fond de moi je savais que j’allais remarcher". Les jours passent et Tifany réapprend les gestes du quotidien : manger, se coiffer, écrire de la main gauche. Dix jours plus tard, elle ne sent toujours pas ses jambes, mais son cerveau, lui, fonctionne et lui permet de faire ses premiers pas sous le regard de son compagnon qui immortalise le moment…
Deux mois et demi de rééducation près de Lyon
C’est désormais une certitude, la short-trackeuse française remarchera. Depuis son lit d'hôpital, elle n’attend qu’une chose, intégrer un centre de rééducation. L’établissement est déjà trouvé : ce sera le centre Henry-Gabrielle de Saint-Genis-Laval, une référence en matière de rééducation suite à des troubles neurologiques. Problème : les places sont chères et Tifany doit prendre son mal en patience. En attendant, elle est transférée à l’hôpital de Besançon. "10 jours d’enfer car ils sont en sous-effectif, j’ai eu l’impression de perdre tout ce que j’avais acquis aux Pays-Bas".
Le 8 novembre, une place se libère et le travail peut enfin commencer. Des semaines rythmées par deux séances de kiné chaque jour, assorties d’ergonomie et de cours de sport adapté. "Quand je suis arrivée ici, je ne sentais pas mon côté droit, je pouvais à peine marcher et je portais une minerve en permanence". Ici, près de Lyon, Tifany Huot-Marchand a trouvé son équilibre, et sympathisé avec plusieurs patients : "Certains sont là depuis plusieurs années déjà". Le soir dans sa chambre, elle téléphone régulièrement à sa sœur Manon, ancienne patineuse en équipe de France et à sa nièce. Elle écrit aussi, maintenant que son corps le lui permet, car elle veut garder une trace de ce qu’elle a traversé. Deux mois et demi plus tard, Tifany s’apprête à sortir. Le plus gros de sa rééducation est derrière elle. La patineuse a retrouvé l’usage de sa main droite, marche normalement et a même repris la course à pied. "Des progrès assez impressionnants", expliquent ses médecins.
Objectif : un retour sur la glace au mois de juin
La suite de sa convalescence se fera dans le Jura, près de sa famille. "Ça va me faire bizarre de quitter le centre. Ils m’ont énormément apporté ici. Il va falloir que j’annonce aux autres patients que je pars, c’est ce qui me m’inquiète le plus", sourit tristement Tifany Huot-Marchand. Les bases sont acquises mais le chemin jusqu’à son retour sur la glace est encore long. "Ma jambe droite est beaucoup trop faible pour espérer patiner, j’ai énormément de raideurs dans les muscles et évidemment encore des douleurs". Malgré les obstacles, ses objectifs sont fixés : "Je veux reprendre le patinage au mois de juin, en même temps que les autres athlètes de l’équipe de France. Faire du sport en loisir ça ne m’intéresse pas, j’ai toujours été portée par la compétition".
Son rêve : les Jeux olympiques de Milan 2026. "Ce serait une belle histoire de dire : j’ai eu un grave accident mais je suis de retour en compétition et aux Jeux après tout ça". De cette épreuve, Tifany Huot-Marchand a appris à gagner en patience et à relativiser. Ses douleurs, elles, ne partiront peut-être jamais, mais une chose est sûre, rien n’empêchera Tifany Huot-Marchand de rechausser ses patins.