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Violences sexuelles dans le patinage: "Je n'étais au courant de rien", assure Katia Krier, ex-femme de Gilles Beyer

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DTN adjointe du patinage tricolore et directrice des équipes de France, Katia Krier a accepté d’évoquer pour RMC Sport le scandale de violences sexuelles touchant actuellement sa discipline, et plus particulièrement son ex-mari: l’entraîneur Gilles Beyer. Forcément marquée, elle dit n’avoir "rien vu" des agissements présumés de son ancien compagnon, et assure ne jamais l’avoir couvert.

Elle s’est retrouvée prise à double titre dans l’affaire de violences sexuelles touchant actuellement le milieu du patinage artistique français. Parce qu’elle est directrice technique nationale adjointe et directrice des équipes de France, mais aussi – surtout – parce qu’elle est l’ex-femme de Gilles Beyer, l’homme au cœur du scandale, l’entraîneur accusé de viols, notamment par Sarah Abitbol.

En plein "ouragan", Katia Krier a accepté de répondre aux questions de RMC Sport ce jeudi. "Parce que je veux sortir du silence, souffle-t-elle en préambule. Je ne peux pas rester sans rien dire devant tout ce déchaînement. Je ne peux pas rester silencieuse pour mon fils non plus." Elle n’a toutefois pas souhaité apparaître à visage découvert. "Je ne suis pas une personne publique, justifie-t-elle. Le milieu me connaît, bien sûr, et peut-être que certains iront chercher une photo de moi, mais je veux pouvoir prendre le métro tranquillement. Il est important pour moi de continuer à rester concentrée sur ma vie."

Les accusations de viols à l’encontre de Beyer: "Je n’étais au courant au rien"

Forcément perturbée par les événements actuels, Krier assure être "tombée de sa chaise" en découvrant les accusations de viols et/ou d’attouchements à l’encontre de son ex-mari – dont elle est séparée depuis 2000, mais pas divorcée. "Je suis au courant depuis mercredi dernier avec la publication de l’article de l’Equipe, puis celui du Nouvel Obs, dit-elle. […] Auparavant je n’étais au courant de rien. Je ne voyais pas d’où ça sortait, je n’ai pas compris parce que je n’étais au courant de rien depuis toutes ces années."

Krier martèle d’ailleurs n’avoir eu aucun doute à l’égard de Gilles Beyer sur "les deux cas cités". Même si c’est une affaire plus ou moins similaire qui a eu raison de son mariage. "Il y a eu une enquête administrative et judiciaire en 2000, j’étais au courant de ce qui lui était reproché à l’époque, mais rien d’autre depuis, répète-t-elle. Suite à cette enquête, j’ai d’ailleurs quitté le domicile familial. Je me suis séparé de M.Beyer, et depuis je n’ai jamais eu le moindre soupçon. […] C’était pour des faits de harcèlement moral et des comportements déplacés. Mais rien de sexuel, on parlait d’une emprise psychologique dans la relation entraîneur-entraînée, d’un baiser sur le front d’une jeune fille. Rien à voir avec ce qui sort aujourd’hui."

Avait-elle demandé des explications, des précisions à son compagnon d’alors? "Non, parce que pour moi c’était réglé, répond Katia Krier. A partir du moment où je partais, j’avais besoin de me protéger. Quand je l’ai quitté, j’ai aussi démissionné de mes fonctions au sein du club des Français Volants. Ce qui était important c’était de préserver mon fils, et moi." Et de se défendre: "A l’époque, j’avais déjà découvert les faits après tout le monde."

Quant au cas précis de Sarah Abitbol, qui affirme avoir été violée par Gilles Beyer au tout début des années 1990, notamment lors de stages où Katia Krier était présente, l’intéressée explique encore n’avoir "rien vu". "Dans la mesure où j’ai quitté M.Beyer pour des faits moins graves que ceux-ci, vous imaginez bien que si j’avais eu vent des choses qui lui sont reprochées, je serais partie", lâche-t-elle.

La personnalité de Gilles Beyer: "Il était un père et un mari attentionné"

Depuis plusieurs jours désormais, Katia Krier lit, voit ou entend son ex-compagnon être présenté comme un "pervers". Qu’en pense-t-elle? "Il y a un déchaînement tel que je m’attendais à ce que d’autres choses sortent, reconnait la directrice des équipes de France de patinage. Maintenant je le dis depuis le départ, ces affaires sont suffisamment graves pour être traitées en un seul lieu, qui s’appelle la justice. S’il y a des choses qui sont reprochées à ce monsieur, c’est à la justice de faire la part des choses. Pas à l’opinion publique, ni aux journalistes."

En ce qui la concerne, elle dit n’avoir jamais rien remarqué de suspect chez Gilles Beyer dans leur vie privée: "Je n’ai rien à dire sur son comportement envers moi et notre fils. Il était un père et un mari attentionné." Katia Krier l’a vu samedi passé, avec leur fils, "pour qu’il s’exprime". Mais elle ne souhaite pas détailler cette conversation. "Il lui appartient avec son avocat de gérer tout ce qui le concerne", coupe-t-elle.

Son image à elle: "Je n’ai rien à voir avec Madame Fourniret"

Si le parquet de Paris vient tout juste d’ouvrir une enquête préliminaire pour viols et agressions sexuelles sur mineurs, et si personne n’a été mis en examen jusque-là, Katia Krier se dit touchée par les bruits courant à son sujet. Et notamment par une comparaison peu flatteuse avec Monique Olivier, ex-compagne et complice du tueur et violeur en série Michel Fourniret. "Dans le milieu, on m’accuse d’être au courant de tout, d’avoir tout couvert pour rester en place dans mon travail aux Français Volants et à la fédération, regrette-t-elle. J’ai entendu dire qu’on m’assimile à cette personne-là. Mais je n’ai rien à voir avec des gens comme Madame Fourniret. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de la violence de ces propos. […] Si j’avais su, j’aurais divorcé, je ne cautionne absolument pas cela, et je n’ai jamais cautionné des choses aussi graves de ma vie."

Et Katia Krier de s’estimer victime collatérale de ce scandale. "Je subis de voir le père de mon fils dans cette situation, et de voir mon fils subir tout ça. Cette situation est angoissante pour une mère. […] Est-ce que j’ai des regrets de n’avoir rien vu? Aujourd’hui je me pose juste la question de savoir comment, moi, me sortir de tout cela. C’est très égoïste mais c’est mon instinct de survie qui parle."

Dans une lettre que RMC Sport a pu consulter, une ancienne patineuse qui s’entraînait sous les ordres de Krier vient pourtant ternir son image, en indiquant avoir subi de sa part des agressions verbales et physiques (elle pouvait être traînée par les cheveux). "Qu’elle prenne contact avec moi et qu’on ait une discussion en face à face, rétorque la technicienne. Elle peut m’appeler si elle souhaite en parler. Mais je ne m’exprimerai pas là-dessus."

L’omerta à la fédération et le président Gailhaguet: "Sûrement des problèmes… mais pas de culture du viol"

Selon certaines victimes présumées et des observateurs, la Fédération française des sports de glace (FFSG) aurait sciemment étouffé les histoires d’agressions sexuelles depuis plusieurs décennies. Mais Katia Krier n’est pas de cet avis. "Je suis dans le patinage depuis que j’ai 12 ans, j’en ai 51, et les seuls faits jamais évoqués sortent aujourd’hui. Pendant toutes ces années, il n’y a jamais rien eu de la sorte, alors je ne peux pas cautionner les termes de 'culture du viol'. Quant à l’omerta, je ne crois pas non. […] Il est possible de parler, certaines enquêtes montrent que des gens peuvent parler et être écoutés." La DTN adjointe concède tout de même qu’il y a "sûrement des problèmes, comme dans tous les milieux". Et complète: "Si les gens estiment qu’ils doivent parler, qu’ils le fassent, qu’ils libèrent leur parole."

En parallèle à Gilles Beyer, un autre personnage est au centre du scandale: Didier Gailhaguet, le puissant président de la FFSG. Invité à démissionner par la ministre des Sports Roxana Maracineanu, le dirigeant s’est fermement défendu devant la presse. Mais Katia Krier ne veut pas, ou ne peut pas, évoquer son cas. "Je n’ai pas le droit, de par mon statut de cadre d’Etat, de commenter tout ce qui touche à l’institution. Et M.Gailhaguet fait partie de l’institution, donc je ne peux pas répondre." Elle dément cependant toute proximité entre Gailhaguet et Beyer. "Oui ils se connaissent. Ils se sont entraînés ensemble, donc ils se connaissent, ils ont eu des missions communes aussi. Mais du temps où M.Beyer et moi vivions ensemble (1990-2000), nous n’avons jamais eu de dîners ou de sorties communes avec M.Gailhaguet. On ne parlait de lui que dans le cadre du travail."

L’avenir: "Je me dois de m’interroger si ma présence pourrait être un point négatif ou pas pour les athlètes"

Alors que sa discipline est en pleine tourmente, Katia Krier dit ne pas être "inquiète" quant à l’avenir du patinage français. "Ce sport est un sport magnifique, les enfants n’ont pas arrêté de venir dans les clubs depuis le début de cette histoire. J’ose espérer qu’on reparlera très vite du patinage pour des médailles, pour ce qu’on a su bien faire depuis des années. […] Ça peut vous paraître surréaliste d’entendre parler de sport aujourd’hui, mais mon but est que mes athlètes aillent aux championnats du monde (du 16 au 22 mars à Montréal, ndlr) et au bout de leur saison dans les meilleures conditions."

Des Mondiaux où elle ne sera peut-être pas présente, malgré son statut. "Je ne sais pas si moi j’irai au Canada, non, glisse Krier. Je me dois de m’interroger si ma présence pourrait être un point négatif ou pas pour les athlètes. Je prendrai ma décision rapidement." En attendant, l’ex-compagne de Gilles Beyer ne s’exprimera plus médiatiquement. Pour se protéger. "Je fais au jour le jour, je ne me projette pas, conclut-elle. Chaque journée est différente. Mais je suis soulagée qu’il y ait l’ouverture d’une enquête judiciaire, pour que cela soit traité au bon endroit."

Maureen Lehoux avec CC