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Boxe: "C'est mon heure", Elhem Mekhaled prête pour le défi face à Alycia Baumgardner, détentrice des quatre ceintures mondiales

Elhem Mekhaled - Boxe

Elhem Mekhaled - Boxe - ICON Sport

La Lyonnaise de 31 ans, Elhem Mekhaled, va tenter l’exploit samedi dans le théâtre du Madison Square Garden : détrôner Alycia Baumgardner, tenante des quatre ceintures mondiales super-plume. Un combat où la Française aux 15 victoires pour une défaite sera loin d’être favorite. Elle n’en a que faire. Un succès serait historique. Aucun Tricolore n’a unifié des ceintures aux Etats-Unis.  

Elhem Mekhaled, c’est le rêve d’une vie qui arrive ce samedi à New York ?
C’est une chance mais c’est aussi le combat de ma vie. J’attendais ce moment depuis très longtemps.

Comment ce combat s’est ficelé ? Disputer un championnat du monde contre Alycia Baumgardner, ça ne se fait pas du jour au lendemain...
En 2019, j’ai eu le titre par intérim WBC. Entretemps, il y a eu le Covid, des blessures des championnes… Baumgardner a pu unifier les titres. Après mon combat contre Delfine Persoon (défaite aux points), une manager (Sarah Fina) m’a contactée. Elle avait adoré ma prestation et m’a proposé de signer avec elle. Avant la signature je lui ai dit: ‘Je veux un championnat du monde’. Elle m’a dit: ‘Ça va être difficile mais je vais tout faire pour.’ Elle a tous les contacts dans le monde de la boxe. Elle a tapé du poing sur la table pour me donner cette chance. Je suis très contente.

Après ces deux ans sans combattre entre décembre 2019 et septembre 2021, que se dit-on ? Que la chance d’avoir une opportunité mondiale ne viendra pas ?
J’étais toujours dans l’optique de faire ce combat. J’ai la tête dure. Je n’ai pas lâché jusqu’au début d’année 2022. J’étais un peu seule sur ce parcours. Contre Persoon, qui a 50 combats, j’ai fait une belle prestation. Même si elle gagne, c’est ce que j’ai produit ce jour-là qui a donné les arguments à Sarah. Sans être prétentieuse, je dirais que j’ai de la qualité technique, que je suis hargneuse. Elle a aimé ça. Ils ont vu que malgré le fait que je n’ai pas beaucoup boxé, ça ne m’empêchera pas de donner un bon combat le 4 février. Ce combat contre Persoon a reboosté ma carrière, m’a remotivée et m’a donné encore plus confiance. Ça m’a prouvé que je pouvais avoir le niveau mondial.

La marche est plus haute en allant affronter Baumgardner ?
Ma réponse est mitigée. Persoon a l’expérience du ring. J’avais 15 combats à ce moment contre 50 pour elle. Alycia a la jeunesse et la fougue. Elle est précise. Elle a mis un KO à Terri Harper, elle a tenu tête à Mikaela Mayer (victoire par décision partagée). Je ne vais pas dire qu’elle est plus forte. En tout cas le challenge est haut. Je serai à la hauteur.

Vous ne devez pas vous dire que vous êtes là par hasard ?
C’est mon destin. J’ai attendu tout ce temps depuis 2019 et cette ceinture par intérim pour me retrouver quatre ans plus tard pour tenter d’avoir quatre ceintures. Tout vient à point à qui sait attendre. Aujourd’hui, c’est mon heure. Je vais tout faire pour ramener ces ceintures en France. Je ne la sous-estime pas, ça va être un gros combat et je vais tout donner.

Il y a tous les éléments d’un combat à la Rocky. Baumgardner a toutes les ceintures, vous arrivez chez elle aux Etats-Unis, vous êtes outsider…
J’aime bien boxer chez l’adversaire. Je me dis qu’elle doit être à l’aise chez elle avec tout son entourage. Je boxe dans un lieu mythique, une fille qui a un beau palmarès, il y a un bel enjeu. Dans tous les cas, ce sera un très beau combat. Etre l’outsider, c’est un avantage pour moi. Il n’y a pas de pression. Façon de parler mais je n’ai rien à perdre et tout à gagner.

Vous avez boxé dans des gymnases en France et là vous allez-vous retrouver dans le théâtre du Madison Square Garden !
Si je peux me permettre mon dernier combat était à Abu Dhabi. Il était prévu sur un héliport à Dubaï avant d’aller à Abu Dhabi. J’arrive à un moment où je vais boxer dans des lieux mythiques. Comme je le disais à mon entraîneur, boxer pour quatre ceintures, vous me mettez dans un champ, c’est l’enjeu qui compte plus que le lieu. Je suis ravie de réaliser enfin l’un de mes rêves. Je voulais boxer à New York.

Quels sont vos atouts sur ce combat. Où allez-vous faire la différence ?
C’est ce que mon entraîneur (Joseph Germain) m’a dit, j’ai une boxe qui me permet de m’adapter à la boxeuse en face de moi. Je sais m’adapter aux défauts de l’autre. Elle compte beaucoup sur son bras arrière et sur son crochet du bras avant, elle est très précise.

Vous aurez Joseph Germain dans le coin. Il a coaché Carlos Takam dans de très grandes réunions, dans des stades. Quel est son apport ?
Ça fait partie de mon destin. J’ai rencontré Jo il y a un an et demi. C’est une personne très précieuse. Il est à l’écoute. Je ressens sa confiance. S’il a accepté ce combat, c’est qu’il croit en moi. Il a l’expérience du ring et des gros combats. Avec Jo, on va décrocher ces ceintures.

Est-ce le genre de combat qui change une vie quel que soit le résultat ? La bourse, la médiatisation n’ont rien à voir avec ce que vous avez connu ?
La vie sera toujours la même car je continuerai d’avoir ma double vie de sportive et d’employée. Ce qui pourrait changer ma vie ce serait de ramener ces ceintures à la maison. Je pourrais me dire que ma persévérance a payé et que je n’ai pas fait tout ça pour rien. Ce qui pourrait changer ma vie c’est de donner l’exemple pour la boxe féminine française, à l’histoire de la France. Ça pourrait marquer l’histoire et inciter les femmes à pratiquer les sports de combat.

Vous êtes employée de bureau. Comment votre emploi du temps a pu être aménagé ?
En France, c’est compliqué pour le statut des boxeurs. Mon employeur, la Matmut, me suit depuis quelques années. Même quand j’ai dit que je voulais arrêter la boxe, ils n’ont pas arrêté. C’est grâce à mon employeur que je peux me détacher du temps. Quand je demande à partir en préparation, ils acceptent, ils me suivent. Ils me mettent en avant. Ils me permettent d’engager des frais. Je vis à Lyon. Quand je viens à Paris je dois louer un appartement, je dois payer mes sparrings-partners. Mon sponsor me permet cela. Sans la Matmut je n’en serais pas là aujourd’hui.

Avez-vous eu besoin d’une préparation mentale pour ce match ?
(rires). J’ai la tête dure. Je n’ai pas besoin de ça. La préparation mentale c’est mon papa, qui m’a élevée seul, qui m’a appris à me battre dans la vie pour obtenir mon bonheur. J’avance comme ça. Ce qui me fait vivre, c’est me dire que le temps passe vite et il faut profiter. Il ne faut pas se mettre de barrières, il faut les franchir. C’est mon père qui a fait cette prépa mentale. 

Propos recueillis par Morgan Maury