RMC Sport Sports de combat

Boxe: "Sa boxe est mignonne…", Hamadouche répond à Mayer avant le choc historique

placeholder video
Championne IBF des super-plumes, Maïva Hamadouche dispute un choc face à la championne WBO Mikaela Mayer, ce vendredi soir à Las Vegas. Un moment d’histoire pour la boxeuse française qui peut également remporter la prestigieuse ceinture The Ring de la catégorie. De passage dans le RMC Fighter Club avant ce choc, "El Veneno" raconte ce défi et répond sans langue de bois aux nombreuses piques lancées par sa rivale américaine.

Anne-Sophie Mathis et Myriam Lamare ont des carrières et des arguments à faire valoir. Mais le constat se trouve dans le contexte: Maïva Hamadouche va disputer ce vendredi soir le plus grand combat de l’histoire pour la boxe féminine française. Championne IBF des super-plumes depuis, la combattante tricolore va tenter d’ajouter la ceinture WBO à sa collection face à l’Américaine Mikaela Mayer. Le tout à Las Vegas en main event (combat principal) d’une carte Top Rank diffusée sur ESPN et avec en cerise sur le gâteau la mise en jeu de la prestigieuse ceinture The Ring de la catégorie. Un ajout qui grave le côté historique de ce combat.

>> A écouter: Hamadouche invitée du RMC Fighter Club avant Mayer

Seules quatre femmes ont déjà remporté cette ceinture dans leurs divisions respectives, l’Américaine Claressa Shields chez les moyens et super-welters, l’Irlandaise Katie Taylor chez les légers, l’Américaine Jessica McCaskill chez les welters et la Britannique Chantelle Cameron chez les super-légers (la Norvégienne Cecilia Braekhus en avait également reçu une pour sa place de numéro 1 au classement pound-for-pound, soit toutes catégories confondues, avant d’être détrônée de ses titres unifiés des welters par McCaskill), depuis que le célèbre magazine spécialisé a décidé d’en décerner dans la boxe féminine. Et chez les hommes, seuls six Français ont déjà obtenu l’honneur de la porter: Jean-Marc Mormeck (deux fois) chez les lourds-légers, Marcel Thil et Marcel Cerdan chez les moyens, André Routis chez les plumes, Robert Cohen et Alphonse Halimi chez les coqs.

"Je préfère qu'elle me sous-estime"

Hamadouche a l’occasion d’ajouter son patronyme à ces deux listes prestigieuses. Et cette perspective la ravit. "J’attends ce combat à enjeu depuis longtemps", avoue la Française dans un sourire plein d’appétit. Pour obtenir un tel rendez-vous, "El Veneno" (le poison, son surnom) a dû s’expatrier et rejoindre le grand promoteur Matchroom après avoir été prise en charge par Malamine Koné puis Brahim Asloum en début de carrière professionnelle. Mais cette fois, elle y est. Et la policière dans le civil, qui donne actuellement des cours dans un foyer de femmes victimes de violences conjugales dans un projet de la police nationale qui lui permet d'éviter le risque de blessure sur le terrain, compte bien en profiter. "Les trois ceintures vont revenir en France", promet-elle. Il faudra pour cela écarter l’obstacle Mikaela Mayer.

Ancienne mannequin, la combattante américaine qui jouait de la basse dans un groupe de métal dans sa jeunesse est une des stars de la boxe féminine aux Etats-Unis, portée par un storytelling vendeur entre ses débuts dans les sports de combat (muay-thaï puis kickboxing et enfin boxe) pour sortir de la spirale de bagarres à l’école qui ont poussé plusieurs lycées à la virer et sa relation forte avec le légendaire coach Al Mitchell qu’elle a détourné de ses envies de retraite pour accompagner sa carrière. Une invaincue chez les pros – 15-0 depuis ses débuts en août 2017 contre 22-1 depuis ses débuts en décembre 2013 pour son adversaire – de trente-et-un ans qui a aussi une bonne expérience amateur (éliminée en quart aux Jeux de Rio en 2016) et qui prend surtout un malin plaisir à taquiner Hamadouche (qui aura trente-deux ans ce 4 novembre) au moindre micro tendu depuis plusieurs mois, répétant à l’envie que sa rivale "ne connaît qu’une chose, avancer" quand elle "peu(t) changer de style" car "plus versatile".

Elle avait aussi profité de la quête olympique de la Française, éliminée dès son entrée en lice et avec frustration à Tokyo cet été après un printemps passé à subir plusieurs opérations chirurgicale sur un bras gauche qu'elle aurait même pu perdre, pour prétendre que cette dernière tentait de "(l)’esquiver" via sa participation aux JO, sous-entendant qu’elle avait peur de l’affronter. Ses sorties se font via les réseaux sociaux où Hamadouche peut répliquer mais aussi dans des médias anglophones qui ne donnent pas l’occasion à la championne IBF de lui répondre. Alors quand elle passe au micro du RMC Fighter Club, le podcast de RMC Sport consacré aux sports de combat, "El Veneno" n’hésite pas à sortir son venin.

Le combat repoussé de quelques mois à cause des JO? "Ce n’est pas elle qui fait les règles de la boxeet si j’ai envie d’aller aux Jeux, je le fais. Le combat aurait dû se faire bien avant, quand elle a gagné sa ceinture WBO contre Ewa Brodnicka en octobre 2020, mais il ne s’est pas fait à ce moment-là et ils ont fait exprès de proposer une date en plein milieu des Jeux. C’est comme ça que ça s’est passé." Les critiques de Mayer sur son style très offensif et sa boxe où elle ne ferait qu’avancer pour faire mal (plusieurs de ses adversaires ont abandonné ou ont été comptées debout) sans aucun autre plan? "Je sais boxer. J’ai plus d’expérience qu’elle. Mais je préfère qu’elle me sous-estime comme elle le fait car je vais pouvoir la surprendre."

"C'est un peu une Nellie Oleson"

Mayer qui la place "derrière" elle dans la catégorie car elle se considère "plus complète"? "C’est l’inverse. Elle est un peu inconsciente et elle n’est pas objective car j’ai un meilleur palmarès. Et je ne la trouve pas si forte que ça. Je trouve qu’on la surestime un peu. Elle boxe… oui… ok. C’est mignon, voilà. Je ne la trouve pas sensationnelle physiquement. C’est elle qui doit perdre du poids pour combattre, pas moi. Je ne sais pas comment on peut être en forme le jour du combat avec un cutting si important. Mais c’est son problème, pas le mien. Elle dit qu’il faut être en forme pour m’affronter. On va voir si elle l’est…"

Les menaces de l’Américaine sur une confrontation musclée lors de la pesée? "Je ne l’aime pas dans sa façon de faire. Elle manque de respect. Elle dit d’attendre de voir ce qu’elle va faire à la pesée. Mais qu’est-ce qu’elle va faire? J’attends bien de voir ça. Moi, je ne parle pas pendant trente-six ans, je n’ai rien à dire, mais il faut que ça se passe bien. J’ai vu des pesées où elle 'monte' un peu sur ses adversaires car elle profite d’être plus grande mais il va bien falloir qu’elle reste à sa place avec moi si elle veut que tout se passe bien. Il ne faut surtout pas qu’elle me manque de respect car je vais l’attendre à ce moment-là. C’est Mayer dans toute sa splendeur. C’est un peu une Nellie Oleson, tout le temps en train de se la ramener pour rien."

On laissera aux plus jeunes le soin d'aller chercher la référence. On a surtout compris que les deux ne passeront pas leurs vacances ensemble. Mais elles s’accordent sur une chose: ce combat promet d’être "excitant" et avec "beaucoup d’action". Un choc pour lequel Hamadouche, qui boxera pour la première fois à Vegas quand Mayer a passé quatre de ses cinq derniers combats là-bas, a conscience qu’elle devra sans doute en faire bien plus que l’autre pour ne pas être victime d’un jugement en faveur de celle qui évolue "à domicile". "C’est un combat à risques mais il faut en prendre pour avancer. Par risques, j’entends que si je ne la mets pas KO, c’est vrai, ce sera difficile de gagner. Si le combat est serré, je sais qu’il faut la dézinguer, la fatiguer et l’assommer car il ne faut pas qu’elle aille au bout. C’est la boxe, c’est comme ça, et je sais pourquoi j’y vais. Il faut l’allumer pour gagner et c’est ce qui va se passer."

Tout servira à la motiver, à commencer par deux qui ont désigné ce combat comme Mayer-Hamadouche et placent l’Américaine plus haut que la Française dans les classements de la catégorie alors qu’elle est championne depuis moins longtemps et montre moins de puissance (et donc de KO, 5 en carrière contre 18). "Ce n’est pas Mayer-Hamadouche mais bien Hamadouche-Mayer. Ils sont chauvins mais je vais vite remettre les choses dans l’ordre."

Si la Française bat sa rivale chez elle, dans un combat sans clause de revanche, elle intégrera sans doute les classements pound-for-pound de la boxe féminine. Elle sera vue à raison comme la patronne de la catégorie la plus excitante de la discipline chez les femmes et pourra viser des unifications avec les autres championnes pour tenter de réunir les quatre ceintures. "Ce combat va m’apporter beaucoup de reconnaissance. Ça va me permettre d’être reconnue à ma juste valeur par les spécialistes et le milieu de la boxe." Pour Maïva Hamadouche, l’histoire s’écrit à Las Vegas. A elle d’en faire le cadre du plus beau chapitre de la boxe féminine française.

https://twitter.com/LexaB Alexandre Herbinet Journaliste RMC Sport