Boxe: Fatia Benmessahel, un "double combat" en vue des Jeux de Paris 2024

Respect, humilité, courage et détermination. La boxe transmet des valeurs à certains, d’autres les inculquent depuis toujours. Diplômée de l’ESIEE (école d’ingénieur) depuis l’an passé, Fatia Benmessahel a dédié sa jeunesse aux études et aux entraînements, prouvant qu’allier grandes études et carrière de haut niveau, c’est possible. Jeune fille rêveuse devenue femme de caractère, la boxeuse de Seine-Saint-Denis nous a accueillis les bras ouverts dans les locaux de l’Insep (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance). En tenue soignée dans un premier temps, puis en habits de sport pour une petite démonstration sur un ring et avec des sacs de frappes qui n’attendaient que ça. Souriante mais déjà concentrée sur ce fameux tournoi interne de Saint-Quentin, Fatia Benmessahel s’est livrée sur sa vie passée, présente et future. Car son histoire peut se découper en plusieurs chapitres.
La détermination est souvent associée au sport, et à la boxe de haut niveau. Est-ce le terme qui vous caractérise le mieux dans votre carrière et plus généralement votre vie ?
C’est vraiment une qualité que l’on peut me donner car je ne lâche jamais rien. J’ai commencé tard (vers 15-16 ans), mais je me suis toujours accrochée même si on me disait que ce n’était pas possible, que c’était trop tard… Ensuite j’ai voulu entamer des études en parallèle et on m’a dit que ce n’était pas possible. Ça n’a fait que grandir ma détermination !
Votre famille n’est pas vraiment branchée boxe… Sauf votre oncle qui en faisait lui aussi. Comment vous êtes-vous inspirée de lui pour devenir la femme que vous êtes aujourd’hui ?
J’ai fait un peu tous les sports. Rugby, football, triathlon… J’ai touché à tout, mais je n’ai jamais accroché à un sport plus qu’un autre. Par contre, la boxe m’avait toujours intéressé car je voyais mon oncle en faire. Donc j’ai voulu tenter et quand j’ai commencé je n’ai pas pu arrêter. Voir que lui n’a pas lâché malgré les régimes, les difficultés, les coups… Ça m’a inspiré et ça m’a plutôt bien réussi je pense. C’est un sport super complet, ce n’est pas juste se taper dessus.
Les Jeux de Paris 2024 approchent à grands pas, comment comptez-vous vous y prendre pour décrocher votre billet ?
Ce qui a été compliqué c’est que les catégories ont complètement été chamboulées en juin dernier. C’est tout nouveau. J’ai dû monter d’une catégorie (désormais chez les – 66 kg, N.D.L.R) donc je ne suis plus dans celle qui me correspond le mieux. J’ai beaucoup de travail qui m’attend de ce côté-là mais ce n’est pas un frein, bien au contraire. J’ai déjà remporté les Championnats de France de la catégorie. La prochaine étape c’est ce week-end à Saint-Quentin lors du tournoi interne. Même si on ne m’attend pas forcément, je suis la numéro une !
Vous êtes récemment devenue ingénieur en génie industriel. Comment associez-vous métier/études prenant(e)s et sport de haut niveau ?
Ça a toujours été un combat pour moi. Je voulais casser les codes et aller à l’opposé de ce que l’on pouvait me dire. Je voulais faire de grandes études, et même si la boxe est arrivée dans ma vie, c’était impensable de devoir choisir entre les deux. Je me suis acharnée. J’ai réussi à faire ma prépa et mon école d’ingénieur en parallèle. Et désormais, par rapport aux études, le travail c’est beaucoup plus soft ! Il n’y a pas de travail à la maison (rires). C’est important pour moi de prouver que c’est possible, et aussi de montrer qu’il est quasiment impossible de nos jours de vivre de la boxe, que ça soit en amateur ou en professionnel.
Comment ne pas lâcher avec des journées aussi remplies ?
C’était très compliqué parce que je faisais du 8 h-19 h et j’enchaînais avec les entraînements. Quand j’étais en compétition, je devais ramener mes cours avec moi… Mais ça a toujours été une motivation. Je savais que ma famille n’allait pas trop apprécier que mes notes descendent à cause de la boxe. Et inversement. Pour moi, il était hors de question que mes études fassent diminuer mon niveau de boxe. Donc ça a simplement fait grandir ma détermination et je pense que si je n’avais pas eu l’un ou l’autre, je n’aurais pas autant performé des deux côtés.
Vous étiez déjà douée pour vouloir de cette vie-là…
A l’école oui j’étais plutôt douée. Sans me vanter, j’ai toujours eu des facilités. Mais du côté de la boxe c’était plus compliqué. J’ai commencé tard. J’avais du cardio, je ne lâchais pas, mais je n’étais pas très « jolie » à voir. Ça a été la consécration aux Championnats de France d’avoir le trophée de « meilleure boxeuse ». Pour certains ce n’est pas grand-chose mais pour moi c’est beaucoup.
Finalement, la boxe est peut-être une bonne discipline pour continuer les études. Par rapport à des sports d’endurance, la charge horaire est moins importante. C’est exact ?
Pas forcément… En fait on se dit que la boxe ce n’est que trois rounds de trois minutes, que c’est assez rapide. Mais pas du tout ! C’est très long. Et au contraire ça demande de longues séances d’entraînement. On touche vraiment à tout. On fait de la course, de la piste, du travail de musculation, du vélo, du rameur… etc. Ce ne sont pas que des séances courtes et intenses. Je ne pense pas que ça soit un sport plus facile à associer aux études.
Au départ, vous vouliez prouver aux autres plutôt qu’à vous-même. Finalement, vous avez réussi les deux ?
Je ne dis pas que ça a été facile. La prépa c’est un rythme très soutenu. J’ai eu la chance d’avoir des camarades de classe qui m’ont épaulé, et de compter sur un excellent service pédagogique avec de bons professeurs. Après il y a aussi l’aspect hommes-femmes. On m’a beaucoup dit ‘’oh les filles qui font de la boxe…’’ C’était un peu un double combat. Et les études, et la femme dans la boxe. Casser ces inégalités, ces injustices, c’est ça qui me motive et qui me fait vibrer !
Vous avez également réussi à rendre fier votre papa…
Je suis quelqu’un de très famille. C’est très important pour moi de rendre fiers mes proches et encore plus mon père qui nous a quittés il y a plusieurs années maintenant. Pour moi, je leur dois. Leur montrer que d’avoir cru en moi, ce n’était pas pour rien. Si je peux faire rayonner mon nom de famille à l’international grâce aux JO, c’est tout bénef !
Vous paraissez sereine. Pour vous c’est sûr, vous ferez partie de la délégation française aux Jeux de Paris 2024 ?
C’est vraiment le Graal. C’est la consécration. C’est ça qui va montrer que j’aurai réussi. Après si je ne me qualifie pas, ça restera un beau parcours. Mais pour moi c’est inenvisageable ! L’objectif c’est de boxer à la maison en 2024.
Paris 2024, un aboutissement. Comment envisagez-vous l’après JO ?
Honnêtement, le plan pour moi est d’arrêter après les Jeux olympiques et donc de finir de la meilleure des manières. Ça me fera à peu près 10 ans de pratique, je pense que ce n’est pas mal. 10 ans de régime, de travail, de sacrifices… Ce serait vraiment une belle fin. J’aimerais terminer comme cela pour après me concentrer sur ma vie personnelle et familiale.
Et même si Paris 2024 se passe mal ?
Oui je pense que j’arrêterai dans tous les cas. Même si j’espère que ça se passera bien (rires) ! En tout cas, je travaille dur pour.