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Boxe: la folle histoire de Vaughn Alexander, qui a passé onze ans en prison avant de retrouver les rings pour défier Christian Mbilli

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Vaughn Alexander a 36 ans dont onze et demi passés dans un pénitencier du Missouri pour vol à main armée. Sa carrière prometteuse a été mise entre parenthèses jusqu’à un retour en 2016. Derrière les barreaux, il n’a jamais lâché son éthique d’entraînement. Il n’a pas pu voir son fils naitre et a assisté depuis sa cellule aux titres de son petit frère, Devon, sacré multiple champion du monde. "The Animal" va défier Christian Mbilli ce samedi soir à Nantes (en direct à partir de 20h30 sur RMC Sport 1). Un combattant qui est tombé mais s’est relevé. Apaisé mais toujours prêt au combat.

Vaughn Alexander, il parait que vous avez commencé la boxe grâce à un policier ? Racontez-nous.

Il m’a vu me battre avec quelqu’un à l’école. Il m’a demandé si je voulais boxer. J’ai dit oui mais je n’avais pas idée de ce que c’était. J’avais seulement huit ans. Je connaissais les combats de rue mais je ne savais rien de la boxe. La seule raison pour laquelle j’ai dit oui c’était pour sortir des embrouilles. J’ai commencé deux semaines plus tard. J’ai vu deux personnes que je connaissais en train de courir. Je leur ai demandé pourquoi elles couraient. A un angle du parc, il y avait ce policier et il m’a invité à entrer au club et à essayer. Je m’en suis bien tiré et j’ai commencé le jour suivant.

C’a tout de suite été le coup de foudre ?

Oui ! Il y avait à la salle un garçon qui boxait déjà depuis 4 ou 5 ans. J’ai fait du sparring avec lui et j’ai compris que c'était autre chose que de combattre dans la rue.

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Vous avez eu rapidement le rêve de devenir un champion ?

Ne vous méprenez pas. Je n’ai jamais raté une seule séance. Je me suis entraîné dur. J’ai toujours eu une bonne éthique de travail dans n’importe quel domaine et même tout jeune. Le lendemain de mes débuts à la salle, j’ai pris ça très au sérieux. J’ai appris vraiment rapidement. Les coaches ont commencé à voir loin pour moi.

Après 5 victoires en 5 combats pour vos débuts pro, vous vous retrouvez en prison fin 2004.

A ce moment, ma carrière était en train de décoller. Je signais avec Don King. Je n’ai jamais pris mon entraînement à la légère, je n’ai jamais pris la boxe à la légère. Mais quand je terminais l’entraînement, j’étais dans la rue. J’ai été mêlé à des trucs. Et j’ai fini en prison.

A quoi ressemble le Boonville Correctionnal Center (Missouri) ?

(Rires) Effrayant ! C’est un endroit plein de métal. Des portes, du métal. C’est rempli de criminels, de condamnés à mort. Mais quel que soit le crime que tu as commis, tu dois tenir bon dans ce genre d’endroits. (…) Pendant onze ans et demi, tu entends ta voix.

Racontez-nous votre quotidien de prisonnier pendant ces onze années et demie.

Quand j’étais en prison, je n’ai rien perdu de vue. Je m’entraînais tous les jours. Bien sûr, tu dois t’adapter avec la prison. Il y a des milliers de types autour de toi tous les jours. Je me suis beaucoup battu, j’ai frappé beaucoup de gens là-dedans. Chaque jour de ces onze années et demie je me suis entraîné, que je sois dans la cour ou au trou. Je n’ai jamais perdu l’espoir. Je n’ai jamais perdu l’idée que si je sortais, ce que je faisais allait payer.

Vous vous battiez beaucoup ? En tant que boxeur, vous étiez ciblé ?

Oui. Je me suis battu beaucoup là-bas. En prison, tu vas te battre, on se fiche de qui tu es. Vous savez, à ce moment, je viens de la rue, je suis jeune, je suis sauvage...

Avez-vous pu garder votre corps en prison ?

J’étais un poids welter, à 66 kilos, quand je suis passé chez les pros. Quand je suis sorti de prison j’étais à 83 kilos. J’étais vraiment lourd. En sortant, j’ai commencé à perdre ces muscles. Ca m’a pris beaucoup de temps de perdre ces muscles parce que j’avais habitué mon corps à cette façon de s’entraîner pendant ces onze années. C’était long pour redescendre mais maintenant ça va.

Qu’avez-vous appris sur vous-même, sur la boxe, en prison ?

Il n’y a rien que vous puissiez apprendre sur la boxe en prison. La seule chose sur laquelle j’ai progressé en prison ce serait ma mentalité. Je suis entré en prison à l’âge de 18 ans. J’ai dû prendre une décision : devenir meilleur ou devenir encore plus destructeur. Je suis devenu une meilleure personne.

De quoi rêviez-vous chaque soir en prison ?

Je n’avais pas de rêve. Je gérais la réalité. Je suis musulman. Je priais. Je suis dévoué à ma religion, à mon dieu. Je voulais être aussi bon que possible. J’étais sincère dans mes prières, dans ce que je demandais. Simplement, je demandais à pouvoir sortir de prison. Tout le reste suivrait. Je ne rêvais pas du titre de champion du monde pendant ces moments-là. J’étais en prise avec ma réalité, celle d’un prisonnier.

Qu’avez-vous ressenti dans votre cellule lorsque vous avez vu votre frère, Devon, devenir champion du monde des super-légers puis des welters ?

J’ai vu beaucoup de ses combats lorsque j’étais en prison. Je suis très fier de lui et particulièrement lorsqu’il a gagné son premier titre (en 2009 contre Junior Witter pour la ceinture WBC des super-légers). Il a en gagné un second (contre Juan Urango en 2010 pour les ceintures WBC et IBF des super-légers) et un troisième (contre Randall Bailey en 2012 pour le titre IBF des welters). Ces jours-là il a gagné et moi aussi j’ai gagné. C’est quelque chose que l’on s’était promis depuis notre enfance. Il a été le premier à gagner ce titre mondial puisque j’étais en prison.

Votre premier enfant, un garçon, est né lors de votre séjour en prison ?

Oui, j’ai appris sa naissance au téléphone. C’était difficile de ne pas pouvoir être présent pendant toutes ces années. J’ai tout fait pour que ma famille et celle de ma compagne soient là pour lui. Maintenant, mon fils est dans le droit chemin. Il n’a jamais été impliqué dans des histoires. Il voudrait aller dans une grande université. Je peux dire qu’il n’est pas du tout comme moi.

Qu’avez-vous fait le jour où vous êtes sorti de prison ?

Le premier jour hors de prison, j’ai passé du temps avec ma famille, ma mère, mes frères, mes sœurs et avec mon fils. Et le jour suivant, j’étais à la salle.

Pourquoi parlez-vous de transition en douceur pour ce passage de la prison à la vie de tous les jours ?

Quand je suis sorti j’étais déjà prêt. J’étais déjà dans le bon état d’esprit. J’étais en prison mais je n’étais pas empêché de m’entraîner pour préparer mon retour en société. C’était une transition douce parce que c’était quelque chose que je voulais.

A votre sortie de prison, en 2016, vous remportez 7 combats d’affilée !

C’est ce que je désirais. Du talent que j’avais au moment où je suis sorti de prison jusqu’au combattant que je suis aujourd’hui, cela m’a pris presque 7 années même si j’ai enchaîné ces 7 victoires. Je suis un boxeur totalement différent que lorsque je suis sorti. Avant je me basais principalement sur mes skills, mon ardeur au travail. Les victoires, mais aussi les défaites, tu apprends. La boxe ce n’est pas une seule chose comme votre talent par exemple. Tu dois trouver un chemin jusqu’à la victoire. J’ai compris ça. C’est pour cela que je regagne depuis mes deux derniers combats.

De quoi rêvez-vous ?

Même quand je gagne, je cherche toujours progression. Je reste un étudiant de la boxe. Je dois toujours essayer d’être meilleur parce que la compétition devient plus compliquée à mesure que vous grimpez dans les classements. Je ne suis jamais satisfait. J’apprends toujours. Mon premier but est de gagner. Ensuite, c’est de monter au classement pour avoir de meilleurs combats. Mon objectif reste de remporter un championnat du monde. Je prends les types comme Mbilli. Lui ou n’importe quel autre, je l’affronte et je vais chercher la victoire.

Quel est votre avis sur votre adversaire, Christian Mbilli ?

Il n’est pas au sommet. Il est très bon. J’ai regardé quelques-uns de ses combats, même les combats qu’il a livrés en amateurs aux Jeux olympiques (battu en quart de finale à Rio en 2016). Je fais tout le temps ça. Je veux savoir à quoi il ressemble au début et comparer à maintenant. Ne vous méprenez pas. Il est invaincu. Il mérite d’être dans cette position. Je vais juste dire que c’est un bon combattant et que je veux opposer mes talents aux siens.

Après vous, il doit affronter le Kazakh Ali Akhmedov en demi-finale mondiale WBC ? Il pourrait penser d’abord à ce combat avant celui face à vous ?

Mon boulot c’est d’y aller et de gagner quelque soit ce qu’il ressent ou ce qu’il a à faire après ce combat. On doit d’abord voir ce qui va se passer contre moi. Je peux vous dire que s’il regarde trop loin, je vous garantis ma victoire.

Propos recueillis par Morgan Maury