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Boxe: Pourquoi le combat de la star Naoya Inoue au Tokyo Dome est un énorme événement

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Champion incontesté des super-coqs, Naoya Inoue remet ses ceintures en jeu ce lundi au Tokyo Dome face au Mexicain Luis Nery (en direct à partir de 10h sur RMC Sport 1). Un moment historique pour la superstar japonaise, considérée par beaucoup comme le meilleur boxeur au monde, qui va combattre devant les plus de 55.000 spectateurs d’une enceinte qui n’avait plus accueilli de boxe depuis un certain Mike Tyson. RMC Sport vous explique pourquoi c’est un événement à ne pas rater.

Parce que Naoya Inoue est un des meilleurs boxeurs au monde…

Numéro 1 ou numéro 2? Pour l’immense majorité des observateurs du noble art, Naoya Inoue est dans la discussion du meilleur boxeur de la planète toutes catégories. Qu’on préfère ou non l’Américain Terence Crawford (Oleksandr Usyk est aussi très souvent dans la conversation), impossible de ne pas reconnaître la grandeur pugilistique du "Monster" japonais qui défend son titre incontesté des sper-coqs ce lundi au Tokyo Dome face au Mexicain Luis Nery (35-1, 27 KO; 29 ans). A 31 ans, celui qui a débuté sa carrière pro en octobre 2012 affiche des statistiques folles: 26 combats, dont 21 championnats du monde (série en cours, la plus longue de la boxe actuellement), pour 23 KO.

Champion du Japon à son quatrième combat, champion OPBF (Oriental and Pacific Boxing Federation) au cinquième, Inoue est sacré champion du monde pour la première fois au sixième, chez les mi-mouches, il y a un peu plus de dix ans. Depuis, le garçon a tracé un chemin de domination sur les petites catégories. Sacré dans quatre catégories différentes (ça aurait pu être cinq mais il a zappé les mouches car son corps ne suivait plus pour faire le poids), le Japonais a récolté douze ceintures au passage et unifié tous les titres des coqs puis des super-coqs, devenant le deuxième champion incontesté dans deux catégories dans l’ère à quatre ceintures principales après… Crawford (mais il l’a réalisé en 54 semaines, un record historique dans les ères à deux, trois ou quatre titres).

Ses quinze derniers adversaires ? Tous mis KO/TKO, même s’il aura fallu deux combats pour le faire contre la légende Nonito Donaire. Sur 156 rounds chez les pros, il n’en a perdu que six unanimement. Mais qu’est-ce qui le rend si fort ? Tout. Formé par son père-coach Shingo, Inoue est un boxeur au presque parfait. Fondamentaux, vitesse, technique, équilibre parfait même au bout d’une série de coups, punch, capacité à couper le ring et accélérer pendant une combinaison, jamais hors de position, QI de combat ultra élevé, il ne semble affiche aucun défaut.

"Il peut s’adapter à tous les styles en face de lui, estime Timothy Bradley, ancien champion du monde chez les super-légers et les welters devenu consultant pour ESPN (la plateforme qui diffuse le combat contre Luis Nery aux Etats-Unis). Il peut contrer s’il a un adversaire qui avance sur lui. Il peut aussi avancer sur son adversaire. Ses fondamentaux sont excellents, il a un excellent jeu de jambes, un super équilibre, un jab excellent. C’est le package complet, tout ce que vous voulez voir chez un boxeur, et sa puissance combinée à sa vitesse est unique." "Il fait partie des plus grands aujourd’hui, si ce n’est le plus grand, en technicité pure, juge Brahim Asloum, ancien champion olympique et du monde chez les mi-mouches. Sincèrement, il n’y a pas plus parfait, plus impactant, plus intelligent dans sa manière de boxer. Il est hallucinant."

Pesé à 55,3 kilos pour sa catégorie, l’homme qui avait signé 48 KO sur 75 victoires chez les amateurs – une dinguerie dans les petites catégories – frappe où il faut et quand il faut. Mais aussi comme un sourd. Le magazine de référence The Ring, dont il a été le premier Japonais à faire la couverture (et premier Japonais numéro 1 de son classement toutes catégories confondues, place abandonnée depuis à Crawford), l’avait désigné en 2018 comme "le plus gros frappeur du milieu"… qui inclut pourtant des cogneurs démoniaques comme Artur Beterbeiv ou Deontay Wilder. Brahim Asloum résume la chose d’une formule qui claque: "Si on doit comparer, heureusement que les poids lourds n’ont pas cette puissance par rapport à leur poids… A poids égal, ça tape plus fort que Deontay Wilder, plus fort que Mike Tyson. C’est totalement incroyable. Son rapport poids-puissance est hors normes. On n’a plus vu ça depuis un certain Manny Pacquiao. On est face à un phénomène."

…et une superstar qui rapporte très gros (et qui énerve les Américains)

C’est une somme qui ne peut d’habitude pas être produite ailleurs que du côté de Las Vegas. Mais Naoya Inoue n’est pas un combattant comme les autres. Superstar au Japon, où on a par exemple pu le voir ces derniers jours dans des publicités pour de la bière ou en couverture d’un magazine de bandes-dessinées, le "Monster" n’est pas la plus grande étoile populaire du sport nippon – l’honneur revient à Shohei Ohtani, joueur de baseball – mais celui que beaucoup considèrent déjà comme le meilleur boxeur japonais de l’histoire représente sans doute plus dans son pays que n’importe quel autre boxeur sur la planète, à l’exception peut-être du Mexicain Canelo Alvarez.

Résultat? La billetterie de son combat contre Luis Nery au Tokyo Dome, où plus de 55.000 spectateurs vont se masser (il y avait un tirage au sort pour les premiers billets tant la demande était fort), devrait selon les dernières informations rapporter plus de 20 millions de dollars. De quoi entrer dans le top 10 des plus gros gains de l’histoire de la boxe… mais le seul en dehors de Vegas. Avec une telle passion derrière lui, Inoue peut toucher plusieurs millions de dollars à chaque combat à la maison. Et voit ses rivaux, même américains (Stephen Fulton en 2023), préférer venir le boxer au Japon vu le chèque promis pour ça.

Ce qui n’empêche pas une partie des boxeurs et du public US à prétendre qu’il ne pourra pas être une superstar de son sport tant qu’il ne viendra pas combattre chez eux. Peut-être vrai sur le plan des abonnées sur les réseaux sociaux. Mais pour le reste… Le Japonais, qui a déjà combattu trois fois aux Etats-Unis pour deux KO et un abandon de l’adversaire, n’a aucune raison de lâcher tout ce qu’il a construit chez lui juste pour satisfaire l’égocentrisme des fans américains.

Parce que la boxe revient au Tokyo Dome… 34 ans après

Le 7 février 1990, au Korakuen Hall de Tokyo, Hideyuki Ohashi devient pour la première fois champion du monde en battant Jum Hwan Choi pour le titre WBC des pailles. Quatre jours plus tard, le boxeur japonais se rend au Tokyo Dome, à quelques encablures de la salle où il a été sacré, pour voir Mike Tyson défendre ses ceintures WBC-WBA6IBF des lourds face à James "Buster" Douglas. Qui va signer la "surprise du siècle" en mettant KO le terrifiant Américain jusque-là invaincu. Ohashi en sort avec un objectif: venir lui aussi boxer dans cette enceinte de plus de 55.000 spectateurs d’habitude réservée au baseball.

Trente-quatre ans plus tard, il va pouvoir réaliser son rêve à travers son poulain Naoya Inoue. Devenu coach et promoteur via Ohashi Gym et Ohashi Promotions, avec lesquels Inoue s’est engagé chez les pros, l’ancien champion du monde va ramener la boxe anglaise au Tokyo Dome pour la première fois depuis ce Tyson-Douglas il y a 34 ans, signe des statuts sportif et populaire atteint par le "Monster" avec ses performances de choix dans le ring. "Qu’est-ce que ça dit de Naoya Inoue de remplir une telle enceinte sur son nom? Ça montre que ce n’est pas juste un combattant mais une rockstar", résume Timothy Bradley.

"C’est quelque chose que tout le monde ne peut pas atteindre, apprécie Inoue.. Je veux savourer cette fierté quand je serai dans ce ring. C’est difficile d’imaginer ce moment. Mais je sais que ça va être un événement énorme." Avec le choc Inoue-Nery en cerise sur le gâteau mais aussi trois autres championnats du monde au programme. En tout, six Japonais vont disputer une (ou plusieurs) ceintures mondiales au Tokyo Dome. Le symbole d’un pays qui vit son âge d’or dans le noble art et qui voit beaucoup de ses représentants dominer dans les petites catégories. Il aura fallu 34 ans pour revoir la boxe au Tokyo Dome. Il aura surtout fallu un phénomène comme Inoue. Le résultat est à la hauteur des attentes.

https://twitter.com/LexaB Alexandre Herbinet Journaliste RMC Sport